24/04/2009
Le récent sommet de l’OTAN à
Strasbourg mérite que l’on se penche dessus, et pas seulement pour évoquer
les provocations policières. Le rôle de l’OTAN comme puissance
militaire la plus agressive de la planète se fait plus clair, jour après
jour.
C’est à cette aune qu’il faut mesurer le retour de la France dans le
commandement militaire de l’organisation, retour officiel, puisque la France
n’a pas attendu Sarkozy pour déployer ses troupes aussi bien en Afghanistan
qu’en Yougoslavie sous commandement de l’OTAN. 1. Un peu d’Histoire Le pacte atlantique Le traité de l’atlantique nord, qui donna naissance à
l’organisation politico-militaire OTAN (en anglais NATO) fut signé le 4 avril 1949 à Washington. Il n’est
qu’un des multiples exemples, avec notamment la création unilatérale de la
République fédérale d’Allemagne en 1948, de la volonté agressive des
puissances impérialistes vis-à-vis des pays socialistes. Il est bien sûr
essentiel de savoir que la constitution du pacte de Varsovie ne fut qu’une
réponse du berger à la bergère. Sous le couvert de l’OTAN, l’impérialisme dominant,
celui des USA, put installer des bases militaires et des armes de
destruction massive dans la plupart des pays d’Europe occidentale : en
cas de conflit militaire classique avec les pays socialistes, les Etats-Unis
épargnaient leur sol. Il s’agissait de se
rassembler contre l’ennemi commun, ce spectre qui, déjà du temps de Marx,
hantait l’Europe : le communisme. Les troupes américaines en Europe,
ainsi que les nombreux agents de la CIA qui allaient avec, ont
ainsi assuré la sécurité de l’Espagne de Franco, qui n’était pourtant pas
dans l’OTAN, ou de la Grèce des colonels, qui était signataire du traité. On ne peut s’intéresser à l’OTAN sans évoquer en parallèle la naissance et le
développement de la Communauté européenne, devenue Union européenne, autre
instrument des impérialistes né de l’imagination de Jean Monnet, ancien
vichyste recyclé par les USA et de Robert Schuman, valet des maîtres de
forges de l’est de la France, sorti du formol pour être bombardé ministre des
affaires étrangères. OTAN comme CEE furent avant tout des
instruments des USA pour lutter contre l’URSS et les pays
socialistes. Aussi est-il assez normal de trouver, parmi leurs partisans
inconditionnels les plus atlantistes
des partis politiques français : le MRP (courant centriste démocrate-chrétien), les
Républicains Indépendants (officine de droite chargé du recyclage des anciens
de Vichy, comme Pinay) et la SFIO (ancêtre du PS). Les divergences au sein de l’OTAN Pourtant, un certain nombre de conflits d’intérêt entre
les puissances capitalistes d’Europe et les USA ne purent être évités. On
peut évoquer l’assassinat du dirigeant du patronat italien (Cofindustria)
Mattei par les services secrets italiens et leurs maîtres à penser de la CIA,
et surtout la décision du général De Gaulle en 1966 de quitter le
commandement militaire intégré de l’OTAN. Il ne faut ni exagérer ni minimiser l’importance de la
rupture initiée par le président français. On sait que les Gaullistes purs et
durs se sont bruyamment réjouis de la politique extérieure gaullienne, et
notamment de ce coup d’éclat, qui symbolisait pour eux l’indépendance
nationale. On sait aussi que le PCF avait tendance à
distinguer artificiellement la politique extérieure de De Gaulle, jugée
intéressante, de sa politique intérieure, activement combattue. Si la
rupture initiée par De Gaulle avec les USA est réelle, elle ne s’explique pas
par on ne sait quel sens de l’indépendance nationale, même si le sentiment
personnel du général a pu jouer, mais par une divergence des intérêts des
grands capitalistes français et états-uniens. Ce ne fut pas un acte isolé.
