N°376 Semaine du 03 au 09 novembre
2014
02 novembre
2014
Anniversaire
de la Guerre d’Algérie :
la philosophie
des torts partagés
Benjamin
Stora, historien versé sur la guerre d’Algérie, a commis, le 31 octobre un
article dans le Monde motivé par l’anniversaire (60 ans) du début de cette
guerre. Il en est de l’Histoire comme de l’économie ou de la politique, les
media ont leurs spécialistes. Et ces spécialistes sont chargés de
répandre le point de vue officiel du
prêt à penser ; bref ce sont les hérauts de l’idéologie dominante. Il
est donc intéressant de prendre connaissance de ce point de vue. Notre
Benjamin Stora se désole de la fragmentation des mémoires : il y a le
point de vue des anciens colons, celui des Algériens indépendantistes et
celui des harkis. On sent qu’il rêve
d’un point de vue unique et bien clair, l’Histoire comme science exacte. On
voit aussi que le point de vue ne sont pas liés à des classes sociales mais à
des groupes souvent trans-classes (les pieds noirs ou les indépendantistes). On se
souvient d’une controverse, pendant les années Sarkozy au cours de laquelle
des historiens de la bonne conscience de gauche reprochaient aux textes
officiels dans l’enseignement de faire la part trop belle au point de vue des
colonisateurs. L’incident semble clos et l’Histoire officielle est
aujourd’hui axée sur l’idée du partage des bons et les mauvais points entre les
colonisés et les colonisateurs. C’est cela qui caractérise la ligne
officielle de Stora, analysons le point de vue des uns et des autres,
sereinement et posons-les l’un à côté de l’autre. Mettons sur le même plan la
France impérialiste et l’Algérie colonisée (on pourrait faire le parallèle
avec Israël et la Palestine). Le texte est
clair : « Il faut […] poursuivre le travail d'écriture de
l'histoire, accorder une plus grande place aux historiens de tous bords, sans
céder au tyrannisme de certains groupes de mémoire qui veulent imposer leur
histoire en toute méconnaissance des faits. C'est pour ça qu'il est important
de restituer l'ensemble des points de vues […] et non avoir une mémoire
exclusive, univoque qui refuse la reconnaissance de la souffrance de l'autre,
comme certains, tournée uniquement vers les immigrés de manière
obsessionnelle. » L’historien
doit donc décontextualiser les événements, les appréhender en-dehors du
contexte de classe. On regarde les faits des uns et des autres d’un point de
vue qui emprunte beaucoup à la morale. C’est d’ailleurs ainsi que la guerre
d’Algérie est abordée au lycée : torts partagés. Les indépendantistes
ont tué, eux aussi, et comment ils ont traité les harkis !!! Ce n’est pas
comme cela que l’Histoire doit se préoccuper des guerres de libération. Toute
guerre a ses victimes, et, pour la gagner, il faut tuer. Mais le principal
problème, pourquoi la guerre a eu lieu, est totalement occulté par Stora et
ses émules qui enseignent. L’occupation de l’Algérie par la France, le pillage
de ses ressources, la surexploitation de ses travailleurs étaient-ils
légitimes ? La question ne sera pas posée. Pour COMMUNISTES,
la question se doit d’être abordée complètement différemment. La guerre d’Algérie fut un modèle de
libération d’un peuple colonisé : battu, le colonisateur dut céder. On
peut y accoler le terme de décolonisation, souvent utilisé dans d’autres cas
où il ne sert qu’à masquer une réorganisation des tâches (sans violence
observable par Stora et consorts) effectuée par les impérialismes. Pour ce
qui est de l’Algérie indépendante, ensuite, il y a quelques éléments à
connaître. Le FLN constituait l’archétype du mouvement de libération
nationale : tout le monde en faisait partie, des représentants de la
haute bourgeoisie indigène gênée par la colonisation à des militants
syndicalistes ouvriers ; des communistes à des anticommunistes notoires, notamment les
"ancêtres" de l’intégrisme actuel. Au milieu et à la direction, la
petite bourgeoisie et les classes moyennes engagées dans le combat militaire.
Inévitablement, ce mélange allait donner lieu à des divergences et des
conflits, dès l’indépendance gagnée (et même avant). Comme ce fut le cas dans
d’autres pays libérés par les armes, le FLN, de mouvement de libération
nationale devint un parti unique, avec les mêmes influences contradictoires
qui le traversaient. Parvenu au pouvoir avec le soutien de l’armée, Houari
Boumediene tenta d’installer une forme de socialisme. Il procéda en 1971 à la
nationalisation des hydrocarbures, au grand dam des sociétés capitalistes
françaises. Si le mot socialisme est discutable, car il n’existait pas de
parti de la classe ouvrière, on peut créditer les dirigeants algériens de
cette époque d’une volonté d’établir une société collective. Cela,
pratiquement aucun lycéen n’en entend parler aujourd’hui. On leur demande de
compter les points, attentat de l’OAS contre attentat du FLN, révolte armée
contre putsch des généraux fascistes, sans trame, sans explication de fond.
Pour Communistes, il n’y a pas de torts partagés : les torts reposent
exclusivement sur la classe dominante de l’impérialisme colonial, la France,
et sur l’Etat à son service. Le combat
pour les idées est très important et
la restitution de la vérité concernant les guerres de libération nationale,
particulièrement celle d’Algérie est un enjeu de taille dans ce combat. |
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