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N°554 Semaine du 2 avril au 8 avril 2018                                     

 

04 avril 2018

 

            Les conceptions économiques de Jacques Généreux,

économiste keynésien inspirateur du programme de la France Insoumise

 

 

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Ce texte a été le support d'une assemblée débat organisé par la cellule université recherche  du Parti Révolutionnaire COMMUNISTES

Lorsque l’on veut détruire cette société capitaliste, il faut la connaitre, comprendre comment elle marche. Et cela passe par une compréhension, à un certain niveau de l’économie politique, couplée à une connaissance de l’histoire. Nous avons dit économie politique et pas économie. Cela demande un peu de temps ; mais si l’on s’appuie sur une position de classe on arrive à trier dans tout le verbiage de ces économistes. Il faut ajouter que les écrits de Marx, d’Engels, de Lénine sont un outil indispensable. Ce texte a été rédigé en visant tous ceux qui cherchent une voie pour changer de société, mais qui jusqu’à présent, pour beaucoup, ne s’appuient pas sur le marxisme pour analyser la situation.

Jean-Luc Mélenchon a obtenu plus de 7 millions de voix à l'élection présidentielle. La campagne électorale était menée avec une volonté affichée de ne pas accepter la société actuelle avec ses injustices et les conditions de vie imposées aux salariés, précaires et chômeurs. C’est ce qui explique le succès et les espoirs. Mais quelle est le fond de la ligne politique et économique  de la France Insoumise ? Vendre sa force de travail au meilleur prix dans le cadre du salariat, du marché et de la société capitaliste ou s’engager dans une lutte prolongée pour renverser le capitalisme et construire une autre société ? Si la conscience des 7 millions de personnes ayant voté Mélenchon est certainement confuse, si ces 7 millions de votants ne sont pas aujourd’hui, dans leur majorité, pour un tel changement révolutionnaire, le programme économique élaboré, lui, est très clair ! Pour préciser cette question, la meilleure des solutions est d’examiner la pensée économique de Jacques Généreux. Jacques Généreux est l’économiste en chef qui a conduit l’élaboration du programme économique du candidat.

Qui est Jacques Généreux ? Il s’agit d’un économiste reconnu, qui s’exprime clairement,  ses livres étant appréciés par les étudiants.

Son itinéraire politique : militant au PS depuis 1980 ; actif au sein de l’aile gauche du PS depuis le milieu des années 90 avec Emmanuelli et Mélenchon ; vote NON au référendum sur l’Europe de 2005 ; dès 2008, participe à la fondation du Parti de Gauche (PG) et il est secrétaire à l’économie jusqu’en 2013 car ensuite il préfère s’occuper dans l’écriture de livres.

Pour connaitre la pensée économique de Jacques Généreux, le plus efficace est d’examiner un de ses derniers ouvrages, « Jacques Généreux explique l’économie à tout le monde » paru aux éditions du Seuil en 2014. Les citations sont nombreuses et parfois longues car je ne veux pas « déformer » la pensée de Généreux.

Pour que les choses soient claires, Jacques Généreux commence par se présenter : « on peut décrire ma philosophie politique par le triptyque : république, socialisme, écologie ». On ne sera pas surpris qu’il s’agit là du triptyque du Parti de Gauche…. Mais ces termes sont tellement vagues et utilisés à tort et à travers qu’il est nécessaire d’aller voir de plus près ce qu’ils veulent dire. J. G. se présente comme « un économiste hétérodoxe dans un sens assez radical….je ne reconnais à aucun courant de pensée la capacité de constituer un modèle central dominant tous les autres. Selon moi, la boite à outils d’un économiste rigoureux comprend des concepts et des raisonnements hérités de penseurs libéraux, mercantilistes, marxistes, keynésiens, institutionnalistes, socio-économistes, etc… » Nous verrons que son analyse économique rigoureuse est développée fondamentalement avec une paire de lunettes keynésienne.

En bon universitaire, dans un premier temps, J. G. propose de « survoler trois grandes phases dans la formation de la pensée économique : l’âge de l’économie morale, de l’antiquité à la renaissance, l’âge de l’économie politique, du XVIème au milieu du XIXème siècle, l’âge de l’économie scientifique, depuis le milieu du XIXème ».

