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COMMUNISTES |
N°554 Semaine du 2 avril
au 8 avril 2018
04 avril 2018
Les
conceptions économiques de Jacques Généreux,
économiste keynésien inspirateur du
programme de la France Insoumise
Lire Egalement - Gaza, 16 tués, plus de 1.400 blessés Et Pour un changement de politique en France Et - Capitalistes – travailleurs : Un intérêt Commun ? |
Ce texte a été
le support d'une assemblée débat organisé par la cellule université
recherche du Parti Révolutionnaire
COMMUNISTES Lorsque l’on
veut détruire cette société capitaliste, il faut la connaitre, comprendre
comment elle marche. Et cela passe par une compréhension, à un certain niveau
de l’économie politique, couplée à une connaissance de l’histoire. Nous avons
dit économie politique et pas économie. Cela demande un peu de temps ;
mais si l’on s’appuie sur une position de classe on arrive à trier dans tout
le verbiage de ces économistes. Il faut ajouter que les écrits de Marx,
d’Engels, de Lénine sont un outil indispensable. Ce texte a été rédigé en
visant tous ceux qui cherchent une voie pour changer de société, mais qui
jusqu’à présent, pour beaucoup, ne s’appuient pas sur le marxisme pour
analyser la situation. Jean-Luc
Mélenchon a obtenu plus de 7 millions de voix à l'élection présidentielle. La
campagne électorale était menée avec une volonté affichée de ne pas accepter
la société actuelle avec ses injustices et les conditions de vie imposées aux
salariés, précaires et chômeurs. C’est ce qui explique le succès et les
espoirs. Mais quelle est le fond de la ligne politique et économique de la France Insoumise ? Vendre sa
force de travail au meilleur prix dans le cadre du salariat, du marché et de
la société capitaliste ou s’engager dans une lutte prolongée pour renverser
le capitalisme et construire une autre société ? Si la conscience des 7
millions de personnes ayant voté Mélenchon est certainement confuse, si ces 7
millions de votants ne sont pas aujourd’hui, dans leur majorité, pour un tel
changement révolutionnaire, le programme économique élaboré, lui, est très
clair ! Pour préciser cette question, la meilleure des solutions est
d’examiner la pensée économique de Jacques Généreux. Jacques Généreux est
l’économiste en chef qui a conduit l’élaboration du programme économique du
candidat. Qui est Jacques Généreux ? Il s’agit d’un économiste
reconnu, qui s’exprime clairement, ses
livres étant appréciés par les étudiants. Son itinéraire politique : militant au PS depuis
1980 ; actif au sein de l’aile gauche du PS depuis le milieu des années
90 avec Emmanuelli et Mélenchon ; vote NON au référendum sur l’Europe de
2005 ; dès 2008, participe à la fondation du Parti de Gauche (PG) et il
est secrétaire à l’économie jusqu’en 2013 car ensuite il préfère s’occuper
dans l’écriture de livres. Pour connaitre la pensée économique de Jacques
Généreux, le plus efficace est d’examiner un de ses derniers ouvrages,
« Jacques Généreux explique l’économie à tout le monde »
paru aux éditions du Seuil en 2014. Les citations sont nombreuses et parfois
longues car je ne veux pas « déformer » la pensée de Généreux. Pour que les choses soient claires, Jacques
Généreux commence par se présenter : « on peut décrire ma
philosophie politique par le triptyque : république, socialisme,
écologie ». On ne sera pas surpris qu’il s’agit là du triptyque du
Parti de Gauche…. Mais ces termes sont tellement vagues et utilisés à tort et
à travers qu’il est nécessaire d’aller voir de plus près ce qu’ils veulent
dire. J. G. se présente comme « un économiste hétérodoxe dans un sens
assez radical….je ne reconnais à aucun courant de pensée la capacité de
constituer un modèle central dominant tous les autres. Selon moi, la boite à
outils d’un économiste rigoureux comprend des concepts et des raisonnements
hérités de penseurs libéraux, mercantilistes, marxistes, keynésiens,
institutionnalistes, socio-économistes, etc… »
Nous verrons que son analyse économique rigoureuse est développée
fondamentalement avec une paire de lunettes keynésienne. En bon universitaire, dans un premier temps, J. G.
