Après la
Côte-d’Ivoire, le printemps arabe en
Tunisie ou en Egypte, la Libye et le Mali,
c’est le tour du Centrafrique de se trouver
sous les feux de la rampe. L'Afrique
est au centre de toutes les préoccupations
des impérialismes rivaux.
C’est que son sol très est riche, le
pétrole, le gaz naturel, le manganèse, les
diamants, l’or y foisonnent. Dans la
compétition sauvage et sans merci que se
livrent les multinationales elle représente
un donc enjeu particulier. Partout dans le
monde, l’impérialisme dominant, les USA, et
son principal rival, la Chine, se livrent,
directement ou par le biais de leurs
satellites, une guerre sans merci pour sa
domination économique et donc militaire. Comme
ses alliés de l’Union Européenne, la France
capitaliste est un fidèle lieutenant de
l’Oncle Sam, mais, puissance vieillissante,
autrefois dominante, elle s’accroche à ce
qui reste de son influence et joue parfois
son propre jeu. Les
dirigeants français, depuis la période dite
de décolonisation de De
Gaulle à Hollande, se sont accrochés à leur
pré carré africain. Les épisodes de la
Côte-d’Ivoire, de la Libye, du Mali et
désormais du Centrafrique ne sont que les
derniers en date d’une longue série
d’interventions du pouvoir et des
multinationales françaises dans les
affaires africaines. Au stade actuel de la
crise du Capitalisme, les capitalistes
français sont nettement en perte de
vitesse : près de la moitié des
actionnaires du CAC 40 sont aujourd’hui
d’une autre nationalité et un bon tiers
sont extra-européens. Les intérêts de ceux
qui restent en Afrique sont vitaux, en
particulier pour AREVA qui exploite de
l’uranium au Niger, au Mali et … en
Centrafrique.
La
colonisation n’a jamais cessé en Afrique. L’existence de l’URSS et d’autres
pays socialistes a permis, après 1945 que
le processus soit freiné, que le stade de
l’impérialisme soit bloqué. Les rivalités inter-impérialistes
se sont un temps apaisées, il fallait se
défendre contre l’ennemi commun, le monde
socialiste. Une bonne partie des actuels
pays d’Afrique sont le résultat de ce que
nos livres d’histoire appellent
« l’indépendance
accordée » ; accordée bien
évidemment par le gentil pays colonisateur.
Les choses se passèrent ainsi pour
l’Afrique noire française et la plupart des
anciennes colonies britanniques ; un
accord fut signé entre les deux
parties : Etat colonisateur et
représentants des élites bourgeoises
indigènes. Les compagnies pétrolières en
particulier, notamment Elf ou BP, furent
souvent les véritables maîtres des pays
soi-disant indépendants. Le Kenya et
l’Ouganda gardèrent leurs liens avec les
Britanniques comme le Gabon et le Tchad
avec la France. Une forme nouvelle de
colonisation se mit en place : les
futurs membres des gouvernements faisaient
leurs études dans l’ancien pays
colonisateur et revenaient chez eux pour
diriger. Les impérialistes
se débrouillèrent pour faire éliminer les
progressistes comme Patrice Lumumba au
Congo ou Thomas Sankara au Burkina et les remplacèrent par des
proconsuls locaux ne désirant que
s’enrichir en cédant aux desiderata des
grandes puissances capitalistes, notamment
la France. Mis à part les pays qui tentaient
de s’orienter vers le socialisme : les
pays lusophones (Angola, Cap Vert,
Guinée-Bissau et Mozambique), libérés par
les armes et la Révolution des œillets au Portugal,
ou encore l’Algérie, l’Ethiopie, etc., le
reste de l’Afrique restait partagé entre des
zones d’influence britannique et des zones
d’influence française. Les USA étaient
présents, ne serait-ce qu’au Nigéria, où
certaines "majors" du pétrole
partageaient le gâteau avec les
britanniques BP et Shell, mais restaient le
plus souvent dans l’ombre :
l’essentiel était alors de garder une
mainmise impérialiste, même non
états-unienne, afin de contrecarrer l’URSS
et les pays socialistes, qui aidaient à la
libération de certains pays et aux
tentatives d’instaurer une société de type
socialiste. L’existence de l’URSS
permettait tout de même, y compris dans la
plupart des pays sous tutelle impérialiste
d’acquérir un niveau de vie
acceptable ; par exemple un prix
minimal du café était imposé sur lequel les
requins du monde capitaliste étaient obligés
de s’aligner. Depuis le début des années
90, tout cet édifice s’est écroulé et les
impérialistes ont repris leurs droits, les
Etats-uniens se substituant peu à peu aux
Britanniques, notamment en Ouganda, au
Kenya, au sud Soudan. Les rivalités
inter-impérialistes n’ont pas tardé à
éclater comme au Rwanda où Kagame, l’homme
des USA a remplacé Habyamirana, celui de la
France.