En ce qui concerne la troisième phase, celle qu’il s’agit aujourd’hui de discuter, Généreux présente « l’origine des trois principales approches contemporaines de l’économie, à savoir : la science sociale et historique de Marx, la science abstraite de Walras et des néoclassiques, la science pragmatique de Keynes ». Ainsi donc, en économie politique, on se trouverait avec trois sciences différentes depuis le milieu du XIXème siècle, coexistant l’une à côte de l’autre ! Drôle de conception de ce qu’est une science !

Au chapitre 3 de son ouvrage, J.G. présente l’analyse de Marx du mode de production du milieu du XIXème siècle, le capitalisme. J.G. indique que pour Marx, la recherche du profit maximum par les capitalistes, détenteurs des moyens de production conduit inexorablement l’économie dans une spirale dépressive, expression totalement ambigüe. Ainsi, « Marx a vu juste : du milieu du XIXème siècle jusqu’à la grande dépression des années 1930, le capitalisme est en effet caractérisé par une succession de dépressions ». Mais, ajoute J.G., car il y a un MAIS,  « le capitalisme que connaissait et décrivait Marx dans la seconde partie du XIXème siècle s’est bel et bien effondré dans les années 1930 ; »

Dans ce passage, Généreux oublie, ne voit pas, ne prend pas en considération le processus de concentration du capital fin du 19 - début du 20 ème siècle et la forme impérialisme que prend le capitalisme. Je renvoie aux écrits de Lénine de la fin des années 1910 ; mais cela ne convient pas à Généreux car il veut cantonner le marxisme à Marx pour mieux avancer que le marxisme a vieilli, qu’il est dépassé ! De même, le partage du monde par les différents impérialismes au début du 20 ème siècle débouchant sur une crise mondiale et profonde du capitalisme et sur la première guerre mondiale et la révolution bolchévique, toutes ces questions sont passées à la trappe !

Mais, il faut bien comprendre ce que Généreux veut dire lorsqu’il écrit que le capitalisme « s’est bel et bien effondré dans les années 30 »… Voici ce qu’il écrit : «  le système qui lui a succédé dans les années 1940, et qui s’est maintenu jusqu‘aux années 1970, n’a plus grand-chose à voir avec le capitalisme au sens strict ». Et J.G. précise un peu plus ce qui, pour lui, est le capitalisme : « pour que ce pouvoir [de la bourgeoise] puisse pleinement s’exercer et que l’on puisse en conséquence estimer que le système est vraiment « capitaliste », il faut un cadre social qui laisse aux détenteurs de capitaux une parfaite liberté de mouvement et de décision concernant l’utilisation de leur argent et de « leurs salariés ». Et il poursuit : « …des années 1940 aux années 1970, les grands pays industriels se sont développés dans un nouveau système où les détenteurs des capitaux n’avaient plus la pleine liberté, ni les pouvoirs que celle-ci confère…..la contradiction interne du capitalisme était neutralisée….Dans les années 1945-1975, bien des pays industrialisés ne sont déjà plus dans une véritable économie capitaliste. Ce qui a sauvé les pays industriels des dégâts provoqués par le capitalisme dans les années 1930 est très précisément le fait qu’ils sont sortis du système capitaliste décrit par Marx. A ce capitalisme dont ils avaient mesuré le pouvoir destructeur, ils ont substitué une économie mixte, très réglementée, dans laquelle les managers salariés et les fonctionnaires avaient plus de pouvoirs que les capitalistes ».

Il faut relever que, encore une fois, la crise générale du capitalisme mondiale qui n’avait pas été résolue par la première guerre mondiale a connu un nouveau pic avec la crise de 29 ; et la solution inéluctable a été le déclenchement de la seconde guerre mondiale malgré les risques que représentait une conséquence similaire à celle de la première guerre, à savoir la Révolution. Le résultat a été en particulier la victoire de l’URSS, l’extension du camp socialiste et dans la foulée, la victoire de la révolution chinoise !

