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19/01/2008
A propos du Pakistan |
I Quelques généralités Revenons d’abord sur la façon dont l’appareil
idéologique de la bourgeoisie de notre pays traite cette question. Plus
globalement, essayons de décrypter la manière dont ce même appareil et celui
de l’impérialisme dominant, les USA, expliquent à leur public quelque événement
international que ce soit. Qu’est ce que l’appareil idéologique de la
bourgeoisie ? Nous appelons
ainsi l’ensemble des moyens mis en place pour nous dire comment penser en
utilisant : — les journalistes
de la presse écrite et de l’audiovisuel, artistes de la désinformation à tel
point qu’ils sont les premiers à gober les mensonges qu’ils débitent ; — mais aussi les
spécialistes en tous genres qui font flores depuis quelques années sur les chaînes
radios et de TV, décrétés unique autorité pensante dans tel ou tel
domaine ; le spécialiste du chômage expliquant doctement qu’il baisse,
celui de l’environnement qui vante les agro-carburants ou encore celui du
Moyen-Orient qui voit la bombe en Iran, mais pas en Israël ; — sans oublier, bien sûr, tous nos hommes politiques de
droite et de gauche qui ânonnent des variations pas toujours visibles à l’œil
nu sur une même partition, notamment en ce qui concerne le Moyen-Orient. Comment procèdent-ils ? Les mots clés
pour comprendre sont peu nombreux. Le premier d’entre eux est dictateur. Il y a
quelques années, on avait cru comprendre que cela désignait des personnes
parvenues au pouvoir sans le label des sacro-saintes élections organisées par
le capital ; mais aujourd’hui, il semble bien que le mot dictateur signifie
actuellement : « personne ayant déplu à l’impérialisme US ou UE, (dont le nom
officiel dans nos media est "communauté internationale") ». Leur deuxième
mot clé, démocratie, doit s’entendre comme un « régime politique
dans lequel les capitalistes ont tous les droits », la société du renard
libre dans le poulailler libre. N’est-ce pas une « démocratie », un
pays comme la Chine qui est en train de devenir le principal concurrent des USA
à l’échelle de la planète, qui vient marcher sur ses plates-bandes en
Afrique. C’est Pourtant, un pays
capitaliste comme les autres, le renard y mange librement les poules libres
comme en France, aux USA ou en Europe. Mais, comme il est concurrent, on lui
dénie le droit d’être une «démocratie». Passons au
troisième mot clé : Al-Quaïda. Pour une organisation dont
aucune preuve réelle de l’existence n’a jamais été apportée, voilà une sacrée
publicité. Passons sur le fait que les soi-disant apparitions de Ben-Laden
sont toutes sponsorisées par la société américaine Intelservices ; passons
aussi sur les déclarations de deux éminents responsables US : le commandant
des forces armées en Irak, Mark Kimmit le 10 avril 2007 : « Le programme Al
Zarkawi d’opérations psychologiques en Irak est la campagne d’information la
mieux réussie » (Washington Post) ou encore le conseiller du président, Kevin
J Berger le 15 octobre 2006 : «Al Quaïda en Irak est une pure mystification »
(reprise dans le New York Times le 19 juillet 2007). Al Quaïda c’est
tout au plus un concept, fabriqué idéologiquement (ainsi le mythe du
soi-disant Zarkawi en Irak, que personne de la Résistance n’a jamais vu) et
reposant sur des gens dont la seule chose sûre que l’on sache d’eux est
qu’ils ont travaillé pour les USA et la CIA, ainsi Ben Laden en Tchétchénie
ou son second Al-Zawahiri en Bosnie et au Kosovo. Mais le fantôme Al-Quaïda est fort utile pour
l’impérialisme, c’est le repoussoir absolu, qui justifie tout et n’importe
quoi, au nom de la guerre contre le "terrorisme". Hors de ces
trois critères, point de salut. On assaisonne les trois et on monte la
mayonnaise. Mais il est interdit de demander à quelle classe sociale
appartiennent les protagonistes d’un événement, ni quels intérêts économiques
ils représentent. C’est pourtant en procédant de cette manière que l’on peut
comprendre ce qui se passe dans un pays que l’on connaît peu. Quelques éléments indispensables à une analyse
sérieuse : Pour ce qui
concerne les pays du Tiers Monde il est nécessaire de s’intéresser à
l’Histoire récente et singulièrement au passé colonial et aux rapports
entretenus avec l’impérialisme. Depuis le début du XXème siècle où le
capitalisme planétaire a atteint le stade de l’impérialisme, les bourgeoisies