Au moment de la nationalisation du canal de Suez par Nasser, en 1956 ;
pendant la guerre d’Algérie ; ou encore lors de la visite de De Gaulle
au Cambodge en 1965, les intérêts néocoloniaux des deux pays avaient été
contradictoires. Les gouvernements US voulaient approcher
Nasser ou le FLN, tandis que De Gaulle
sympathisait avec le roi Sihanouk, adversaire des intérêts US. Cette rupture ne fut pas totale, puisque la France de De
Gaulle n’a jamais renié sa signature du traité et n’a donc pas quitté
l’organisation politique. On peut faire le parallèle entre cette décision de De
Gaulle avec l’attitude, quarante ans plus tard, d’un Chirac qui refusa de
s’enrôler sous la bannière US pour combattre l’Irak. Les intérêts de Total,
au mieux avec Saddam Hussein, étaient incompatibles avec cette guerre au
profit des compagnies états-uniennes et, dans une moindre mesure,
britanniques. Les choix politiques des dirigeants gaullistes à
quarante ans d’intervalle ont tendance à être magnifiés par ceux qui s’en
réclament aujourd’hui dans le débat politicien qui a opposé la gauche à la
plupart de la droite à l’occasion du choix de Sarkozy de faire réintégrer à
notre pays l’organisation militaire de l’OTAN. Quelle que soit la conception
de la grandeur de la France de De Gaulle et de Chirac, ils étaient avant tout
les représentants de la bourgeoisie française. C’est au nom de ses intérêts
qu’ils dirigeaient le pays, comme aujourd’hui Sarkozy. L’OTAN après l’URSS Après la disparition de l’Union Soviétique, le pacte de
Varsovie devenait caduc. Certains naïfs, peu émus par le sort des pays
socialistes, et peu au fait des réalités, crurent que l’OTAN n’avait plus de
raison d’être. C’était mal connaître le fonctionnement du monde capitaliste
et la conception des différents impérialismes de la défense de leurs
intérêts. La disparition des pays socialistes a induit une
évolution de l’Union européenne essentiellement à partir des années 2000 : si certains de ses
membres, au premier chef la Grande-Bretagne, continuèrent à voir en elle un
fidèle second des USA, d’autres, comme la France, l’Allemagne ou l’Espagne
désirent un peu d’air et en feraient bien une super puissance alliée mais
aussi concurrente des Etats-Unis. L’OTAN n’a jamais été traversée par cette évolution. Dès le début des
années 90, les USA ont fait débarquer leurs soldats dans nombre de pays de
l’est européen et dans la plupart des anciennes républiques soviétiques
d’Asie. Certains de ces pays est-européens (Tchéquie, Pologne et Hongrie en
premier lieu) rejoignirent le pacte atlantique puis l’Union européenne dans
laquelle ils renforcèrent le camp le plus atlantiste. C’est en Yougoslavie, dans la seconde partie des années
90, que le rôle de l’OTAN s’est totalement affirmé : une entité
militaire néocoloniale au service des USA et, accessoirement, de l’Allemagne
qui avait jeté son dévolu sur la Slovénie et la Croatie. Les bombardements de
la Serbie ont permis de lui ôter le Kossovo et de le donner à la mafia
albanaise, toute acquise aux intérêts yankees, afin qu’elle puisse
tranquillement nettoyer la région des Serbes et Roms qui y vivaient et se
livrer en toute impunité (merci Kouchner) à divers trafics à grande échelle.
La Macédoine voisine dut également "accepter" l’installation de
militaires états-uniens. En résumé, le dépeçage de la Yougoslavie fut une
pure opération coloniale, comme au bon vieux temps du XIXème siècle
finissant, dans laquelle les forces de l’OTAN jouèrent un rôle clé. 2. La question aujourd’hui Quelques mots du débat franco-français La réintégration par la France de la structure militaire
de l’OTAN a donné lieu à un débat à l’Assemblée nationale au cours duquel
Laurent Fabius a exprimé son opposition à la décision de Sarkozy, se
réclamant, bien entendu, de l’héritage du général. On ne peut s’empêcher de sourire devant ce qu’il est
difficile de ne pas appeler de l’hypocrisie. Lorsque De Gaulle retira la France du commandement
militaire, la SFIO d’alors n’avait pas vraiment manifesté d’enthousiasme.
Précédemment, elle avait participé à l’ensemble des gouvernements de la IVème
République et n’avait pas non plus fait preuve d’une volonté quelconque de
retrait. Plus récemment, c’est le gouvernement Jospin, dit de
la gauche plurielle, qui a accepté de bombarder Belgrade et de déployer ses
troupes au Kossovo, et ce, sous le commandement militaire de l’OTAN. Ne
pourrait-on penser que la réintégration de fait du dispositif militaire date
de ce conflit ? Heurs et malheurs de l’OTAN aujourd’hui L’OTAN constitue aujourd’hui, de plus en plus, le
bras armé de l‘impérialisme états-unien et de celui de l’Union européenne en
Europe et dans le monde. Mais ces impérialismes rencontrent quelques périls. Si l’OTAN a réussi sa
mission en Yougoslavie, les écheveaux bâtis par la CIA autour de la Russie
semblent aujourd’hui s’effiler. Après l’agression manquée contre l’Ossétie, le président
américain de la Géorgie, Saakachvili, est au plus mal : il doit
affronter des centaines de milliers de manifestants qui réclament son départ.