La conclusion de Généreux sur cette période est toute autre. Nous apprenons donc que durant les trente années de 45 à 75, que certains économistes et politologues s’efforcent de nous présenter comme les trente glorieuses, « la contradiction interne du capitalisme était neutralisée » ; les peuples ont vécu dans une économie mixte sous la direction de manageurs salariés et de fonctionnaires. Comment ces manageurs et fonctionnaires sont-ils arrivés à avoir « plus de pouvoirs que les capitalistes » et ainsi exercer le pouvoir dominant ? Et donc en France durant cette période, la classe ouvrière, les salariés et leurs organisations qui ont mené des grèves et des luttes importantes contre la bourgeoisie pour défendre les positions acquises au sortir de la seconde guerre mondiale se seraient trompées de cible ?

 Les bourgeoisies, en vue de prévenir une alliance de classes entre la classe ouvrière et les couches moyennes, ont lâché des miettes à des fractions de la petite bourgeoisie. C’est pour cela que les tenants de cette classe, en particulier la petite bourgeoisie intellectuelle regardent cette période 45-75 avec nostalgie, souhaitent un retour en arrière et aspirent à retrouver la situation ancienne. Nous verrons plus loin les manifestations de ces regrets.

Poursuivons l’exposé de la pensée de Généreux : « nous sommes aujourd’hui à nouveau dans un système capitaliste puisque depuis les années 1980, les gouvernements ont progressivement démantelé toutes les limites précédemment imposées à la liberté et au pouvoir des détendeurs de capitaux. Et vous avez été vous-même le témoin du résultat prévisible de ce renversement politique : le retour des crises économiques récurrentes ».

La rigueur de notre économiste est prise encore une fois en défaut : la société passe, d’une économie capitaliste à une économie mixte pour revenir enfin à une économie capitaliste sans que ces changements, pourtant si importants pour les peuples concernés, ne soient expliqués ; par exemple quelles sont les forces sociales qui ont réussi ces tours de passe-passe ! Et tous ces changements sous l’action…des gouvernements, gouvernements n’ayant aucun contenu de classe !

Mais Généreux, pour tromper son monde, adopte une attitude subtile. Ainsi, il défend le marxisme contre une « interprétation caricaturale, réductrice », indique que « les premiers partis communistes se réclamant du marxisme ont souvent commencé par une lecture économiste de Marx »,  et souligne que « pour Marx et Engels l’infrastructure économique (forces productives et rapports de production) détermine une superstructure politique, les deux niveaux étant en interaction dialectique ». Mais voilà, tout simplement Marx a analysé une forme de production il y a maintenant presqu’un siècle et demi et donc il  nous faut laisser Marx et regarder plus près de nous. Et bon prince, Généreux continue de dresser des couronnes au mort : « …l’essentiel est de comprendre que tous ces courants [de pensée venant après Marx] trouvent leurs racines dans le matérialisme historique de Marx…car le matérialisme de Marx introduit une manière de faire de l’économie qui devrait constituer au moins une part de la boite à outils de tout économiste….cette manière peut se résumer en soulignant la nécessité d’intégrer dans l’analyse trois dimensions essentielles : la nature sociale de l’être humain…, la nature politique de l’économie…, la nature historique d’un système social et des mécanisme qui le caractérisent ».

Mais, puisqu’il ne faut pas oublier « la nature historique d’un système social » et que depuis Marx, d’après Généreux, « le capitalisme s’est effondré » et a été remplacé par « une économie mixte » pour revenir au capitalisme, il est donc normal qu’il faille étudier la nouvelle situation et il est évident que le marxisme s’avère insuffisant pour cela puisque il est daté ! Il faut une boite à outils…. Un économiste travaillerait comme un manuel ?

Face au marxisme, appelé par Généreux, « une science sociale et historique », Généreux place dans ce qu’il appelle « une science des choix rationnels », toute une série d’écoles visant à défendre, à justifier et à promouvoir le capitalisme, les courants de pensée « néoclassiques, néolibéraux et marchéistes ». Il présente ainsi l’opération de Friedrich Hayek et de Milton Friedman idéologues des « politiques néolibérales, ou ultralibérales » fin des années 1940 : « Constatant partout la victoire de l’étatisme – keynésien à l’Ouest, stalinien à l’Est -, ces intellectuels veulent restaurer un « nouveau libéralisme » : il s’agit en fait de restaurer un capitalisme dérèglementé et d’étendre la libre concurrence à toutes les sphères de la vie sociale ».

