|
||
|
|
|
|
Retour
ACCUEIL |
|
05/07/2007 |
|
|
|
|
|
Au Darfour : ça pue le pétrole |
||
1. Les cris d’orfraie des
« humanitaires » Les bonnes âmes
de nos pays impérialistes s’émeuvent de la situation au Darfour ; Depuis
des mois, on entend les cris des «humanitaires», cette armée déguisée au
service du grand capital. Notre ministre des affaires étrangères, le très
atlantiste Kouchner est même une des voix les plus entendues dans ce concert.
Il a rodé sa partition en participant activement au dépeçage de la
Yougoslavie, puis en devenant le gauleiter US du Kosovo. Aujourd’hui,
chevalier blanc des compagnies pétrolières Chevron et Exxon, il s’affaire au
Soudan. Kouchner
appartient à un groupe international de propagande appelé «International
crisis group». Ce groupe siège à Bruxelles et il est difficile de résister à
l’envie de donner les noms de quelques-uns de ses dirigeants : Christine
Ockrent soi-même (eh oui !) ; Chris Patten, ancien commissaire européen
; Joschka Fischer, ancien
ministre allemand des affaires étrangères ; Zbigniew Brzezinski, stratège de
la politique US dans les années 80 dont les penseurs de Bush junior
s’inspirent encore ; George Soros le milliardaire US qui a participé au
financement et à l’organisation des coups d’Etat en Géorgie, Ukraine et
Yougoslavie (excusez du peu !), le général Wesley Clark, chef des
bombardements de l’OTAN sur la Yougoslavie ; enfin le président d’honneur
n’est autre que l’ancien Premier ministre finlandais Marti Ahtisaari, chargé
par la «communauté internationale» d’arracher le Kosovo à la Serbie. Le Soudan,
c’est loin, les USA ne semblent
pas y être directement engagés pour peu qu’on ne regarde pas de trop
près mais surtout ce pays
est victime de la cruauté supposée du monde arabo-musulman, l’ennemi
désigné depuis maintenant des
années par les dirigeants américains. « Génocide »
ou « crimes contre
l’humanité », pourquoi ces termes ? La commission des droits de l’homme de l’ONU a remis un rapport le 12 mars 2007 qui
évoque des « crimes de guerre » et des « crimes contre
l’humanité » au Darfour. L’ingérence étrangère dans les affaires
internes d’un pays devient par ce biais possible ! On peut se
demander pourquoi tant d’acharnement de la part des USA à s’occuper du sort
des populations du Darfour quand ils font tout pour que leur instrument,
l’ONU, ne se mêle ni de ce qu’ils font en Irak ni de ce que leurs alliés
israéliens font en Palestine. La réponse est simple : le sous-sol du
Soudan regorge de pétrole ! 2. Un peu de géographie et
d’histoire Avec une
superficie cinq fois supérieure à celle de la France le Soudan est un des
plus grands pays d’Afrique noire. Débordant de ressources minières, il fait partie de la zone centrale de
l’Afrique riche en pétrole, comme son voisin le Tchad. La partie nord
puis la partie centrale du pays furent islamisées depuis le Xème siècle ; si
la majorité de la population est musulmane, il existe, dans le sud une forte
minorité à la fois chrétienne et animiste. Pourtant la langue commune, qui
sert de ciment au pays, est l’arabe. Au XIXème siècle, le Soudan fut colonisé
par les Britanniques, non sans conflits avec les Soudanais du Mahdi, puis
même avec les Français. L’indépendance
du pays fut accordée par le colonisateur en 1956. Mais l’émergence d’un
pouvoir politique national fort date de l’arrivée au pouvoir du général
Ghafaar El Nemeiry en 1969. Un gouvernement militaire fut ainsi constitué,
formé d’une majorité de «Nationalistes arabes», plus proche d’un Sadate que
d’un Nasser, et d’une minorité de Communistes. En 1972, l’affrontement qui
couvait entre les deux tendances se traduit par une Révolution manquée.