propose de « survoler trois grandes phases dans la formation de la
pensée économique : l’âge de l’économie morale, de l’antiquité à la
renaissance, l’âge de l’économie politique, du XVIème au milieu du XIXème
siècle, l’âge de l’économie scientifique, depuis le milieu du XIXème ». En ce qui concerne la troisième phase, celle qu’il
s’agit aujourd’hui de discuter, Généreux présente « l’origine des
trois principales approches contemporaines de l’économie, à savoir : la
science sociale et historique de Marx, la science abstraite de Walras et des
néoclassiques, la science pragmatique de Keynes ». Ainsi donc, en
économie politique, on se trouverait avec trois sciences différentes depuis
le milieu du XIXème siècle, coexistant l’une à côte de l’autre ! Drôle
de conception de ce qu’est une science ! Au chapitre 3 de son ouvrage, J.G. présente
l’analyse de Marx du mode de production du milieu du XIXème siècle, le
capitalisme. J.G. indique que pour Marx, la recherche du profit maximum par
les capitalistes, détenteurs des moyens de production conduit inexorablement
l’économie dans une spirale dépressive, expression totalement ambigüe.
Ainsi, « Marx a vu juste : du milieu du XIXème siècle jusqu’à la
grande dépression des années 1930, le capitalisme est en effet caractérisé
par une succession de dépressions ». Mais, ajoute J.G., car il y a un MAIS, « le capitalisme que connaissait et
décrivait Marx dans la seconde partie du XIXème siècle s’est bel et bien
effondré dans les années 1930 ; » Dans ce passage, Généreux oublie, ne voit pas, ne
prend pas en considération le processus de concentration du capital fin du 19
- début du 20 ème siècle et la forme impérialisme
que prend le capitalisme. Je renvoie aux écrits de Lénine de la fin des années
1910 ; mais cela ne convient pas à Généreux car il veut cantonner le
marxisme à Marx pour mieux avancer que le marxisme a vieilli, qu’il est
dépassé ! De même, le partage du monde par les différents impérialismes
au début du 20 ème siècle débouchant sur une crise
mondiale et profonde du capitalisme et sur la première guerre mondiale et la
révolution bolchévique, toutes ces questions sont passées à la trappe ! Mais, il faut bien comprendre ce que Généreux veut
dire lorsqu’il écrit que le capitalisme « s’est bel et bien effondré
dans les années 30 »… Voici ce qu’il écrit : « le
système qui lui a succédé dans les années 1940, et qui s’est maintenu
jusqu‘aux années 1970, n’a plus grand-chose à voir avec le capitalisme au
sens strict ». Et J.G. précise un peu plus ce qui, pour lui, est le
capitalisme : « pour que ce pouvoir [de la bourgeoise]
puisse pleinement s’exercer et que l’on puisse en conséquence estimer que le
système est vraiment « capitaliste », il faut un cadre social qui
laisse aux détenteurs de capitaux une parfaite liberté de mouvement et de
décision concernant l’utilisation de leur argent et de « leurs salariés ».
Et il poursuit : « …des années 1940 aux années 1970, les grands
pays industriels se sont développés dans un nouveau système où les détenteurs
des capitaux n’avaient plus la pleine liberté, ni les pouvoirs que celle-ci
confère…..la contradiction interne du capitalisme était neutralisée….Dans les
années 1945-1975, bien des pays industrialisés ne sont déjà plus dans une
véritable économie capitaliste. Ce qui a sauvé les pays industriels des
dégâts provoqués par le capitalisme dans les années 1930 est très précisément
le fait qu’ils sont sortis du système capitaliste décrit par Marx. A ce
capitalisme dont ils avaient mesuré le pouvoir destructeur, ils ont substitué
une économie mixte, très réglementée, dans laquelle
les managers salariés et les fonctionnaires avaient plus de pouvoirs que les
capitalistes ». Il faut relever que, encore une fois, la crise
générale du capitalisme mondiale qui n’avait pas été résolue par la première
guerre mondiale a connu un nouveau pic avec la crise de 29 ; et la
solution inéluctable a été le déclenchement de la seconde guerre mondiale
malgré les risques que représentait une conséquence similaire à celle de la
première guerre, à savoir la Révolution. Le résultat a été en particulier la
victoire de l’URSS, l’extension du camp socialiste et dans la foulée, la
victoire de la révolution chinoise ! La conclusion de Généreux sur cette période est
toute autre. Nous apprenons donc que durant les trente années de 45 à 75, que
certains économistes et politologues s’efforcent de nous présenter comme les
trente glorieuses, « la contradiction interne du
capitalisme était neutralisée » ; les peuples ont vécu
