Le régime soudanais du général
Omar El-Béchir est une des têtes de turc préférées de la soi-disant
communauté internationale. Tous les leviers ont été utilisés pour en finir
avec ce régime, essentiellement depuis sa rupture, au début des années
2000, avec le courant fasciste intégriste représenté par Hassan El Tourabi,
dont les miliciens ont longtemps combattu le pouvoir dans le Darfour. Les
arguments habituels ont été déversés par tonnes par l’ONU, la Cour Pénale Internationale,
les ONG interventionnistes et tout un tas de gens dont on se demande ce
qu’ils viennent faire en cette galère, comme l’acteur George Clooney. Le
Soudan a été accusé de génocide au Darfour, afin de permettre une
intervention militaire qui n’a finalement pas pu avoir lieu.
En réalité, le Soudan est un des
pays dont le sous-sol renferme le plus de pétrole en Afrique. Omar El
Béchir a confié l’essentiel de l’exploitation et du raffinage à la
Compagnie nationale chinoise ainsi qu’à la société malaise Pétronas, qui a
beaucoup de liens financiers avec celle-ci. Les milices du Darfour, chargées
de reconquérir pour Exxon, Mobil et compagnie le précieux territoire ont
échoué, privées du soutien du Tchad, dont les dirigeants se méfient de plus
en plus des USA et ont opéré un tournant à 180° en renouant avec la Chine,
qui exploite désormais en partie leur pétrole. Restait donc, pour les
impérialistes dominants, une seule porte d’entrée, le sud du Soudan. Cette
région de l’Afrique est le théâtre d’un conflit qui dure depuis la fin des
années 1950, souvent présenté uniquement comme un conflit à caractère
religieux. Certes, des tensions confessionnelles ont toujours servi de
toile de fond depuis la fin des années 1950 aux conflits entre le Nord,
majoritairement musulman, et le Sud, dont la population est chrétienne ou
animiste. Mais, lors des deux guerres civiles (1955-1972 et 1983-2005), les
miliciens du sud ont reçu des renforts et une aide militaire de l’Ouganda
pour le premier conflit et des USA, via l’Ouganda dont les gouvernants
sont, depuis le début des années 80, des féaux de l’Oncle Sam, pour le
second. John Garang, colonel de l’armée soudanaise, chef historique des
rebelles du sud a été formé militairement aux Etats-Unis ; il faut
aussi évoquer une aide massive d’Israël. Pendant des décennies les Etats-Unis et Israël ont soutenu
les forces sécessionnistes du Sud Soudan jusqu’à ce que, en 2005, le Nord
et le Sud aient signé un accord, considéré par l’administration Bush comme
un véritable triomphe en politique extérieure. Mais Garang, devenu
vice-président du Soudan, avait semble-t-il renoncé à l’autonomie ou
l’indépendance du sud. Sa mort, en 2005, à bord de son hélicoptère, en
revenant d’une visite au président ougandais Museveni, arrangeait bien les
intérêts US. L’administration Obama a récolté les fruits de l’arrivée
à la direction du mouvement sécessionniste d’un des leurs hommes
liges : Salva Kiir. Après une victoire écrasante au referendum en
janvier, le 9 juillet 2011, le Sud Soudan s’est autoproclamé indépendant.
Un nouvel Etat est ainsi né, avec une superficie de plus de 600 000 km2 (plus
que la France) et à peine 8-9 millions d’habitants.
En se séparant du reste du pays, le Sud Soudan est entré en
possession de 75% des réserves pétrolières soudanaises. C’est par
contre le Nord qui possède l’oléoduc, à travers lequel le pétrole du Sud
est transporté vers la Mer Rouge pour être exporté. D’où le contentieux
entre les deux
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gouvernements sur la partition des revenus pétroliers, avivé
par l’affrontement pour le contrôle d’une zone frontalière de
plus de 1.500 Km, contrôle mené aussi par des groupes armés
locaux. Dans tout cela, les Etats-Unis continuent à jouer un rôle clé.
Le Sud Soudan est de plus en plus inséré dans le programme IMET (International
Military Education and Training), géré par le Commandement Africa avec
des fonds du Département d’état : c’est là que sont formés chaque
année dix mille "leaders militaires et civils" africains, qui
suivent des cours dans 150 écoles militaires étasuniennes. Simultanément,
sous la régie de Washington, on est en train de mettre au point le projet
d’un nouveau corridor énergétique qui, formé d’un oléoduc, d’une autoroute
et d’une ligne de chemin de fer, permettra de transporter le pétrole depuis
le Sud Soudan jusqu’au port kenyan de Lamu, en passant par l’Ouganda.
Avantages pour Washington : d’une
part, en se débarrassant de l’oléoduc nord-soudanais, asséner un coup dur
au pays, déjà affaibli par la perte des deux tiers des réserves
pétrolifères, de façon à provoquer l’écroulement du gouvernement de
Khartoum. D’autre part, marginaliser les compagnies chinoises et
malaisiennes. La majeure partie de l’extraction du pétrole pourra ainsi
être contrôlée par des compagnies étasuniennes et britanniques.
Le Sud Soudan n’a pas que du pétrole, mais
aussi de riches gisements d’or, argent, diamants, uranium, chrome,
tungstène, quartz qui restent à exploiter ; et auxquels il faut
ajouter environ 50 millions d’hectares de terres cultivables en utilisant
l’abondante eau du Nil. Des affaires en or pour les multinationales, dont
les intérêts sont assurés par le nouveau gouvernement de Juba dont la
fiabilité est garantie non seulement par Washington mais aussi par
Tel-Aviv. Fait significatif : le Sud Soudan ouvrira son ambassade à
Jérusalem, en la reconnaissant ainsi comme capitale, et Israël
"formera" des milliers de réfugiés sud-soudanais avant de les
rapatrier. Le gouvernement parmi ses premiers actes, choisit l’anglais et
non l’arabe comme langue officielle et demande à entrer dans le
Commonwealth britannique. Aux ex-vieilles colonies s’en ajoute une
nouvelle. Tout cela est enrobé dans la propagande habituelle, nous avons eu
droit aux scènes touchantes de la fiction
washingtonienne, comme le show
d’Hillary Clinton, venue, les larmes aux yeux, pour exprimer la profonde
préoccupation des Etats-Unis sur la crise humanitaire et ses nombreuses
victimes dans la partie méridionale du Soudan.
Car
le conflit pour le contrôle des champs pétrolifères a repris, les sudistes
se sont emparés en avril de la zone de Heglig, appartenant au nord, qu’ils
ont dû abandonner le mois suivant. Et la Chine ne lâche pas le morceau comme cela.
D’ailleurs le gouvernement du Sud Soudan a besoin des impérialistes
chinois, ne serait-ce que parce qu’ils exploitent toujours le pétrole sur
place et aussi à cause des mannes que le gouvernement chinois distribue en
Afrique. Il cherche donc à s’attirer les bonnes grâces de Pékin, qui lui a
également tendu la main, annonçant récemment un prêt de 6 milliards d’euros sur deux ans pour que
le pays finance des projets d’infrastructures (routes, pont, projets dans
l’énergie hydroélectrique, l’agriculture et les télécommunications).
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Prochainement : la
situation en République démocratique du Congo (ex. Congo Belge).
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