L’arrivée de la Chine, qui construit
des routes et des hôpitaux a compliqué ces
affrontements. Elle a obligé les
impérialistes US à, parfois, s’entendre
avec les Français pour freiner la
progression de l’ennemi commun. Ainsi,
l’abandon de Laurent Gbagbo par ses
protecteurs US et l’invasion en commun de
la Libye.
A
chaque fois, ces expéditions se font sous
le drapeau de la « démocratie »,
drapeau qui justifie non seulement que les
armées impérialistes bombardent tel pays ou
y pénètrent, mais aussi qu’elles renversent
ou assassinent les hommes au pouvoir qui ne
leur obéissent pas. C’est un éternel recommencement car
ces expéditions ne provoquent souvent qu’un
résultat peu durable. Aujourd’hui,
en Côte d’Ivoire,
le torchon brûle entre Guillaume
Soro, le président de l’Assemblée
Nationale, homme lige des impérialistes
français et Alassane Ouattara, le président
de la République, homme du FMI et du
compromis franco-états-unien. En
Libye, c’est le chaos complet ; les hommes du gang de Benghazi que
les impérialistes ont soutenus, adoubés et
armés, se déchirent entre eux ; des
groupes de fascistes islamistes contrôlent
certains puits ; même les miliciens
privés grassement payés par le
"gouvernement" pour garder les
puits s’opposent aux dirigeants et
négocient parfois eux-mêmes le pétrole.
Implantée à l’ouest du pays, dans la zone
contrôlée par les gens de Tripoli, la
compagnie italienne ENI se taille la part
du lion, tandis que Total peine à
progresser et que les compagnies
britanniques qui visaient la Cyrénaïque ont
été écartées.
Au
Mali, en revanche, l’opération semble pour
le moment fructueuse. Après avoir débarrassé le nord du
Mali des miliciens islamistes, plus ou
moins armés et téléguidés par les USA qui
en ont assez du monopole d’AREVA sur
l’uranium, l’armée française a ressuscité
le MNLA, présenté comme l’organisation des
Touaregs, qui a surtout toujours été au
service des impérialistes français. Venus
soi-disant pour sauver le Mali, les
militaires de l’opération
"Serval" en organisent la
partition. Au passage, ils se sont
débarrassés des militaires qui avaient
renversé le potentat au service de
l’impérialisme, le fameux ATT, et en
particulier leur leader, Amadou Sanogo,
aujourd’hui accusé d’un crime opportunément
découvert alors que les criminels de guerre
du temps d’ATT ont été libérés et ceux du
MNLA, responsable du massacre d’Aguel-Hoc
jamais inquiétés.
Jetons
une œil, pour terminer, sur ce qui se passe
en République Centrafricaine. En mars dernier, après six mois de
guerre civile, la coalition
politico-militaire baptisé la Seleka (la
coalition), venue de l’est du pays s’empare
de la capitale Bangui et du pouvoir. En
vain, le président déchu, François Bozizé
avait fait appel à la France et aux
Etats-Unis afin qu’ils intervinssent pour
éviter les massacres. Tous deux ont répondu
que c’était impossible, sans mandat de
l’ONU. Et voici que, onze mois après, la
situation devient tout à coup
« génocidaire » et que la France
peut précéder la sacro-sainte autorisation
de l’ONU. Victimes de massacres, les
habitants de l’ouest agricole et de Bangui
se sont organisés dans des groupes
d’autodéfense, les
« anti-balaka » (anti machettes).
Les affrontements se sont multipliés et,
comme il faut toujours des explications à
caractère simpliste, les media présentent
les « seleka » comme des
musulmans et les « anti-balaka »
comme des chrétiens. Le nouveau président,
le chef politique de la
« Seleka », Michel Djotodia, est
incapable de maintenir l’ordre et cela
n’est pas bon pour les entreprises
françaises. Voici ce qu’en dit le site
officiel du ministère français des affaires
étrangères : « En dépit de l’instabilité politique
et des risques sécuritaires, Air France,
Bolloré (logistique et transport fluvial),
Castel (boissons et sucre), Total (stockage
et distribution des produits pétroliers),
CFAO (distribution automobile) ont maintenu
leurs implantations en RCA. L’arrivée en
2007 de France Télécom dans la téléphonie
mobile marque un certain intérêt des
investisseurs français. Les pillages
consécutifs à la prise de Bangui par les
rebelles le 24 mars ont fortement perturbé
l’activité des entreprises françaises. »
Les intérêts vitaux des capitalistes
français sont en jeu, l’armée va donc
rétablir l’ordre, et, peut-être, au
passage, se débarrasser d’un chef d’Etat à
la botte, mais peu efficace et peu
reluisant aussi : difficile de
prétendre que seuls ses adversaires, les
rebelles, ont commis des massacres.
Tout cela
rappelle le bon temps des colonies.
L’impérialisme français, que son fondé de
pouvoir s’appelle Sarkozy ou Hollande, est
toujours à la manœuvre pour conserver son pré
carré ou tenter de l’élargir.
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