dans une économie mixte sous la direction de manageurs salariés et de
fonctionnaires. Comment ces manageurs et fonctionnaires sont-ils arrivés
à avoir « plus de pouvoirs que les capitalistes » et ainsi
exercer le pouvoir dominant ? Et donc en France durant cette période, la
classe ouvrière, les salariés et leurs organisations qui ont mené des grèves
et des luttes importantes contre la bourgeoisie pour défendre les positions
acquises au sortir de la seconde guerre mondiale se seraient trompées de
cible ? Les bourgeoisies,
en vue de prévenir une alliance de classes entre la classe ouvrière et les
couches moyennes, ont lâché des miettes à des fractions de la petite
bourgeoisie. C’est pour cela que les tenants de cette classe, en particulier
la petite bourgeoisie intellectuelle regardent cette période 45-75 avec
nostalgie, souhaitent un retour en arrière et aspirent à retrouver la
situation ancienne. Nous verrons plus loin les manifestations de ces regrets. Poursuivons l’exposé de la pensée de
Généreux : « nous sommes aujourd’hui à nouveau dans un système
capitaliste puisque depuis les années 1980, les gouvernements ont
progressivement démantelé toutes les limites précédemment imposées à la
liberté et au pouvoir des détendeurs de capitaux. Et vous avez été vous-même
le témoin du résultat prévisible de ce renversement politique : le
retour des crises économiques récurrentes ». La rigueur de notre économiste est prise encore une
fois en défaut : la société passe, d’une économie capitaliste à une
économie mixte pour revenir enfin à une économie capitaliste sans que ces
changements, pourtant si importants pour les peuples concernés, ne soient
expliqués ; par exemple quelles sont les forces sociales qui ont réussi
ces tours de passe-passe ! Et tous ces changements sous l’action…des
gouvernements, gouvernements n’ayant aucun contenu de classe ! Mais Généreux, pour tromper son monde, adopte une
attitude subtile. Ainsi, il défend le marxisme contre une « interprétation
caricaturale, réductrice », indique que « les premiers
partis communistes se réclamant du marxisme ont souvent commencé par une
lecture économiste de Marx »,
et souligne que « pour Marx et Engels l’infrastructure
économique (forces productives et rapports de production) détermine une
superstructure politique, les deux niveaux étant en interaction
dialectique ». Mais voilà, tout simplement Marx a analysé une forme
de production il y a maintenant presqu’un siècle et demi et donc il nous faut laisser Marx et regarder plus
près de nous. Et bon prince, Généreux continue de dresser des couronnes au
mort : « …l’essentiel est de comprendre que tous ces courants
[de pensée venant après Marx] trouvent leurs racines dans le matérialisme
historique de Marx…car le matérialisme de Marx introduit une manière de faire
de l’économie qui devrait constituer au moins une part de la boite à outils
de tout économiste….cette manière peut se résumer en soulignant la nécessité
d’intégrer dans l’analyse trois dimensions essentielles : la nature
sociale de l’être humain…, la nature politique de l’économie…, la nature
historique d’un système social et des mécanisme qui le caractérisent ». Mais, puisqu’il ne faut pas oublier « la
nature historique d’un système social » et que depuis Marx, d’après
Généreux, « le capitalisme s’est effondré » et a été remplacé
par « une économie mixte » pour revenir au capitalisme, il
est donc normal qu’il faille étudier la nouvelle situation et il est évident
que le marxisme s’avère insuffisant pour cela puisque il est daté ! Il
faut une boite à outils…. Un économiste travaillerait comme un manuel ? Face au marxisme, appelé par Généreux, « une
science sociale et historique », Généreux place dans ce qu’il
appelle « une science des choix rationnels », toute une
série d’écoles visant à défendre, à justifier et à promouvoir le capitalisme,
les courants de pensée « néoclassiques, néolibéraux et marchéistes ». Il présente ainsi l’opération de
Friedrich Hayek et de Milton Friedman idéologues des « politiques
néolibérales, ou ultralibérales » fin des années 1940 : « Constatant
partout la victoire de l’étatisme – keynésien à l’Ouest, stalinien à l’Est -,
ces intellectuels veulent restaurer un « nouveau
libéralisme » : il s’agit en fait de restaurer un capitalisme
dérèglementé et d’étendre la libre concurrence à toutes les sphères de la vie
sociale ». nous ne rentrerons pas dans l’analyse de ces écoles
par Généreux car l’objet n’est pas de présenter un cours de style académique.