nous ne rentrerons pas dans l’analyse de ces écoles par Généreux car l’objet n’est pas de présenter un cours de style académique. De plus, sa présentation est faite avec une paire de lunettes keynésienne. Toutefois, il faut relever que Généreux introduit ici une nouvelle catégorie, « l’étatisme » sans le définir, ni préciser ce mode de production, ni aborder quelles classes sont au pouvoir ! Relevons tout de même, le coup de patte donné au passage à l’URSS sans en avoir l’air…

J.G. poursuit par une présentation ironique de « l’économie de marché idéale » sous-tendue par « la concurrence parfaite et l’économie de l’offre » développée principalement par Léon Walras.

Enfin, Généreux aborde Keynes ! « Keynes proposera une toute autre manière de faire de l’économie. La démarche keynésienne débute donc par un examen réaliste du fonctionnement des marchés …. 

Deux constats initiaux (qui) fonderont l’approche keynésienne. Primo, le mécanisme du marché idéal est une fiction irréalisable…secundo, quand les prix sont flexibles, si le fonctionnement réel de l’économie se rapproche du mécanisme idéal, cela peut aggraver les déséquilibres au lieu de les résorber ».

Avant de se lancer plus avant dans ses explications keynésiennes pour limiter et résoudre les crises du capitalisme, J.G résume la situation : «à partir du même constat critique – l’absence et l’impossibilité d’un système complet de marchés autorégulés : on connait bien les deux principales propositions politiques en débat. Un, il faut changer de système : c’est la réponse marxiste…Deux : il faut améliorer le système, concevoir une politique économique qui compense les défauts d’une économie fondée sur la propriété et l’initiative privées : c’est la réponse keynésienne… Une troisième proposition  a été avancée par Hayek : il faut renoncer à tout système et s’en remettre à la sagesse des individus ».

Ainsi donc, la réponse marxiste de changer de système serait la conséquence de la constatation de l’impossibilité d’un système complet de marchés autorégulés. Mais J.G. avait critiqué dans des passages précédents la lecture économiste de Marx par certains marxistes…. Plus question donc de la fin de l’exploitation de l’homme par l’homme, du salariat et de la propriété privée des grands moyens de production et d’échanges par l’instauration du socialisme sur les ruines du capitalisme. Pas question à plus forte raison de révolution dans les rapports de production !

J.G., pour mieux asseoir les conceptions keynésiennes, met dans la même poubelle Marx et Hayek !

« Dès lors, la question de savoir s’il faut des millions de commissaires-priseurs (des marchés décentralisés) ou un seul (un bureau central de planification) dépend seulement des moyens et des technologies disponibles pour collecter et traiter l’information sur les offres et les demandes. Et là encore, Hayek est un des premiers à comprendre avec les économistes soviétiques, que la théorie de la concurrence parfaite est plus utile à la construction d’une économie centralement planifiée qu’à la compréhension d’une économie décentralisée…. Pourquoi diable gaspiller du temps et de l’argent à promouvoir des produits, à négocier, à ajuster les offres et les demandes, s’il suffit d’entrer toutes les équations d’offre et de demande dans un ordinateur qui nous indique en continu les prix d’équilibre ? … Le marché parfait et le plan parfait ne sont donc pas deux modèles opposés ; ils composent les deux faces d’une même utopie scientiste ».

Plus question de déterminer les prix d’un produit par la quantité de temps de travail incorporée, plus question d’une remise en cause du marché, plus question de planification qu’il réduit à un gros ordinateur, tout cela relève de l’utopie marxiste… d’ailleurs « l’échec de l’expérience soviétique » est là pour en apporter la preuve ! Et la conclusion qui s’impose pour régler tous nos problèmes : « un peu de marché, un peu de planification, et beaucoup d’ajustements de cette combinaison en fonction des résultats ».

Armé de cette conclusion, J.G. se lance dans la présentation de « la logique keynésienne, ou l’économie de la demande »… pour « faire face aux crises, face au chômage ».

