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N°296   Semaine du 22 au 28 avril 2013.   

 

23 avril 2013

Main-basse sur les terres agricoles

Un espace de spéculation ouvert à tous les appétits capitalistes

 

 

L’actualité récente des scandales alimentaires a légèrement soulevé un petit bout du voile épais qui recouvre  les dessous des marchés liés à l'alimentation mondiale. Ces produits essentiels n’échappent pas à la voracité des marchés financiers, ils sont même devenus l'objet d'une spéculation débridée avec ceci de particulier qu'il s'agit d'une arme redoutable, l'arme alimentaire. En tant que telle, elle est du plus haut intérêt dans les stratégies du capitalisme.

Les émeutes de la faim en 2007 et 2008 (Egypte, Maroc, Ethiopie Cameroun, Burkina, Sénégal, Mexique, Philippines, Indonésie etc.) ont  montré qu'aujourd'hui les populations n'acceptent plus le spectre de la famine avec résignation,  mais qu'elles rentrent en lutte contre ceux qui les affament et ont identifié les capitalistes comme responsables.  D'autant plus que cette crise a parfois touché jusqu'à  la classe moyenne et alors que des stocks existaient dans le pays mais étaient réservés à l’exportation et gardés par l'armée.

Qu’importe si un milliard d'êtres humains sont touchés par la faim, les produits alimentaires de base sont des actifs financiers comme les autres et le commerce de la faim s'avère prospère.

La perspective d'un marché lucratif associée à l'assurance de débouchés donc de profits non aléatoires a déplacé quantité d'actifs financiers vers l'agriculture.

 

Avant d'étudier le marché des produits de base, arrêtons-nous d'abord sur la question primordiale : celle des terres agricoles.

1 La SAU (Surface Agricole Utile) recule globalement dans le monde, 30 millions d'ha disparaissent chaque année, alors que la population rurale croît régulièrement. La surface cultivée, par habitant, décroît également et ceci non pas dans les pays développés mécanisés mais par exemple en Inde, aux Philippines, en Afrique de l'Ouest et du Sud. Deux causes principales à ce phénomène : l'épuisement des sols et l'érosion d'une part, le développement industriel et immobilier d'autre part.

2 Statut du foncier  Il existe une grande disparité dans le statut des terres cultivées. Le petit agriculteur de l'Afrique sub-saharienne possède son coin de terre au nom du droit coutumier mais bien sûr sans le moindre titre officiel. Globalement bien peu de ceux qui travaillent la terre la possèdent en propre. Ainsi en France, 2 agriculteurs sur 3 la louent. La propriété collective a considérablement régressé depuis les années 90 (fin de l'URSS) malgré quelques rebonds (Amérique latine par ex.).

Ce qui domine c'est la très grande propriété affermée, louée, ou le plus souvent mise en valeur par des salariés.

La Banque mondiale et la BERD exercent des pressions considérables sur les gouvernements en matière de politique foncière de façon à faciliter la mise sur le marché international des terres agricoles dont elles tirent les ficelles.

3 Le marché des terres ou "accaparement" des terres agricoles. Le recul des surfaces agricoles utiles, la baisse des stocks de matières premières agricoles, le détournement scandaleux des produits de l'agriculture vers d'autres usages comme l'énergie des bio-carburants engendrent des pertes pour l' alimentation et aboutissent à de fortes tensions sur la marché mondial des terres. Dans de nombreux pays, les produits sont chers, les terres ne le sont pas, pas encore, l'investissement dans ces dernières est intéressant à très moyen terme. Ces dernières années, ce sont plus de 50 millions d'hectares qui ont changé de mains.

Quels ont les pays acheteurs ?

La Chine comme chacun sait, un peu pour garantir l'alimentation d'une population nombreuse, aussi pour trouver des solutions aux révoltes paysannes quasi quotidiennes et surtout pour des investissements juteux. Les pays ciblés se situent pour l'instant surtout en Afrique orientale, en Asie : Philippines, Indonésie notamment.

 Bien d'autres Etats encore se sont lancés dans la course aux terres. Le Japon qui, par son relief, ne dispose que de très peu de terres cultivables et dont les importations de produits alimentaires déséquilibrent le commerce extérieur (en valeur) et, pour des raisons assez voisines, la Corée du Sud. L'Inde pour des raisons surtout financières et pour assurer l'alimentation en attendant les résultats d'une mécanisation récente et inégale sur le territoire. La "modernisation " à la sauce capitaliste se heurte déjà à de fortes résistances locales.

Ce sont surtout, et de loin, les pays du Moyen-Orient qui ont externalisé leur production alimentaire pour d'autres raisons encore. Peu de terres arables, peu d'eau mais beaucoup de pétrole pour faire pression sur les prix et acquérir leur sécurité alimentaire. Pour la population autochtone, peu nombreuse et surtout pour toute la main - d' oeuvre étrangère nombreuse venue construire des villes, des zones industrielles etc. et qu'il faut nourrir au plus bas prix eu égard à la faiblesse des salaires. En échange de capitaux et de contrats pétroliers, ils obtiennent la garantie que leurs grandes entreprises aient accès aux terres agricole et puissent réexporter la production. Les pays les plus convoités par le Moyen-Orient sont d'abord le Soudan et  Pakistan mais aussi Birmanie, Cambodge, Laos, Vietnam, Turquie, Kazakhstan, Ukraine et même Brésil.

Les pays ciblés se trouvent en Afrique, en Asie, en Amérique du Sud mais aussi en Europe, orientale : Hongrie, Slovaquie, Russie, Ukraine.

Quels sont les opérateurs ? C'est  le secteur privé qui s'est rué sur ces terres, d'abord les banques. La Deutsch Bank et Goldman Sachs ont pris le contrôle de l'élevage chinois, les 2 Morgan en Ukraine et Russie. Les banques suédoises, hollandaises et surtout suisses ont massivement investi le marché Les grandes entreprise chinoises investissent par le biais du Fonds de développement Chine-Afrique qui est un fonds de capital-investissement dont l'actionnaire est la banque chinoise de développement. Les géants mondiaux de l'agro- alimentaire sont  aux premières loges. Les taux de rendement annuels prévus vont de 4 à 10 % en Europe et pourraient atteindre 400 % en Afrique. Là, ce qui est nouveau c'est que ces groupes financiers acquièrent directement la propriété effective de ces terres et que ce mouvement s'est développé extrêmement vite au moment où les marchés financiers commençaient à s'effondrer. Bien sûr les fonds de pensions ne sont pas en reste pas plus que les fonds spéculatifs qui ont compris que le produit terre est physiquement limité

Les prix des terres s'envolent, les paysans indigènes ne peuvent pas les acheter mais souvent ne peuvent pas même y être salariés, les Chinois par ex. amenant leur main- d’oeuvre. Les produits récoltés ne correspondent pas à leurs besoins (ex. des roses) ou à un prix tel qu'ils ne peuvent même pas envisager de les acheter.

En investissant ce secteur de l'agriculture mondiale, les capitalistes y font les mêmes ravages que dans les autres secteurs d'activité, ils affament des millions d'humains (plus demain). Des luttes naissent  et se développent ça et là mai des mouvements de grande ampleur ne sont pas à exclure,

Nous reviendrons  prochainement de façon plus détaillée sur les graves problèmes que la mainmise des multinationales sur la terre et l’ensemble de l’agriculture soulèvent aujourd’hui dans le monde.

 

 

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