De plus, sa présentation est faite avec une paire de lunettes keynésienne.
Toutefois, il faut relever que Généreux introduit ici une nouvelle catégorie,
« l’étatisme » sans le définir, ni préciser ce mode de
production, ni aborder quelles classes sont au pouvoir ! Relevons tout
de même, le coup de patte donné au passage à l’URSS sans en avoir l’air… J.G. poursuit par une présentation ironique de
« l’économie de marché idéale » sous-tendue par « la
concurrence parfaite et l’économie de l’offre » développée
principalement par Léon Walras. Enfin, Généreux aborde Keynes ! « Keynes
proposera une toute autre manière de faire de l’économie. La démarche
keynésienne débute donc par un examen réaliste du fonctionnement des
marchés …. Deux constats initiaux (qui)
fonderont l’approche keynésienne. Primo, le mécanisme du marché idéal est une
fiction irréalisable…secundo, quand les prix sont flexibles, si le
fonctionnement réel de l’économie se rapproche du mécanisme idéal, cela peut
aggraver les déséquilibres au lieu de les résorber ». Avant de se lancer plus avant dans ses explications
keynésiennes pour limiter et résoudre les crises du capitalisme, J.G résume
la situation : «à partir du même constat critique – l’absence et
l’impossibilité d’un système complet de marchés autorégulés : on connait
bien les deux principales propositions politiques en débat. Un, il faut
changer de système : c’est la réponse marxiste…Deux : il faut
améliorer le système, concevoir une politique économique qui compense les
défauts d’une économie fondée sur la propriété et l’initiative privées :
c’est la réponse keynésienne… Une troisième proposition a été
avancée par Hayek : il faut renoncer à tout système et s’en remettre à
la sagesse des individus ». Ainsi donc, la réponse marxiste de changer de
système serait la conséquence de la constatation de l’impossibilité d’un
système complet de marchés autorégulés. Mais J.G. avait critiqué dans des
passages précédents la lecture économiste de Marx par certains marxistes….
Plus question donc de la fin de l’exploitation de l’homme par l’homme, du
salariat et de la propriété privée des grands moyens de production et
d’échanges par l’instauration du socialisme sur les ruines du capitalisme.
Pas question à plus forte raison de révolution dans les rapports de
production ! J.G., pour mieux asseoir les conceptions
keynésiennes, met dans la même poubelle Marx et Hayek ! « Dès lors, la question de savoir s’il faut
des millions de commissaires-priseurs (des marchés décentralisés) ou un seul
(un bureau central de planification) dépend seulement des moyens et des
technologies disponibles pour collecter et traiter l’information sur les
offres et les demandes. Et là encore, Hayek est un des premiers à comprendre
avec les économistes soviétiques, que la théorie de la concurrence parfaite
est plus utile à la construction d’une économie centralement planifiée qu’à la
compréhension d’une économie décentralisée…. Pourquoi diable gaspiller du
temps et de l’argent à promouvoir des produits, à négocier, à ajuster les
offres et les demandes, s’il suffit d’entrer toutes les équations d’offre et
de demande dans un ordinateur qui nous indique en continu les prix
d’équilibre ? … Le marché parfait et le plan parfait ne sont donc pas
deux modèles opposés ; ils composent les deux faces d’une même utopie
scientiste ». Plus question de déterminer les prix d’un produit
par la quantité de temps de travail incorporée, plus question d’une remise en
cause du marché, plus question de planification qu’il réduit à un gros
ordinateur, tout cela relève de l’utopie marxiste… d’ailleurs « l’échec
de l’expérience soviétique » est là pour en apporter la preuve ! Et
la conclusion qui s’impose pour régler tous nos problèmes : « un peu de marché, un peu de
planification, et beaucoup d’ajustements de cette combinaison en fonction des
résultats ». Armé de cette conclusion, J.G. se lance dans la
présentation de « la logique keynésienne, ou l’économie de la
demande »… pour « faire face aux crises, face au chômage ». « En introduisant dans l’analyse économique
le temps, l’incertitude, la peur, la préférence pour la liquidité et
