L’actualité
récente des scandales alimentaires a légèrement
soulevé un petit bout du voile épais qui
recouvre les
dessous des marchés liés à l'alimentation mondiale.
Ces produits essentiels n’échappent pas à la voracité
des marchés financiers, ils sont même devenus
l'objet d'une spéculation débridée avec ceci de
particulier qu'il s'agit d'une arme redoutable,
l'arme alimentaire. En tant que telle, elle est du
plus haut intérêt dans les stratégies du
capitalisme.
Les émeutes de
la faim en 2007 et 2008 (Egypte, Maroc, Ethiopie
Cameroun, Burkina, Sénégal, Mexique, Philippines,
Indonésie etc.) ont
montré qu'aujourd'hui les populations
n'acceptent plus le spectre de la famine avec résignation, mais qu'elles
rentrent en lutte contre ceux qui les affament et
ont identifié les capitalistes comme
responsables.
D'autant plus que cette crise a parfois
touché jusqu'à
la classe moyenne et alors que des stocks
existaient dans le pays mais étaient réservés à l’exportation
et gardés par l'armée.
Qu’importe si
un milliard d'êtres humains sont touchés par la
faim, les produits alimentaires de base sont des
actifs financiers comme les autres et le commerce
de la faim s'avère prospère.
La perspective
d'un marché lucratif associée à l'assurance de
débouchés donc de profits non aléatoires a déplacé
quantité d'actifs financiers vers l'agriculture.
Avant d'étudier le marché des
produits de base, arrêtons-nous d'abord sur la
question primordiale : celle des terres agricoles.
1 La SAU (Surface
Agricole Utile) recule globalement dans le monde,
30 millions d'ha disparaissent chaque année, alors
que la population rurale croît régulièrement. La
surface cultivée, par habitant, décroît également
et ceci non pas dans les pays développés mécanisés
mais par exemple en Inde, aux Philippines, en
Afrique de l'Ouest et du Sud. Deux causes
principales à ce phénomène : l'épuisement des sols
et l'érosion d'une part, le développement
industriel et immobilier d'autre part.
2 Statut du foncier Il existe une
grande disparité dans le statut des terres
cultivées. Le petit agriculteur de l'Afrique
sub-saharienne possède son coin de terre au nom du
droit coutumier mais bien sûr sans le moindre titre
officiel. Globalement bien peu de ceux qui
travaillent la terre la possèdent en propre. Ainsi
en France, 2 agriculteurs sur 3 la louent. La
propriété collective a considérablement régressé
depuis les années 90 (fin de l'URSS) malgré
quelques rebonds (Amérique latine par ex.).
Ce qui domine
c'est la très grande propriété affermée, louée, ou
le plus souvent mise en valeur par des salariés.
La Banque
mondiale et la BERD exercent des pressions
considérables sur les gouvernements en matière de
politique foncière de façon à faciliter la mise sur
le marché international des terres agricoles dont
elles tirent les ficelles.
3 Le marché des terres ou
"accaparement" des terres agricoles. Le recul des
surfaces agricoles utiles, la baisse des stocks de
matières premières agricoles, le détournement
scandaleux des produits de l'agriculture vers
d'autres usages comme l'énergie des bio-carburants
engendrent des pertes pour l' alimentation et
aboutissent à de fortes tensions sur la marché
mondial des terres. Dans de nombreux pays, les
produits sont chers, les terres ne le sont pas, pas
encore, l'investissement dans ces dernières est
intéressant à très moyen terme. Ces dernières
années, ce sont plus de 50 millions d'hectares qui
ont changé de mains.
Quels ont les
pays acheteurs ?
La Chine comme
chacun sait, un peu pour garantir l'alimentation
d'une population nombreuse, aussi pour trouver des
solutions aux révoltes paysannes quasi quotidiennes
et surtout pour des investissements juteux. Les
pays ciblés se situent pour l'instant surtout en
Afrique orientale, en Asie : Philippines, Indonésie
notamment.
Bien d'autres
Etats encore se sont lancés dans la course aux
terres. Le Japon qui, par son relief, ne dispose
que de très peu de terres cultivables et dont les
importations de produits alimentaires
déséquilibrent le commerce extérieur (en valeur)
et, pour des raisons assez voisines, la Corée du
Sud. L'Inde pour des raisons surtout financières et
pour assurer l'alimentation en attendant les
résultats d'une mécanisation récente et inégale sur
le territoire. La "modernisation " à
la sauce capitaliste se heurte déjà à de fortes
résistances locales.
Ce sont
surtout, et de loin, les pays du Moyen-Orient qui
ont externalisé leur production alimentaire pour
d'autres raisons encore. Peu de terres arables, peu
d'eau mais beaucoup de pétrole pour faire pression sur
les prix et acquérir leur sécurité alimentaire.
Pour la population autochtone, peu nombreuse et
surtout pour toute la main - d' oeuvre étrangère
nombreuse venue construire des villes, des zones
industrielles etc. et qu'il faut nourrir au plus
bas prix eu égard à la faiblesse des salaires. En
échange de capitaux et de contrats pétroliers, ils
obtiennent la garantie que leurs grandes
entreprises aient accès aux terres agricole et
puissent réexporter la production. Les pays les
plus convoités par le Moyen-Orient sont d'abord le
Soudan et
Pakistan mais aussi Birmanie, Cambodge,
Laos, Vietnam, Turquie, Kazakhstan, Ukraine et même
Brésil.
Les pays
ciblés se trouvent en Afrique, en Asie, en Amérique
du Sud mais aussi en Europe, orientale : Hongrie,
Slovaquie, Russie, Ukraine.
Quels sont les opérateurs ?
C'est le
secteur privé qui s'est rué sur ces terres, d'abord
les banques. La Deutsch
Bank et Goldman Sachs ont pris le contrôle de
l'élevage chinois, les 2 Morgan en Ukraine et
Russie. Les banques suédoises, hollandaises et
surtout suisses ont massivement investi le marché
Les grandes entreprise chinoises investissent par
le biais du Fonds de développement Chine-Afrique
qui est un fonds de capital-investissement dont
l'actionnaire est la banque chinoise de
développement. Les géants mondiaux de l'agro-
alimentaire sont
aux premières loges. Les taux de rendement
annuels prévus vont de 4 à 10 % en Europe et
pourraient atteindre 400 % en Afrique. Là, ce qui
est nouveau c'est que ces groupes financiers acquièrent
directement la propriété effective de ces terres et
que ce mouvement s'est développé extrêmement vite
au moment où les marchés financiers commençaient à
s'effondrer. Bien sûr les fonds de pensions ne sont
pas en reste pas plus que les fonds spéculatifs qui
ont compris que le produit terre est physiquement
limité
Les prix des
terres s'envolent, les paysans indigènes ne peuvent
pas les acheter mais souvent ne peuvent pas même y
être salariés, les Chinois par ex. amenant leur
main- d’oeuvre. Les produits récoltés ne
correspondent pas à leurs besoins (ex. des roses)
ou à un prix tel qu'ils ne peuvent même pas
envisager de les acheter.
En
investissant ce secteur de l'agriculture mondiale,
les capitalistes y font les mêmes ravages que dans
les autres secteurs d'activité, ils affament des
millions d'humains (plus demain). Des luttes
naissent et
se développent ça et là mai des mouvements de
grande ampleur ne sont pas à exclure,
Nous
reviendrons
prochainement de façon plus détaillée sur
les graves problèmes que la mainmise des
multinationales sur la terre et l’ensemble de
l’agriculture soulèvent aujourd’hui dans le monde.
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