des pays du Tiers Monde ont oscillé entre deux positions. Certaines ont
choisi de combattre le colonisateur et l’impérialisme, en prônant une
émancipation complète allant parfois jusqu’à une alliance avec les classes
populaires (Nasser en Egypte ou le parti Baath en Syrie) ou même jusqu’à
adopter un régime contenant des formes de socialisme (Algérie de Boumediene). Au contraire,
dans d’autres pays, la bourgeoisie, que nous appelions alors compradore
, a choisi la totale allégeance au colonisateur puis à
l’impérialisme dominant, toute heureuse de profiter des avantages matériels
qu’elle en tirait. Depuis la fin de
l’URSS, l’un des enjeux majeurs pour l’avenir du Tiers Monde, est le résultat
de la lutte entre ces deux tendances des bourgeoisies locales. Et l’on peut
répliquer à ceux qui, pointant l’Islamisme, voudraient absolument avoir une
lecture des événements uniquement ou essentiellement religieuse, que
l’intégrisme se trouve tour à tour dans chacun des camps : compradore avec
Zia au Pakistan, Massoud en Afghanistan ou Hassan El-Tourabi au Soudan et
nationaliste avec le Hezbollah au Liban ou le Hamas en Palestine ; on peut
enfin citer l’Iran où tous les dirigeants de la bourgeoisie au pouvoir sont
plus ou moins intégristes mais que les uns (Rafsandjani ou Khatami)
représentent une tendance compradore et les autres (Ahmadinejad) une tendance
nationaliste avec un but de «leadership régional». II Essai d’analyse de la situation au
Pakistan Un
pays artificiel, créé par les Britanniques
Colonialisme et
religion expliquent l’existence de cet Etat né de rien, sans aucune
justification historique, le Pakistan. La langue officielle, l’urdu, est la
même que l’hindi ; le pays regroupe des populations iraniennes marquées par
le féodalisme, les Baloutches au sud est et surtout les Pachtous, au nord est
qui sont des Afghans. Le reste de la population, qui en constitue une nette
majorité, est indien et son histoire est liée à celle de l’Inde : ainsi le
tombeau d’un des empereurs moghols qui régnèrent sur l’Inde du XVIème siècle
à la domination britannique, Jahangir, est au Pakistan, à Lahore. Au moment où les
Indiens voulaient secouer le joug du colonisateur, avec notamment Gandhi,
l’idée émergea chez les Britanniques en difficulté d’une partition de l’Inde
fondée sur la seule raison de l’appartenance religieuse : une partition
totalement arbitraire entre musulmans et hindous. Un dénommé Ali Jinnah, à la
solde des colonisateurs, proclama la nécessité d’un Etat musulman. Les Britanniques
aidèrent cette division meurtrière à s’installer et l’organisèrent aussi à
l’occasion ; leur intérêt était simple : garder le plus possible d’influence
dans le futur Pakistan. La division se fit donc selon le modèle de
l’Allemagne du XVIème siècle : un Etat pour une religion. Mais les
affrontements entre "communautés", comme on dit maintenant, firent
près de 500 000 morts (sans parler de la guerre pour le Cachemire) et dix à
quinze millions de personnes furent déplacées. Dans ce partage artificiel,
les Britanniques créèrent un Etat en deux parties séparé par l’Inde : le
Pakistan occidental et le Pakistan oriental. Ce dernier acquit plus tard son
indépendance dans le sang et avec l’aide de l’Inde sous le nom de Bangla
Desh. Si l’Inde,
dirigée par Nehru et le parti du Congrès, mouvement de la petite et moyenne
bourgeoisie nationaliste, s’orienta très vite vers une politique indépendante
des impérialismes, étant à l’initiative du Mouvement des non-alignés et se
rapprochant fortement au milieu des années soixante de l’URSS, la bourgeoisie
pakistanaise choisit une toute autre voie : celle d’une sorte d’islam
politique au service des Britanniques, puis, au tournant des années 70 et 80
à celui des Américains. L’armée y joua
un rôle fort important. Les principaux dirigeants politiques du pays furent
jusqu’au début des années 70 des militaires, plutôt inscrits dans la mouvance
social-démocrate, ayant en tout cas des liens importants avec les
Travaillistes britanniques et israéliens, formés pour la plupart à la
prestigieuse école militaire de Sandhurst. Le Pakistan devint ainsi champion
de cricket, de polo, de hockey sur gazon et ses courts de tennis furent
revêtus d’herbe ; bref, la bourgeoisie et l’armée pakistanaise avaient pour
Londres les yeux de Chimène. Ensuite, un
civil, Ali Bhutto, incarna le Pakistan dans les années 70. Il était fait de