l’anticipation, Keynes donne à voir une économie concrète, vivante, dans
laquelle la psychologie des acteurs joue un rôle essentiel…. Pour les
néoclassiques, tout comme pour les planificateurs de l’Union soviétique, la
prospérité repose sur la quantité de travail et sur l’efficacité des
ingénieurs qui sauront en tirer la production maximale. Dans l’économie
keynésienne, la production dépend de prévisions incertaines sur la demande
courante, qui elle-même dépend des prévisions des ménages (sur l’emploi) et
des entreprises (sur la demande future)… La politique keynésienne idéale est
donc celle qui assure le plein emploi sans surchauffe inflationniste,
c’est-à-dire une politique qui stabilise la demande globale, à la hausse ou à
la baisse, autour d’un niveau correspondant à l’état des capacités de
production (ce que les économistes appellent le PIB potentiel) ». Pour être complet, J.G. présente aussi « un
défaut structurel du capitalisme qui se trouve à la source de ses crises
récurrentes. Sur cette question, Keynes, qui n’a rien d’un révolutionnaire et
n’a aucune intention d’abolir le capitalisme, n’est pourtant pas très
éloigné de Marx [sauf que Marx était avant tout un
révolutionnaire !]. Le principal défaut structurel du capitalisme,
souligné par Keynes comme par Marx avant lui, est la propension à déformer la
répartition des revenus au profit du capital et au détriment du travail.
Autrement dit, la modération salariale n’est pas seulement une source
d’aggravation des crises, elle peut aussi les provoquer…. Le capitalisme
livré à lui-même, tend à développer l’inégalité des salaires et des
patrimoines ». Que cela est joliment dit avec des mots bien choisis
pour exprimer la recherche du profit maximum par les capitalistes !!!
« déformer la répartition des revenus, modération salariale » !
Les salariés actuellement en lutte contre les mesures décidées par Macron et son équipe ne doivent pas déformer et montrer
de la modération….. J.G. complète les conceptions de Keynes :
« l’approche keynésienne, si elle met l’accent sur la nécessité de
maintenir la demande à un niveau suffisant pour assurer le plein emploi, ne
se limite pas pour autant à préconiser la relance de la demande par les
dépenses publiques en temps de crise. Elle est porteuse d’une critique plus
structurelle du capitalisme. Elle suggère de prévenir les crises en assurant
une répartition plus juste du revenu national, et en régulant la finance pour
la mettre au service de l’économie productive ». Avec sa boite à outils, Généreux discute ensuite
différentes questions que pose l’économie capitaliste : budget, dette,
déficit, monnaie, inflation, taux d’intérêt. Nous avons retenu les développements concernant
l’inflation : « l’inflation peut être déclenchée par une
pression de la demande non anticipée et excessive par rapport aux capacités de
production. Elle apparait aussi à la suite d’un choc sur les coûts de
production…L’intensité de ces deux sources d’inflation (par la demande ou par
les coûts) dépend aussi de caractéristiques structurelles de
l’économie : degré de concurrence entre les entreprises, ouverture à la
compétition internationale, capacité des partenaires sociaux à s’entendre sur le
partage de la valeur ajoutée – au lieu de se lancer dans la spirale des
hausses de salaires fictives compensées par des hausses de prix… ». C’est
moi qui ai mis en gras ces deux dernières lignes ! Et deux pages plus
loin, J.G. précise ce qu’il entend par partage de la valeur ajoutée :
« Imaginons qu’un consensus soit possible… Syndicats et patrons sont
d’accord sur un certain partage de la valeur ajoutée, disons par exemple 70%
pour le travail et 30% pour le capital… ». Et J.G. insiste un peu
plus loin : « si la politique est ainsi en mesure d’ouvrir
une perspective qui atténue le fardeau à supporter chaque année par les
entreprises et leurs salariés, elle créé des conditions favorables à la
conclusion d’accords modérant la hausse des salaires et des prix en
contrepartie du maintien du plein emploi ». Et dans un grand souci de bien régler les
contradictions antagoniques entre les capitalistes et les salariés, qui pour