« En introduisant dans l’analyse économique le temps, l’incertitude, la peur, la préférence pour la liquidité et l’anticipation, Keynes donne à voir une économie concrète, vivante, dans laquelle la psychologie des acteurs joue un rôle essentiel…. Pour les néoclassiques, tout comme pour les planificateurs de l’Union soviétique, la prospérité repose sur la quantité de travail et sur l’efficacité des ingénieurs qui sauront en tirer la production maximale. Dans l’économie keynésienne, la production dépend de prévisions incertaines sur la demande courante, qui elle-même dépend des prévisions des ménages (sur l’emploi) et des entreprises (sur la demande future)… La politique keynésienne idéale est donc celle qui assure le plein emploi sans surchauffe inflationniste, c’est-à-dire une politique qui stabilise la demande globale, à la hausse ou à la baisse, autour d’un niveau correspondant à l’état des capacités de production (ce que les économistes appellent le PIB potentiel) ».

Pour être complet, J.G. présente aussi « un défaut structurel du capitalisme qui se trouve à la source de ses crises récurrentes. Sur cette question, Keynes, qui n’a rien d’un révolutionnaire et n’a aucune intention d’abolir le capitalisme, n’est pourtant pas très éloigné de Marx [sauf que Marx était avant tout un révolutionnaire !]. Le principal défaut structurel du capitalisme, souligné par Keynes comme par Marx avant lui, est la propension à déformer la répartition des revenus au profit du capital et au détriment du travail. Autrement dit, la modération salariale n’est pas seulement une source d’aggravation des crises, elle peut aussi les provoquer…. Le capitalisme livré à lui-même, tend à développer l’inégalité des salaires et des patrimoines ». Que cela est joliment dit avec des mots bien choisis pour exprimer la recherche du profit maximum par les capitalistes !!! « déformer la répartition des revenus, modération salariale » ! Les salariés actuellement en lutte contre les mesures décidées par Macron et son équipe ne doivent pas déformer et montrer de la modération…..

J.G. complète les conceptions de Keynes : « l’approche keynésienne, si elle met l’accent sur la nécessité de maintenir la demande à un niveau suffisant pour assurer le plein emploi, ne se limite pas pour autant à préconiser la relance de la demande par les dépenses publiques en temps de crise. Elle est porteuse d’une critique plus structurelle du capitalisme. Elle suggère de prévenir les crises en assurant une répartition plus juste du revenu national, et en régulant la finance pour la mettre au service de l’économie productive ».

Avec sa boite à outils, Généreux discute ensuite différentes questions que pose l’économie capitaliste : budget, dette, déficit, monnaie, inflation, taux d’intérêt.

Nous avons retenu les développements concernant l’inflation : « l’inflation peut être déclenchée par une pression de la demande non anticipée et excessive par rapport aux capacités de production. Elle apparait aussi à la suite d’un choc sur les coûts de production…L’intensité de ces deux sources d’inflation (par la demande ou par les coûts) dépend aussi de caractéristiques structurelles de l’économie : degré de concurrence entre les entreprises, ouverture à la compétition internationale, capacité des partenaires sociaux à s’entendre sur le partage de la valeur ajoutée – au lieu de se lancer dans la spirale des hausses de salaires fictives compensées par des hausses de prix… ». C’est moi qui ai mis en gras ces deux dernières lignes ! Et deux pages plus loin, J.G. précise ce qu’il entend par partage de la valeur ajoutée : « Imaginons qu’un consensus soit possible… Syndicats et patrons sont d’accord sur un certain partage de la valeur ajoutée, disons par exemple 70% pour le travail et 30% pour le capital… ». Et J.G. insiste un peu plus loin : « si la politique est ainsi en mesure d’ouvrir une perspective qui atténue le fardeau à supporter chaque année par les entreprises et leurs salariés, elle créé des conditions favorables à la conclusion d’accords modérant la hausse des salaires et des prix en contrepartie du maintien du plein emploi ».

Et dans un grand souci de bien régler les contradictions antagoniques entre les capitalistes et les salariés, qui pour J.G. sont seulement des intérêts opposés entre partenaires sociaux, il attribue généreusement 70% pour le travail et 30% pour le capital. Mais, et là est le problème, le capital veut toujours plus ! Belle définition de ce qui s’appelle un appel à la collaboration de classes !

