Elections
russes
Les élections à la Douma d’Etat se sont tenues dimanche deux
décembre en Russie. Les résultats traduisent le succès de la liste du
pouvoir « Russie unie » menée par le Président V. Poutine. Les
résultats annoncés : 65% de votants, 64% pour Russie Unie (RU), 12%
pour le parti communiste de la fédération de Russie (PCFR), 7,5% pour le
parti libéral démocrate de Russie (PLDR) et 7,2% pour Russie Juste (RJ).
Ces deux derniers partis sont en fait des succursales du pouvoir. RJ était
même promis à devenir « l’opposant de gauche » dans un système de
bipartisme contrôlé par les dirigeants du Kremlin. Les autres partis se
réclamant, pour la plupart d’entre eux, ouvertement du capitalisme n’auront
aucun élu puisqu’ils ont réalisé des résultats très inférieurs à 7%.
Dans quel
contexte se sont déroulées ces élections ? Elles se sont déroulées sur
fond d’un début de traduction du mécontentement dans des actions
revendicatives. Ainsi, la nature et le nombre de conflits sociaux montre
que les salariés se laissent de moins en moins faire et s’organisent hors
des syndicats contrôlés par le pouvoir. Le mécontentement vient aussi de la
hausse rapide des prix, de la monétarisation des services, de la
dégradation des services de soins et d’éducation. Dans le même temps, en
comparaison de la situation créée après l’effondrement de l’URSS et son
cortège de frustrations et d’appauvrissement de masse de la majorité de la
population, la Russie de 2007 dirigée d’une main de fer par V. Poutine apparaît
comme redressant la tête. L’ordre règne à nouveau et le baril de pétrole à
100 dollars permet au pouvoir d’acheter une paix sociale relative. Poutine,
populaire (c’est indéniable) apparaît
aux yeux de beaucoup de russes comme hors du champ des dominations
des oligarques et comme le garant de l’unité de la Russie. En réalité, il a
réalisé la fusion entre une
partie de l’oligarchie et le pouvoir et développé une politique de contrôle
des principales sources de richesses par l’Etat, de holdings, où cohabitent
les intérêts privés et le capital étatique. Dans ces conditions, Russie
Unie est organiquement le parti de la couche dirigeante et des
fonctionnaires d’Etat.
Si la victoire
de Poutine ne fait aucun doute, l’ampleur de cette victoire est sujette à
caution. Jamais depuis 1991, un scrutin n’aura été aussi manipulé. Il l’a
été dans sa préparation et sa réalisation. La campagne électorale a été
caractérisée par un déluge inégalé de propagande et de pression sur les
électeurs. Rien n’a été négligé pour que des urnes sorte un plébiscite pour
Poutine. Il n’est pas exagéré de penser que les résultats ont été manipulés
à grande échelle. Ainsi le PCFR estime qu’à Moscou par exemple, son
résultat a été diminué par deux. En Tchétchénie, il y aurait eu 99% de
votants. Cette situation se répète dans toutes les Républiques sous le
contrôle de l’armée. Des urnes mobiles, sans aucun contrôle, ont permis de
ramasser des voix tandis que les procurations suscitées en direction de
fonctionnaires sûrs ont permis d’arrondir les scores de RU.
Malgré cela, le
PCRF obtient plus de voix que lors des élections précédentes et se
maintient en pourcentage. Il est bien le seul opposant réel à la politique
du pouvoir. Selon un sondage, les jeunes qui disent avoir voté Poutine l’ont
fait non parce qu’il était la tête de liste de RU, mais parce qu’il est le
seul à leurs yeux capable de redonner un statut de puissance à la Russie.
Dans le même
temps, les jeunes qui ont voté PCFR l’ont fait pour les idées qu’il a
avancé dans la campagne et en particulier au plan économique en préconisant
la nationalisation des secteurs économiques et financiers stratégiques.
S’il est bien le
seul opposant à la politique de Poutine, le PCFR est présenté en France et
dans les pays occidentaux comme un parti mineur, le seul vrai opposant
serait Kasparov. Notons tout d’abord que le parti qui lui est le plus
proche n’a obtenu qu’un pour cent des voix et lui-même a été incapable de
rassembler les 50.000 signatures nécessaires à la présentation de listes. Kasparov
est en fait un homme des services US. Pour preuve, en 1991 il est devenu
membre du « Center for Security Policy », un groupe de pression
américain composé d’amis de l’ancien Président Reagan et de G.W. Bush.
Siége aussi dans ce comité Richard Perle, un des architectes de la guerre
en Irak. On y trouve aussi le vice-président Dick Cheney. Kasparov sert les
intérêts de Chodorkovski l’ex-patron du groupe Youkos qui a été
re-nationalisé par le pouvoir parce que ce groupe refusait de payer ses
impôts et de se soumettre au Kremlin.
La situation
politique qui s’ouvre en Russie est malgré les apparences pleine
d’incertitudes. Poutine a remporté une victoire peuplée d’attentes fortes
de la part de la population. La construction politique d’un bipartisme sans
alternative réelle a pour le moment échoué. Poutine est maintenant seul
face aux exigences les plus pressantes du peuple russe et face à un parti communiste qui a su
rassembler les forces progressistes et se redonner un programme qui n’est
pas simplement basé sur la nostalgie de l’époque soviétique.
Correspondant particulier à
Moscou
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