J.G. sont seulement des intérêts opposés entre partenaires sociaux, il
attribue généreusement 70% pour le travail et 30% pour le capital. Mais, et
là est le problème, le capital veut toujours plus ! Belle définition de
ce qui s’appelle un appel à la collaboration de classes ! Bel exemple de contradiction dans la pensée de
Généreux. J.G. a manifestement oublié qu’au début de l’ouvrage au chapitre 3,
il déclare que « … en effet, le capital ne crée pas de valeur »
et cela en conclusion de développements présentant la pensée de Marx :
« En partant de la position classique selon laquelle le revenu vient
en totalité de la valeur créée par le travail, Marx peut expliquer que le
profit est un prélèvement des capitalistes (propriétaires des moyens de
production) sur une valeur à laquelle ils ne contribuent pas. Le profit n’a
pas de justification économique ; il existe en raison d’un mode de
production historique particulier qui donne tout pouvoir de diriger la
production et d’en posséder les fruits à une classe qui ne produit pas
elle-même ». Marx est très clair sur cette question : il
n’y a aucune raison que le capital prélève une partie de la valeur ajoutée
car il ne produit pas de la valeur et c’est pour cela que l’objectif est
d’abattre le capital. Les producteurs n’ont pas besoin des
capitalistes ! Progressons encore un peu. Généreux aborde les
questions des marges de manœuvre des Etats face à la finance
internationale en traitant de la balance des paiements, taux de change et
spéculation, pour déboucher sur des problèmes plus récents, ceux
concernant « de la fin du SMI à la crise de l’euro ».
Evidemment, il rappelle les propositions de Keynes en 1944 sur une vraie
monnaie internationale. Il s’agit là d’une proposition totalement
utopique irréalisable dans le monde tel qu’il est ! Mais un intellectuel
veut le voir tel qu’il le souhaite…. Généreux prolonge son propos par une
critique de l’Euro que la France devrait quitter sans le quitter, et débouche
sur une affirmation qui laisse rêveur : « si les Européens
avaient engagé cette renégociation dès 2008 [il s’agit du traité de
Lisbonne], pour réagir à la crise financière déclenchée aux Etats-Unis, il
n’y aurait eu ni crise de la zone euro, ni récession, ni explosion du chômage ».
Et donc, il faudrait conclure que la crise de 2008 n’est pas du tout le
reflet de la crise du système capitaliste ! Généreux termine en expliquant comment la science
économique a progressé, en laissant évidemment de côté l’approche marxiste
alors qu’il avait dit que tous ces courants [de pensée venant après Marx]
trouvent leurs racines dans le matérialisme historique de Marx…car le
matérialisme de Marx introduit une manière de faire de l’économie qui devrait
constituer au moins une part de la boite à outils de tout économiste… »,
montrant ainsi que sa pensée et ses conceptions s’inscrivent dans le cadre
des théories économiques en faveur du capitalisme et en proposant des
démarches pour corriger les excès du capitalisme : « C’est d’ailleurs
principalement ainsi que la science économique a progressé tout au long du
XXème siècle : elle est partie d’une économie de marché idéale,
spontanément efficace et équilibrée, celle qu’ont décrite les premiers
néoclassiques ; puis elle a de
mieux en mieux compris le fonctionnement réel de l’économie en démolissant
pierre par pierre l’utopie d’un marché parfait. Alors, bien sûr, ces progrès
ont apporté de plus en plus de fondements à la nécessaire régulation
politique de l’économie ; mais ils nous ont aussi prémunis contre
l’utopie de l’Etat parfait ». A chaque fois que cela est possible, il donne un
coup de patte à la possibilité d’un état socialiste, car c’est cela qui est
caché sous l’expression « état parfait » sans lui donner un
contenu de classe. Il récuse toute idée de planification socialiste. Ainsi donc les propositions de Jacques Généreux qui
ont inspiré et conduit à la mise au point du programme économique du candidat
Jean-Luc Mélenchon à la dernière présidentielle et à la France Insoumise peuvent
se résumer ainsi : ·
La France reste dans le système
capitaliste avec propriété privée des grands moyens de production et