Bel exemple de contradiction dans la pensée de Généreux. J.G. a manifestement oublié qu’au début de l’ouvrage au chapitre 3, il déclare que « … en effet, le capital ne crée pas de valeur » et cela en conclusion de développements présentant la pensée de Marx : « En partant de la position classique selon laquelle le revenu vient en totalité de la valeur créée par le travail, Marx peut expliquer que le profit est un prélèvement des capitalistes (propriétaires des moyens de production) sur une valeur à laquelle ils ne contribuent pas. Le profit n’a pas de justification économique ; il existe en raison d’un mode de production historique particulier qui donne tout pouvoir de diriger la production et d’en posséder les fruits à une classe qui ne produit pas elle-même ».

Marx est très clair sur cette question : il n’y a aucune raison que le capital prélève une partie de la valeur ajoutée car il ne produit pas de la valeur et c’est pour cela que l’objectif est d’abattre le capital. Les producteurs n’ont pas besoin des capitalistes !

Progressons encore un peu. Généreux aborde les questions des marges de manœuvre des Etats face à la finance internationale en traitant de la balance des paiements, taux de change et spéculation, pour déboucher sur des problèmes plus récents, ceux concernant « de la fin du SMI à la crise de l’euro ». Evidemment, il rappelle les propositions de Keynes en 1944 sur une vraie monnaie internationale. Il s’agit là d’une proposition totalement utopique irréalisable dans le monde tel qu’il est ! Mais un intellectuel veut le voir tel qu’il le souhaite…. Généreux prolonge son propos par une critique de l’Euro que la France devrait quitter sans le quitter, et débouche sur une affirmation qui laisse rêveur : « si les Européens avaient engagé cette renégociation dès 2008 [il s’agit du traité de Lisbonne], pour réagir à la crise financière déclenchée aux Etats-Unis, il n’y aurait eu ni crise de la zone euro, ni récession, ni explosion du chômage ». Et donc, il faudrait conclure que la crise de 2008 n’est pas du tout le reflet de la crise du système capitaliste !

Généreux termine en expliquant comment la science économique a progressé, en laissant évidemment de côté l’approche marxiste alors qu’il avait dit que tous ces courants [de pensée venant après Marx] trouvent leurs racines dans le matérialisme historique de Marx…car le matérialisme de Marx introduit une manière de faire de l’économie qui devrait constituer au moins une part de la boite à outils de tout économiste… », montrant ainsi que sa pensée et ses conceptions s’inscrivent dans le cadre des théories économiques en faveur du capitalisme et en proposant des démarches pour corriger les excès du capitalisme : « C’est d’ailleurs principalement ainsi que la science économique a progressé tout au long du XXème siècle : elle est partie d’une économie de marché idéale, spontanément efficace et équilibrée, celle qu’ont décrite les premiers néoclassiques ; puis elle  a de mieux en mieux compris le fonctionnement réel de l’économie en démolissant pierre par pierre l’utopie d’un marché parfait. Alors, bien sûr, ces progrès ont apporté de plus en plus de fondements à la nécessaire régulation politique de l’économie ; mais ils nous ont aussi prémunis contre l’utopie de l’Etat parfait ».

A chaque fois que cela est possible, il donne un coup de patte à la possibilité d’un état socialiste, car c’est cela qui est caché sous l’expression « état parfait » sans lui donner un contenu de classe. Il récuse toute idée de planification socialiste.

Ainsi donc les propositions de Jacques Généreux qui ont inspiré et conduit à la mise au point du programme économique du candidat Jean-Luc Mélenchon à la dernière présidentielle et à la France Insoumise peuvent se résumer ainsi :

·        La France reste dans le système capitaliste avec propriété privée des grands moyens de production et d’échange (avec quelques secteurs dépendant de l’Etat ou de la propriété collective ou mixte),

·        Le marché permet d’arbitrer et de régler les rapports entre l’offre et la demande ainsi que les prix, l’Etat intervenant juste le nécessaire pour permettre au marché de ne pas être faussé,

·        Le salariat continue d’être la forme de rémunération pour la vente de la force de travail ; une politique harmonieuse permettant le plein emploi se fondra sur une répartition de la plus-value selon la clef 70% pour le travail et 30% pour le capital,

·        Les rapports de production ne sont pas modifiés, puisqu’il n’en est pas question tout au long du livre, même s’il est fait état que les salariés doivent participer aux décisions et que les capitalistes doivent réaliser qu’ils ne doivent pas être gourmand car nous tous nous vivons dans la même société.