la même étoffe que les militaires qui l’avaient précédé. Fondateur en 1967 du
PPP, le Parti Populaire Pakistanais, affilié à l’Internationale socialiste,
il représentait la frange moderniste de la bourgeoisie, fort liée aux
Britanniques à qui elle confiait l’éducation de ses enfants pour les études
supérieures. Il fut combattu par les milieux les plus réactionnaires de l’armée
et des religieux. Ceux-ci décidèrent de se débarrasser de lui et de son
«socialisme islamique». Il fut donc renversé par un coup d’Etat qui porta au
pouvoir la pire réaction du pays, longtemps écartée auparavant, en la
personne du général Zia Ul-Haq, intégriste et fasciste. L’arrivée assez
rapide de conseillers militaires US donne à penser que l’impérialisme yankee
n’était pas étranger à la chose. En tout cas, les mentors des dirigeants
pakistanais se trouvèrent désormais plutôt à Washington, avec Carter puis
avec Reagan, qu’à Londres. Le
Pakistan "créature" des USA
Pour ce qui
concerne les péripéties qui suivirent, il faut juste préciser que, rivaux
durant les années 80 et surtout 90 (après l’épisode Zia), Benazir Bhutto avec
son PPP hérité de son père et Nawaz Sharif avec sa Ligue musulmane passaient
pour des adversaires politiques irréconciliables, représentant officiellement
la gauche et la droite. A l’époque, on y croyait, et pas seulement en France.
Rassurons-nous, les deux partis sont aujourd’hui réconciliés. Par ailleurs le
règne de Zia puis le retour de la "démocratie" et de ses frères
ennemis cités plus haut furent aussi le temps de la participation active de
l’armée et des services secrets pakistanais à la contre-révolution féodale en
Afghanistan, armée et organisée par les USA. Pour combattre la Révolution
afghane, le militantisme de la social-démocrate Benazir Bhutto n’eut rien à
envier à celui du fasciste Zia Ul-Haq en ce domaine. Comme quoi, la haine de
classe dépasse les clivages artificiels ! Cette contre-révolution et la
concomitance de la prise du pouvoir par Reagan et Thatcher rapprochèrent les
impérialismes britanniques et yankee, désormais main dans la main. C’est un coup
d’Etat qui permit à l’actuel président Pervez Musharraf de prendre le pouvoir
en 1999, à la suite de l’échec d’une nième aventure militaire contre l’Inde
ordonnée par Nawaz Sharif, alors Premier ministre. Mais la gabegie, la
corruption et l’enrichissement trop évident de la classe dirigeante avaient
facilité le retour au pouvoir de l’armée, dans un contexte marqué par la
"lassitude idéologique" du peuple pakistanais que la croisade
anticommuniste en Afghanistan ne nourrissait pas. Certes Musharraf
représente l’armée pakistanaise, mais elle est loin d’être idéologiquement
homogène. Il est issu de sa tendance la moins favorable aux impérialistes,
même si, arrivé au pouvoir, il s’est tout d’abord bien entendu avec les USA.
Il faut surtout noter que les liens tissés avant lui avec les divers
intégristes afghans, Massoud, Rabbani ou les talibans se sont distendus sous
son gouvernement ; il voulait probablement se retirer du bourbier consécutif
au revirement US : Bush faisant la guerre à ses meilleurs alliés d’hier, les
talibans. Il tenta de
secouer, timidement certes, le joug US, ce qui fit que nos medias le présentèrent comme peu sûr dans la
fameuse «lutte antiterroriste», on ne dit d’ailleurs jamais chez nous qu’il
emprisonna bon nombre d’intégristes liés à Nawaz Sharif et aux USA. Mais,
surtout, il se rapprocha de la minorité chiite vivant à l’ouest et au sud du
pays, notamment dans la grande ville populaire : Karachi. Karachi, située au
sud, est la mégalopole ouvrière du pays et les "élites" avaient
assez vite choisi de déplacer vers le nord la capitale de l’Etat, dans des
lieux plus hospitaliers pour la bourgeoisie ou la classe moyenne : Rawalpindi
d’abord, puis, selon le sacro-saint modèle des ex-colonies anglo-saxonnes,
dans une ville créée artificiellement, non loin de Rawalpindi : Islamabad, le
paradis des hauts fonctionnaires et des bourgeois. Le
retour des valets des USA et du Royaume-Uni et l’attentat
La réapparition
de Benazir Bhutto et de Nawaz Sharif constitue l’essai des impérialismes
britanniques et US de se remettre dans le jeu et d’imposer à Musharraf, jugé
trop distant des USA, trop nationaliste, dans un pays qui possède la bombe
atomique et des frontières communes avec l’Afghanistan, mais aussi avec