Nemeiry retrouve le pouvoir grâce à l’aide du Libyen Khadafi. Il se
débarrasse des officiers communistes, interdit leur parti et fait exécuter
son secrétaire général, Abdel Khalek Mahjoub. Dès lors, le
régime soudanais va suivre en politique internationale le même chemin que
l’Egypte, la précédant même souvent. En 1979, Nemeiry rompt définitivement
avec l’URSS, renvoie ses derniers conseillers et entame une période
« d’amitié » avec les USA. Il est informé par les soins de leur
ambassadeur à l’ONU (George Bush père) de l’existence de gisements de pétrole
révélée par des photos satellites. Il mord à l’hameçon et invite la
multinationale pétrolière américaine Chevron à venir exploiter le pétrole du
Soudan. Installée
dans le sud du pays, celle-ci y trouva d’importantes réserves de pétrole
qu’elle commença d’exploiter. Or, ce sud Soudan était une poudrière. Nemeiry
avait mis fin en 1975 par un accord à une première rébellion. L’odeur du
pétrole souleva bien d’autres appétits,
d’autres mouvements de guérilla, dès 1983, s’en prirent aux intérêts de Chevron et de
Total qui s’était installé là peu après. Chevron dut suspendre son projet d’agrandissement en 1984
et plia bagage en 1992, suivie de près par Total. Nemeiry fut
renversé en 1986 par une révolte populaire et la situation demeura instable
jusqu’au coup d’Etat du général Omar El Béchir en juin 1989. Celui-ci
transportait dans ses bagages l’organisation islamiste intégriste FNI,
l’équivalent des Frères Musulmans et notamment leur chef Hassan El Tourabi
qui exerça durant quelques années une influence importante dans le pays.
Mais, peu à peu, Béchir prit ses distances avec Tourabi, il le chassa même du
pouvoir lors d’une mini-révolution de palais en 1999 et le fit emprisonner en
2001. Du point de vue international, le Soudan d’El Béchir s’éloigna des
Etats-unis en soutenant l’Irak dès la première guerre du golfe et en
entretenant des relations de plus en plus suivies avec la Chine. Parallèlement,
la guerre civile déclenchée dans le sud du pays par les appétits pétroliers
des uns et des autres prit une forme définitive en 1990 avec la formation du
MPLS (Mouvement pour la libération du Soudan) et son bras armé l’APLS, tous
deux dirigés par John Garang, un militaire formé à l’école des forces
spéciales US de Fort Beaning. Garang était soutenu par les USA, mais aussi
par Israël et l’Ouganda, ce pays voisin du Soudan dont le président Museveni
était et est toujours un pion important de la stratégie US dans la région. Le
pétrole, qui avait divisé les belligérants, permit la sortie de crise. Béchir
et Garang signèrent un accord de paix en 2002 prévoyant un partage des
revenus du pétrole auquel se prêtèrent les compagnies que le gouvernement de
Khartoum avait fait venir sur place, indonésiennes, malaises et surtout
chinoises. La paix
établie au sud, les USA se tournèrent alors vers l’est avec la province du
Darfour, limitrophe du Tchad, mal reliée au centre du pays et laissée pour
compte par le gouvernement. Le projet d’intervention militaro-humanitaire
prit corps grâce à la complicité d’Idriss Deby, le président du Tchad et de
ses protecteurs français. Exxon, la multinationale pétrolière US, reçut
l’autorisation d’exploiter une partie des gisements de pétrole tchadiens et
construisit un oléoduc reliant le centre du Tchad au port camerounais de
Kribi. Deby, homme des Français, diversifiait donc ses protections. Il rendit
un signalé service à l’impérialisme US : les hommes de sa garde
présidentielle déclenchèrent le conflit armé du Darfour en 2004. Khartoum
réagit et la situation que l’on connaît s’en suivit. Pourtant,
un accord de paix fut bel et bien signé entre le gouvernement de El Béchir et
les mouvements de guérilla ; des soldats de l’OUA (Organisation de l’unité
africaine) se chargeaient de le faire respecter. Il
ne pouvait en être question pour les compagnies pétrolières US et leur larbin
de la Maison-Blanche. Aussi, l’un des mouvements de guérilla, le MJE,
intégriste et proche d’Hassan El Tourabi, refusa cet accord et relança la
guerre avec le soutien du Tchad. 3. La Chine L’Irak était,
avant son invasion par les Etats-Unis, le principal fournisseur de pétrole de
la Chine. Ce n’est certes pas l’unique raison, mais il est évident que ce fut
un des motifs importants de l’agression US puisque de plus en plus, les deux
impérialismes, US et Chinois sont rivaux. L’Afrique
est aujourd’hui l’un des théâtres de cette rivalité. La Chine