d’échange (avec quelques secteurs dépendant de l’Etat ou de la propriété
collective ou mixte), ·
Le marché permet d’arbitrer et de
régler les rapports entre l’offre et la demande ainsi que les prix, l’Etat
intervenant juste le nécessaire pour permettre au marché de ne pas être
faussé, ·
Le salariat continue d’être la
forme de rémunération pour la vente de la force de travail ; une
politique harmonieuse permettant le plein emploi se fondra sur une
répartition de la plus-value selon la clef 70% pour le travail et 30% pour le
capital, ·
Les rapports de production ne
sont pas modifiés, puisqu’il n’en est pas question tout au long du livre,
même s’il est fait état que les salariés doivent participer aux décisions et
que les capitalistes doivent réaliser qu’ils ne doivent pas être gourmand car
nous tous nous vivons dans la même société. Comment caractériser les conceptions économiques de
Généreux ? C’est un keynésien, point ! Un grand nombre
d’économistes se présentant critiques de la pensée dominante, se disant aussi
« hétérodoxe » sont keynésiens, post-keynésiens,
néo-keynésiens… Tout cela revient au même. La plupart des économistes
atterrés sont sur les mêmes positions. Ils raisonnent et ils restent dans le
cadre du système capitaliste et ils dépensent une grande énergie, en pure
perte, pour essayer de le sauver, de le guérir de ses tares mais en gardant
l’essentiel ! Une critique des théories de Keynes est
indispensable car elle imprègne les analyses des partis qui se disent de
gauche, du PS et de ses variantes à la France Insoumise en passant par le
PCF. La lutte défensive des salariés pour vendre leur force de travail à un meilleur
prix est nécessaire, mais elle est placée dans le cadre d’une politique de la
demande, de la relance, qui permettrait ainsi de prévenir les crises du
capitalisme. Il n’est pas question de changement de société ! Pour voir encore plus clair sur les positions politiques de J.G. qui
sous-tendent ses conceptions économiques, il est possible de lire le dernier livre de J.G. sorti en
mars 2017 aux éditions Les Liens qui Libèrent, « Les bonne raisons de
voter Mélenchon ». Comment caractériser la situation actuelle ?
« Heureusement les trahisons de la vieille gauche ont aussi suscité
l’émergence de nouveaux mouvements politiques reprenant le flambeau du
progressisme internationaliste (Parti de Gauche, Front de Gauche, La France
Insoumise ...)… une nouvelle gauche qui fait appel à la raison et
propose une transition paisible vers une nouvelle économie, une démocratie
plus réelle, une autre coopération européenne et internationale. Qui
l’emportera ? La bêtise ou la raison ? » Ainsi donc, l’orientation
politique d’un programme n’est pas déterminée par le contenu de classe du
programme, c’est-à-dire pour qui ce programme est élaboré et contre qui, mais
c’est de savoir si ceux qui l’ont élaboré sont bêtes ou intelligents !!!
Erreur classique chez les intellectuels petits-bourgeois
qui, eux, sont intelligents. Et cette orientation est réaffirmée, face à la voie
proposée par les derniers gouvernements, J.G. propose : « …ou
bien voulons-nous reprendre le chemin d’un
progrès partagé et repensé pour préserver une planète vivable pour nos
enfants et petits-enfants ?...Ou bien préférons-nous éradiquer tout de suite la finance toxique
et restaurer une finance stable au service de
l’intérêt général ? Ou bien
souhaitons-nous refonder une démocratie
stable dans laquelle nous tous, citoyens, retrouverions la capacité de
déterminer les politiques suivies et de contrôler nos élus ? ». J’ai
mis en gras les mots reprendre, restaurer, refonder car ces termes indiquent
clairement qu’il s’agit de revenir à l’âge d’or d’avant une trentaine
d’années ! Age d’or pour qui ? Pour la classe ouvrière ? Pour
le peuple ? Ou pour une partie de la petite-bourgeoise intellectuelle à
laquelle la bourgeoise avait concédé quelques miettes pour l’embrigader derrière
elle et éviter qu’elle ne se rapproche du peuple ? J.G. précise sa
pensée : « Dans les années 1980-1990, la nature de notre système
économique et la logique qui inspire la politique économique ont connu une
bifurcation majeure, en rupture avec les compromis sociaux et politiques de