l’Iran. Le pragmatisme de Musharraf, ses liens même peu importants avec la
Chine inquiètent les impérialistes qui ont toujours en tête leur projet d’un
Grand Moyen-Orient vassal des USA. Les récents propos du président
pakistanais, invitant fermement la "communauté internationale" qui
consolide en Afghanistan la civilisation du dollar et du seigneur de la guerre,
à ne pas mettre les pieds dans son pays a dû continuer d’inquiéter Bush et
ses amis. C’est dans cette
situation qu’un attentat particulièrement bien organisé a coûté la vie à
Benazir Bhutto. Depuis, beaucoup de gens ayant pignon sur rue dans les media
internationaux, hommes politiques, spécialistes ou journalistes, ont laissé
entendre que Musharraf serait derrière tout cela. Bien sûr cela est toujours
possible, mais on sent quand même l’habituelle "solution de
facilité" de notre appareil idéologique. D’autres disent que les USA
sont forcément absents de toute responsabilité puisque Benazir Bhutto était à
leur solde et avait promis, si elle retournait au pouvoir, de permettre aux
soldats de la coalition de pénétrer au Pakistan. Pour ceux qui
croient les Yankees blancs comme neige, nous proposons un cas d’école pour
l’idéologie dominante, le Liban. A les écouter, au Liban, il n’y a ni
bourgeoisie, ni prolétariat, ni gauche, ni droite, ni religieux, ni laïques,
il n’y a que des anti-Syriens majoritaires et des pro-Syriens minoritaires.
Donc si un "anti-Syrien" est tué par un attentat, ce sont forcément
les "pro-Syriens", ou, encore mieux, les Syriens qui l’ont commis. Pourtant un vieil
adage dit : « Cherche à qui le crime profite. » Conséquence pour la Syrie, à
quelques mois de l’invasion du Liban par Israël : leur retrait militaire
quasi total du Liban. Le résultat de l’attentat est donc de laisser les mains
libres aux sionistes et de donner une occasion pour les impérialismes
impliqués dans le pays (France et USA) de faire contrôler le pays par leurs
sbires en dépêchant une enquête internationale. Au Pakistan, on
peut lire à l’identique les événements. Musharraf a vraiment de quoi se
réjouir maintenant qu’il risque d’avoir une "enquête
internationale" sur les bras, avec force membres des services secrets
impérialistes. Sachant déjà les réactions qu’avait suscitées l’état de siège,
il ne reste que peu de solutions : —
Musharraf ne regarde jamais les informations internationales ; —
Sa femme l’a quitté et il est suicidaire ; —
Si l’on cherchait d’autres coupables... Qui dit, que, comptant sur leur principal
pion, qui reste Nawaz Sharif, les USA n’ont pas sacrifié leur second, Benazir
Bhutto dont le parti est aujourd’hui co-dirigé par un enfant et par
l’homme le plus corrompu du pays ; un boulevard pour Sharif. Enfin, comment
ne pas être alerté par un fait unique dont l’importance semble avoir échappé
aux media internationaux : Al-Quaïda a démenti être l’auteur de
l’attentat ! ! ! Voilà une
organisation fantôme, qui revendique des attentats en Algérie, là où tout le
monde sait qui sont les fascistes intégristes : le couple infernal FIS-GIA,
que Bouteflika a courtisé et refusé d’interdire et qui, à quelques kilomètres
des grottes des talibans, refuserait d’endosser un attentat contre une femme
qui est l’incarnation même de la soumission à l’Occident soi-disant exécré ?
Et vous y croyez ? C’est la première fois que ces riches à qui l’on prête
tellement d’attentats refusent un cadeau !!! Et personne, ni TV, ni radio, ni
journal ne s’en émeut. Cela seul devrait suffire à provoquer une avalanche
d’écrits ou d’oraux si notre monde capitaliste était vraiment libre et si ses
journalistes étaient vraiment en quête d’informations... Compliqué tout ça ? Infiniment plus que la
version capitaliste mais plus conforme à la réalité. En
guise de conclusion
Le mieux vivre
du peuple pakistanais n’intéresse personne. Le Pakistan est une poudrière,
marquée par l’obscurantisme religieux, l’influence britannique et les
tentatives incessantes de mainmise US. C’est aussi un enjeu majeur dans la
rivalité des impérialismes US et chinois. On voit en grandeur nature quelles
violences ces affrontements pour le profit des grands capitalistes peuvent
causer. I l y a fort à parier que ça ne va pas s’arrêter demain : les
USA sont en Afghanistan, à deux pas d’Islamabad… Recommander cet article
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