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N°330  Semaine du 16 au 22 décembre 2013

 

14 décembre 2013

 

L’impérialisme français

à la manœuvre en Afrique

 

 

Après la Côte-d’Ivoire, le printemps arabe en Tunisie ou en Egypte, la Libye et le Mali, c’est le tour du Centrafrique de se trouver sous les feux de la rampe.  L'Afrique est au centre de toutes les préoccupations des impérialismes rivaux.

C’est que son sol très est riche, le pétrole, le gaz naturel, le manganèse, les diamants, l’or y foisonnent. Dans la compétition sauvage et sans merci que se livrent les multinationales elle représente un donc enjeu particulier. Partout dans le monde, l’impérialisme dominant, les USA, et son principal rival, la Chine, se livrent, directement ou par le biais de leurs satellites, une guerre sans merci pour sa domination économique et donc militaire. Comme ses alliés de l’Union Européenne, la France capitaliste est un fidèle lieutenant de l’Oncle Sam, mais, puissance vieillissante, autrefois dominante, elle s’accroche à ce qui reste de son influence et joue parfois son propre jeu.  Les dirigeants français, depuis la période dite de décolonisation  de De Gaulle à Hollande, se sont accrochés à leur pré carré africain. Les épisodes de la Côte-d’Ivoire, de la Libye, du Mali et désormais du Centrafrique ne sont que les derniers en date d’une longue série d’interventions du pouvoir et des multinationales françaises dans les affaires africaines. Au stade actuel de la crise du Capitalisme, les capitalistes français sont nettement en perte de vitesse : près de la moitié des actionnaires du CAC 40 sont aujourd’hui d’une autre nationalité et un bon tiers sont extra-européens. Les intérêts de ceux qui restent en Afrique sont vitaux, en particulier pour AREVA qui exploite de l’uranium au Niger, au Mali et … en Centrafrique.

La colonisation n’a jamais cessé en Afrique. L’existence de l’URSS et d’autres pays socialistes a permis, après 1945 que le processus soit freiné, que le stade de l’impérialisme soit bloqué. Les rivalités inter-impérialistes se sont un temps apaisées, il fallait se défendre contre l’ennemi commun, le monde socialiste. Une bonne partie des actuels pays d’Afrique sont le résultat de ce que nos livres d’histoire appellent « l’indépendance accordée » ; accordée bien évidemment par le gentil pays colonisateur. Les choses se passèrent ainsi pour l’Afrique noire française et la plupart des anciennes colonies britanniques ; un accord fut signé entre les deux parties : Etat colonisateur et représentants des élites bourgeoises indigènes. Les compagnies pétrolières en particulier, notamment Elf ou BP, furent souvent les véritables maîtres des pays soi-disant indépendants. Le Kenya et l’Ouganda gardèrent leurs liens avec les Britanniques comme le Gabon et le Tchad avec la France. Une forme nouvelle de colonisation se mit en place : les futurs membres des gouvernements faisaient leurs études dans l’ancien pays colonisateur et revenaient chez eux pour diriger. Les impérialistes se débrouillèrent pour faire éliminer les progressistes comme Patrice Lumumba au Congo ou Thomas Sankara au Burkina et les remplacèrent par des proconsuls locaux ne désirant que s’enrichir en cédant aux desiderata des grandes puissances capitalistes, notamment la France. Mis à part les pays qui tentaient de s’orienter vers le socialisme : les pays lusophones (Angola, Cap Vert, Guinée-Bissau et Mozambique), libérés par les armes et la Révolution des œillets au Portugal, ou encore l’Algérie, l’Ethiopie, etc., le reste de l’Afrique restait partagé entre des zones d’influence britannique et des zones d’influence française. Les USA étaient présents, ne serait-ce qu’au Nigéria, où certaines "majors" du pétrole partageaient le gâteau avec les britanniques BP et Shell, mais restaient le plus souvent dans l’ombre : l’essentiel était alors de garder une mainmise impérialiste, même non états-unienne, afin de contrecarrer l’URSS et les pays socialistes, qui aidaient à la libération de certains pays et aux tentatives d’instaurer une société de type socialiste. L’existence de l’URSS permettait tout de même, y compris dans la plupart des pays sous tutelle impérialiste d’acquérir un niveau de vie acceptable ; par exemple un prix minimal du café était imposé sur lequel les requins du monde capitaliste étaient obligés de s’aligner. Depuis le début des années 90, tout cet édifice s’est écroulé et les impérialistes ont repris leurs droits, les Etats-uniens se substituant peu à peu aux Britanniques, notamment en Ouganda, au Kenya, au sud Soudan. Les rivalités inter-impérialistes n’ont pas tardé à éclater comme au Rwanda où Kagame, l’homme des USA a remplacé Habyamirana, celui de la France.