La "révolution des roses", organisée par ce que l’on a coutume
d’appeler des ONG et financée par la milliardaire US George Soros a du plomb
dans l’aile. Il en est de même pour sa cousine "orange"
d’Ukraine : l’assise du président Youtchenko, l’homme de l’UE, ne cesse de se restreindre, lors des élections comme
dans la vie de tous les jours. Par ailleurs, sur le terrain asiatique, les tentatives
de déstabilisation de la Chine via les pions de la CIA au Tibet ont fait long
feu. En outre, les coalisés d’Irak et d’Afghanistan rencontrent des
difficultés militaires persistantes. Enfin, l’invasion du Soudan par une coalition semblable
afin de s’y livrer à une nouvelle opération de type colonial ne paraît pas
être pour demain. Le sens de l’OTAN "réunifiée" Face aux nouvelles puissances impérialistes, la Chine,
la Russie et aux puissances régionales qui leur sont plus ou moins alliées,
comme l’Iran ou l’Afrique du Sud, les USA et leur vieil allié l’UE éprouvent
manifestement le besoin de resserrer les rangs. La féroce concurrence commerciale des multinationales
s’accompagne forcément d’opérations militaires. L’OTAN est la structure
militaire chargée de défendre, indirectement pour le moment, les intérêts des
vieilles puissances capitalistes contre les nouvelles. Nous ne sommes plus en
1991 : leur volonté de diriger le monde est désormais largement
contestée. Leur "nouvel ordre mondial", ainsi que l’avait
appelé Bush senior au moment de la première guerre d’Irak et de la fin de
l’URSS reposait sur trois piliers : — la domination économique ; — si elle n’était pas suffisante, un arsenal
juridique afin de rappeler tout le monde à la loi sacrée du libre profit
et de la libre exploitation, au moyen de résolutions de l’ONU ou de tribunaux
internationaux d’exception ; — enfin, comme troisième voie, la guerre. Les tribunaux d’exception, que l’UE a portés sur les
fonts baptismaux, que ce soit le TPI pour la Yougoslavie, ou
la CPI, dont les
"Européens" sont les principaux bailleurs de fonds, manquent
d’efficacité. La mort opportune du président Milosevic a permis d’éviter que
soient révélées au monde les véritables motivations du premier :
soumettre et enfermer tous les opposants à l’ordre US/UE en Yougoslavie, mais
il est désormais sur la sellette à cause des révélations sur son rôle
vis-à-vis du Kossovo. Quant à la cour pénale, les rodomontades de ses membres
investis de la mission presque divine de juger le monde ont eu pour effet de
creuser un peu plus le fossé entre le monde arabe et les impérialismes
dominants, sans parler de l’Afrique. L’ONU elle-même, pourtant
largement au service des USA et de leurs alliés depuis la fin de l’URSS,
n’est plus si fiable. En témoigne le fait qu’aucune condamnation n’ait été
prononcée contre la Corée du Nord par le Conseil de sécurité. Les deux premiers moyens de domination étant
insuffisant, il reste la force militaire. Mis en difficulté, mais toujours
dominants, USA et UE ont affirmé à la fois leur union et leur force avec le
retour de la France dans le giron militaire de l’OTAN. L’UE a semble-t-il
renoncé à créer sa propre force militaire et fait le choix d’être
complètement partie prenante de l’OTAN, quitte, plus tard, à y disputer le
leadership. Qu’on ne s’y trompe pas ! Les cérémonies du 60ème
anniversaire sont un signe destiné aux autres puissances : « Nous
sommes là plus que jamais, unis et forts… » Voilà le message qu’Obama,
Sarkozy, Merkel et consorts ont délivré au reste du monde. L’OTAN est donc
plus que jamais une menace pour la paix de la planète. Nous l’avions déjà dit
au moment du conflit géorgien, cela se confirme. "Communistes" s’oppose à la décision
de Sarkozy, comme à toutes les aventures militaires de notre armée hors de
France, spécialement en Yougoslavie ou en Afghanistan sous la bannière de
l’OTAN. Mais nous pensons aussi qu’il faut que la France dénonce le pacte
atlantique, et quitte toutes les structures de l’OTAN. Nous sommes enfin pour
la dissolution du bloc militaire des impérialismes dominants, pour la
cessation d’activité de cette armée coloniale à leur service. Recommander cet article à un (e) ami (e) http://www.sitecommunistes.org |