s’est embarquée dans une série d’initiatives destinées à lui assurer sur le
long terme l’accès à des sources de matières premières et essentiellement de
pétrole. Elle utilise des crédits sans condition, en dollars US. Elle
distribue généreusement des prêts sans intérêt ni garantie à des pays parmi
les plus pauvres d’Afrique. Les prêts vont à des travaux d’infrastructure
(routes, écoles, hôpitaux). Ainsi, en 2008, la Chine a fourni plus de 8
milliards de dollars au Nigeria,
à l’Angola et au Mozambique, contre 2,3 milliards à toute l’Afrique
subsaharienne de la banque mondiale. Leur rivalité
s’aiguise sur tout le continent. La Chine vient de conclure un accord
pétrolier avec deux des plus grands pays du continent, le Nigeria et
l’Afrique du sud. La CNPC (compagnie nationale pétrolière de Chine) importera
du pétrole du Nigeria par le biais d’un consortium avec une compagnie
sud-africaine. Or, jusqu’ici, le Nigeria était la chasse gardée des «majors»
anglo-US Exxon, Shell et Chevron. Aucune
source de pétrole n’a plus été au centre du conflit pétrolier Chine-USA que
le Soudan. La CNPC est le plus important investisseur étranger
du pays. Elle a fait construire un oléoduc qui rallie les gisements du sud
Soudan au terminal de Port-Soudan, sur la Mer rouge. La Chine importe du
Soudan 8 % du pétrole qu’elle consomme ; elle prélève 65 à 80 % du pétrole
produit par ce pays. Elle exploite depuis 1999 les gisements qui avaient
appartenu à Chevron avec des résultats remarquables. La CNPC détient en
particulier des droits sur la zone pétrolière qui chevauche le Darfour,
jusqu’à la frontière avec le Tchad et la République centrafricaine. En
avril 2005, le gouvernement soudanais a annoncé avoir trouvé du pétrole dans
le sud du Darfour. Tous les journalistes et les vierges effarouchées de
l’humanitaire, préoccupés soi disant du bien être des populations du Darfour,
ont occulté cette information majeure. Joli métier ! 4. Ce qui se passe au Darfour Les
événements se précipitent depuis des mois corroborant la thèse d’un montage
organisé par les impérialismes US et Français. Après la
déclaration de Colin Powell évoquant un génocide, l’ONU a déféré le cas du
Darfour au procureur de la Cour Pénale Internationale, un organisme chargé de
veiller la conformité des Etats et de leurs lois aux règles du capitalisme
international. Il en est ressorti 51 accusations pour crimes de guerre et
crimes contre l’humanité. En France des
tas de pétitions circulent pour compléter le travail de l’éminent collectif
«Urgence Darfour». Le journal « Libération » se réjouissait lors de
la campagne électorale présidentielle : « C’est le réveil des
consciences ! ». A y regarder de plus près on s’aperçoit que toutes ces
pétitions viennent d’organisations chrétiennes intégristes et pro-sionistes.
Elie Wiesel aux USA et Kouchner en France sont les principaux chantres de ce
panier de crabes. Le credo de ces gens-là est simple, exprimé par le
baroudeur en 4x4 climatisée, spécialiste de toutes les causes chères à
l’impérialisme, au nom qui sonne comme un produit insecticide, BHL. Il
déclarait dans un quotidien, peu importe lequel ils chantent tous la même
rengaine : « Les milices arabes issues des tribus nomades massacrent les
populations négro-africaines du Darfour». Il suffisait d’y penser, les
salauds d’arabes tuent les gentils noirs, ce conflit n’est pas pétrolier, il
est ethnique. Seulement, ça
ne colle pas. Les cavaliers nomades qui sont ici pointés du doigt, les
«Jarjawid», mercenaires du gouvernement soudanais, sont aussi noirs que leurs
victimes. Toutes les populations ont été islamisées et arabisées au cours
d’un long processus historique ; toutes utilisent l’arabe même si certaines
conservent aussi certains parlers africains. Le brassage multiséculaire des
populations interdit de faire des distinctions raciales que les mariages
interethniques ont rendues imperceptibles. Reste un
deuxième credo, à défaut de conflit ethnique parlons de conflit religieux ou
de choc des civilisations. Au Darfour tout le monde est musulman. Alors, l’ineffable
BHL a inventé la légende du combat entre les deux islams : le modéré des
gentils du Darfour et l’intégriste des méchantes autorités soudanaises,
parlant de « un autre théâtre pour le seul choc de civilisation qui tienne et
qui est celui, nous le savons, des deux islams ». Et pourtant, là
encore, ça ne passe pas. Le conflit du Darfour a débuté en 2004 avec la