L’arrivée de la Chine, qui construit des routes et des hôpitaux a compliqué ces affrontements. Elle a obligé les impérialistes US à, parfois, s’entendre avec les Français pour freiner la progression de l’ennemi commun. Ainsi, l’abandon de Laurent Gbagbo par ses protecteurs US et l’invasion en commun de la Libye.

A chaque fois, ces expéditions se font sous le drapeau de la « démocratie », drapeau qui justifie non seulement que les armées impérialistes bombardent tel pays ou y pénètrent, mais aussi qu’elles renversent ou assassinent les hommes au pouvoir qui ne leur obéissent pas. C’est un éternel recommencement car ces expéditions ne provoquent souvent qu’un résultat peu durable. Aujourd’hui, en Côte d’Ivoire,  le torchon brûle entre Guillaume Soro, le président de l’Assemblée Nationale, homme lige des impérialistes français et Alassane Ouattara, le président de la République, homme du FMI et du compromis franco-états-unien. En Libye, c’est le chaos complet ; les hommes du gang de Benghazi que les impérialistes ont soutenus, adoubés et armés, se déchirent entre eux ; des groupes de fascistes islamistes contrôlent certains puits ; même les miliciens privés grassement payés par le "gouvernement" pour garder les puits s’opposent aux dirigeants et négocient parfois eux-mêmes le pétrole. Implantée à l’ouest du pays, dans la zone contrôlée par les gens de Tripoli, la compagnie italienne ENI se taille la part du lion, tandis que Total peine à progresser et que les compagnies britanniques qui visaient la Cyrénaïque ont été écartées.

Au Mali, en revanche, l’opération semble pour le moment fructueuse. Après avoir débarrassé le nord du Mali des miliciens islamistes, plus ou moins armés et téléguidés par les USA qui en ont assez du monopole d’AREVA sur l’uranium, l’armée française a ressuscité le MNLA, présenté comme l’organisation des Touaregs, qui a surtout toujours été au service des impérialistes français. Venus soi-disant pour sauver le Mali, les militaires de l’opération "Serval" en organisent la partition. Au passage, ils se sont débarrassés des militaires qui avaient renversé le potentat au service de l’impérialisme, le fameux ATT, et en particulier leur leader, Amadou Sanogo, aujourd’hui accusé d’un crime opportunément découvert alors que les criminels de guerre du temps d’ATT ont été libérés et ceux du MNLA, responsable du massacre d’Aguel-Hoc jamais inquiétés.

Jetons une œil, pour terminer, sur ce qui se passe en République Centrafricaine. En mars dernier, après six mois de guerre civile, la coalition politico-militaire baptisé la Seleka (la coalition), venue de l’est du pays s’empare de la capitale Bangui et du pouvoir. En vain, le président déchu, François Bozizé avait fait appel à la France et aux Etats-Unis afin qu’ils intervinssent pour éviter les massacres. Tous deux ont répondu que c’était impossible, sans mandat de l’ONU. Et voici que, onze mois après, la situation devient tout à coup « génocidaire » et que la France peut précéder la sacro-sainte autorisation de l’ONU. Victimes de massacres, les habitants de l’ouest agricole et de Bangui se sont organisés dans des groupes d’autodéfense, les « anti-balaka » (anti machettes). Les affrontements se sont multipliés et, comme il faut toujours des explications à caractère simpliste, les media présentent les « seleka » comme des musulmans et les « anti-balaka » comme des chrétiens. Le nouveau président, le chef politique de la « Seleka », Michel Djotodia, est incapable de maintenir l’ordre et cela n’est pas bon pour les entreprises françaises. Voici ce qu’en dit le site officiel du ministère français des affaires étrangères : « En dépit de l’instabilité politique et des risques sécuritaires, Air France, Bolloré (logistique et transport fluvial), Castel (boissons et sucre), Total (stockage et distribution des produits pétroliers), CFAO (distribution automobile) ont maintenu leurs implantations en RCA. L’arrivée en 2007 de France Télécom dans la téléphonie mobile marque un certain intérêt des investisseurs français. Les pillages consécutifs à la prise de Bangui par les rebelles le 24 mars ont fortement perturbé l’activité des entreprises françaises. »

Les intérêts vitaux des capitalistes français sont en jeu, l’armée va donc rétablir l’ordre, et, peut-être, au passage, se débarrasser d’un chef d’Etat à la botte, mais peu efficace et peu reluisant aussi : difficile de prétendre que seuls ses adversaires, les rebelles, ont commis des massacres.

Tout cela rappelle le bon temps des colonies. L’impérialisme français, que son fondé de pouvoir s’appelle Sarkozy ou Hollande, est toujours à la manœuvre pour conserver  son pré carré ou tenter de l’élargir.

 

 

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