l’après-guerre ». J.G. n’est pas le seul économiste et idéologue à
présenter les modifications et évolutions du capitalisme dans les années
80-90 comme une bifurcation (cf. Gérard Dumesnil). Et il
poursuit : «Depuis trente ans la politique marche à
l’envers… nous proposons de remettre l’action politique à l’endroit». Sur le plan économique, voici une
perle : « Peu importe
qu’une proposition politique vienne de la droite, de la gauche, des patrons
ou des syndicats : une politique est bonne si elle contribue au progrès
conjoint de la justice et de la qualité de nos écosystèmes ». Cela
fait penser à la fameuse phrase de Deng Xiaoping à la base de la
restauration du capitalisme en Chine: « peu importe qu’un chat soit noir
ou blanc, l’essentiel c’est qu’il attrape les souris ». Comment J.G analyse-t-il le PS ? « Mais
depuis trente ans, la gauche sociale-démocrate, désorientée par la nouvelle
difficulté à poursuivre l’idéal socialiste dans une économie mondialisée,
s’est convertie (ou résignée) … tout en s’imaginant sincèrement qu’elle
restait attachée à son idéal de justice sociale. » Et ces erreurs se
retrouvent en ce qui concerne l’Europe : « Deux visions de la
construction européenne s’opposent depuis les origines….Bien évidemment, la
gauche qui portait ce projet était consciente des défauts et des dangers
inhérents au traité de Maastricht… Alors, des socialistes français (dont je
fus, avec, entre autres Jean-Luc Mélenchon) ont fait le pari que l’on pouvait
saisir tout de suite les avantages de l’euro…. Las, nous avions tort et à
quel point !... reconnaitre ses erreurs, c’est bien. Ne pas les répéter,
c’est encore mieux». Très bien, tout cela… Mais comment ne pas répéter
les mêmes erreurs si l’on ne cherche pas le pourquoi de ces erreurs, les
racines idéologiques de ces erreurs ? Face à une nouvelle situation, ces
racines détermineront encore et toujours les mêmes erreurs. Le fond du
problème avec J.G. c’est qu’il n’a pas tiré les leçons des erreurs qu’il
reconnait car il en est incapable. Il est incapable de savoir ce qu’est une
autocritique. Et donc, J.G. peut affirmer : «Nous n’aspirons
qu’à reprendre la marche vers une véritable union conçue dans l’intérêt des
peuples ». J.G. n’a pas réexaminé l’histoire de la construction
européenne alors que tous les documents et archives sont disponibles. Dès le
départ, la construction européenne est une opération lancée par les
bourgeoisies européennes (avec le soutien décisif de l’impérialisme US, même
si, avec le temps, des contradictions se sont développées) contre les
peuples. Et cette essence réactionnaire de la construction européenne n’a
fait que se consolider avec le temps. La seule conclusion à tirer est qu’il
faut rejeter cette UE. La lutte des peuples européens déterminera le fond et
la forme d’une alliance possible entre certains peuples. Jacques Généreux, compte-tenu de sa situation de
classe et de sa position de classe, a une conception de la lutte des classes typiquement social-démocrate réformiste. Si
les choses pouvaient se passer aussi bien, aussi facilement, aussi
pacifiquement, ce serait tellement mieux ! Mais la bourgeoise ne
l’entend pas ainsi, et cela plus de deux siècles d’histoire nous l’ont
montré. A la classe ouvrière de se constituer en classe
pour soi, d’unir autour d’elle les salariés et le peuple, de tirer les leçons
de l’histoire, et de mener la lutte des classes pour se libérer et libérer le
peuple. Paris 14/02/2018 Biographie de jacques Généreux : Au PS en 1980 ; il a 24 ans et un doctorat de
3ème cycle d’économie à Sciences-Po Paris, après des études à
Sciences-Po Paris. Militant actif à l’aile gauche du PS à partir du milieu
des années 90, vote Non au référendum sur l’Europe de 2005. Avec Emmanuelli
et Mélanchon. Dès 2008, co-fonde
le Parti de Gauche, secrétaire à l’économie jusqu’en 2013 ; remplacé par
Guillaume Etiévant (expert auprès des CE dans la
société JDS) car il préfère la réflexion et la rédaction de livres. Il a
dirigé l’élaboration du programme économique de la France Insoumise avec
Charlotte Girard. Lire, enregistrer et/ou imprimer cette information
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