rébellion de deux mouvements armés, le MLS (Mouvement pour la liberté du
Soudan) et le MJE (Mouvement pour la justice et l’égalité). Celui-ci est
d’obédience islamiste et proche de Hassan El Tourabi. Il est armé via le Tchad par les USA, lesquels
accusent le gouvernement soudanais d’être ami de Ben Laden. Plus le mensonge
est gros... Il reste que la
pression internationale est à son sommet. La visite au Soudan de Kouchner
un mois après son installation au ministère en est une illustration parfaite,
de même que les fameux couloirs aériens qu’il a obtenus. L’étape suivante est la mise en place
de la force de l’ONU décidée par le Conseil de sécurité. Il s’agit de
remplacer ou au moins de renforcer les troupes de l’OUA par des soldats de
l’ONU, autant dire de l’OTAN, puisque ce sont ces pays-là qui constituent
ultra-majoritairement les forces onusiennes (cf. le Liban). On comprend la
réticence des autorités soudanaises à accepter la présence de leurs ennemis
sur leur sol. 5. Où veulent en venir les
USA? On sent bien,
dans le processus mis en place par les USA avec toutes les ONG, un montage
comparable à celui qui a permis l’éclatement de la Yougoslavie et la prise de
pouvoir de gouvernements favorables à l’impérialisme. En effet, les
USA ont alimenté en armes la rébellion au sud Soudan via l’Ouganda et
l’Erythrée et ils alimentent celle du Darfour via le Tchad. Le principal
mouvement de rébellion au Darfour, le MLS et sons bras armé la SLA (armée de
libération du Soudan) ont pour objectif de créer un changement de régime au
Soudan. Ce n’est pas seulement le Darfour que
veulent les pions des USA, c’est tout le Soudan. Et leurs
maîtres ne sont pas loin : le Sénat US a voté plusieurs résolutions demandant
des troupes de l’OTAN au Darfour ; l’armée américaine forme et a formé des
officiers dans beaucoup de pays frontaliers du Soudan (Erythrée, Ethiopie,
République centrafricaine, Tchad) et même au Cameroun, qui est un peu plus
loin. L’impérialisme
occidental a donc entamé une action multiforme qui n’exclut pas les rivalités
entre France et USA, visant soit à obtenir la sécession de diverses provinces
du Soudan soit à y installer un chaos comparable à celui de l’Irak ou de la
Somalie ou encore de l’Afghanistan. Un tel scénario, avec des bandes armées
vivant de la taxation des exportations, ferait le bonheur des impérialistes
qui n’auraient plus qu’à se partager les bénéfices. Ce type d’action a échoué
pour le moment au sud Soudan, il a été entamé au Darfour sitôt le calme
revenu. Mais la
bataille pour le pétrole n’a pas livré encore tous ses secrets. Idriss Deby, le président tchadien, a
commencé à ruer dans les brancards. Il doit tenir compte d’un mouvement
d’opposition armée probablement aidé par le gouvernement soudanais. L’armée française lui a sauvé la mise
une fois, mais son pouvoir est fragile. En outre il n’est pas satisfait de la
faible part des bénéfices pétroliers que lui laisse Exxon. Un conflit a
récemment éclaté entre le président et la multinationale à ce propos, qui
s’est terminé par une augmentation de la quote-part de Deby. Et
voilà que la Chine a proposé ses services au Tchad, qui les a acceptés.
Une partie du pétrole tchadien est exploitée depuis 2006 par la CNPC
chinoise, alors que les relations diplomatiques entre les deux pays étaient
rompues depuis 1997. Que dire du
rôle obscur de la France dans cette histoire ? Deby a menacé Exxon, mais pas
Total. Total est apparemment en train de négocier pour prendre à sa charge
une partie des gisements de pétrole soudanais gérés par la compagnie malaise
Pétronas. La France aurait-elle d’un côté la trompette de Kouchner et en
sous-main des tractations qui ménagerait ses intérêts au cas où la Chine
emporterait le morceau sur les USA ? Il n’est pas interdit de se poser la
question. En guise
de conclusion En explorant
la réalité, on est bien loin des messages « humanitaires ». Dans
cette affaire, tout le monde se fout de la population du Darfour que certains
pays proches, mais surtout les USA et la France tentent d’instrumentaliser.
La solution militaire prônée par les impérialismes occidentaux n’est
certainement pas de nature à sauver la mise des Darfouri. En revanche, elle
peut permettre de glisser un pied sur le pétrole soudanais et de gêner le
grand rival chinois. Là est toute l’histoire, le reste est simple
littérature. |
Envoyer
cet article à un(e) ami(e)
http://www.sitecommunistes.org