Comment caractériser les conceptions économiques de Généreux ? C’est un keynésien, point ! Un grand nombre d’économistes se présentant critiques de la pensée dominante, se disant aussi « hétérodoxe » sont keynésiens, post-keynésiens, néo-keynésiens… Tout cela revient au même. La plupart des économistes atterrés sont sur les mêmes positions. Ils raisonnent et ils restent dans le cadre du système capitaliste et ils dépensent une grande énergie, en pure perte, pour essayer de le sauver, de le guérir de ses tares mais en gardant l’essentiel !

Une critique des théories de Keynes est indispensable car elle imprègne les analyses des partis qui se disent de gauche, du PS et de ses variantes à la France Insoumise en passant par le PCF. La lutte défensive des salariés pour vendre leur force de travail à un meilleur prix est nécessaire, mais elle est placée dans le cadre d’une politique de la demande, de la relance, qui permettrait ainsi de prévenir les crises du capitalisme. Il n’est pas question de changement de société !

Pour voir encore plus clair sur les positions politiques de J.G. qui sous-tendent ses conceptions économiques, il est possible de lire le dernier livre de J.G. sorti en mars 2017 aux éditions Les Liens qui Libèrent, « Les bonne raisons de voter Mélenchon ».

Comment caractériser la situation actuelle ? « Heureusement les trahisons de la vieille gauche ont aussi suscité l’émergence de nouveaux mouvements politiques reprenant le flambeau du progressisme internationaliste (Parti de Gauche, Front de Gauche, La France Insoumise ...)… une nouvelle gauche qui fait appel à la raison et propose une transition paisible vers une nouvelle économie, une démocratie plus réelle, une autre coopération européenne et internationale. Qui l’emportera ? La bêtise ou la raison ? » Ainsi donc, l’orientation politique d’un programme n’est pas déterminée par le contenu de classe du programme, c’est-à-dire pour qui ce programme est élaboré et contre qui, mais c’est de savoir si ceux qui l’ont élaboré sont bêtes ou intelligents !!! Erreur classique chez les intellectuels petits-bourgeois qui, eux, sont intelligents.

Et cette orientation est réaffirmée, face à la voie proposée par les derniers gouvernements, J.G. propose : « …ou bien voulons-nous reprendre le chemin d’un progrès partagé et repensé pour préserver une planète vivable pour nos enfants et petits-enfants ?...Ou bien préférons-nous  éradiquer tout de suite la finance toxique et restaurer une finance stable au service de l’intérêt général ?   Ou bien souhaitons-nous refonder une démocratie stable dans laquelle nous tous, citoyens, retrouverions la capacité de déterminer les politiques suivies et de contrôler nos élus ? ». J’ai mis en gras les mots reprendre, restaurer, refonder car ces termes indiquent clairement qu’il s’agit de revenir à l’âge d’or d’avant une trentaine d’années ! Age d’or pour qui ? Pour la classe ouvrière ? Pour le peuple ? Ou pour une partie de la petite-bourgeoise intellectuelle à laquelle la bourgeoise avait concédé quelques miettes pour l’embrigader derrière elle et éviter qu’elle ne se rapproche du peuple ? J.G. précise sa pensée : « Dans les années 1980-1990, la nature de notre système économique et la logique qui inspire la politique économique ont connu une bifurcation majeure, en rupture avec les compromis sociaux et politiques de l’après-guerre ». J.G. n’est pas le seul économiste et idéologue à présenter les modifications et évolutions du capitalisme dans les années 80-90 comme une bifurcation (cf. Gérard Dumesnil). Et il poursuit : «Depuis trente ans la politique marche à l’envers… nous proposons de remettre l’action politique à l’endroit».

Sur le plan économique, voici une perle : «  Peu importe qu’une proposition politique vienne de la droite, de la gauche, des patrons ou des syndicats : une politique est bonne si elle contribue au progrès conjoint de la justice et de la qualité de nos écosystèmes ». Cela fait penser à la fameuse phrase de Deng Xiaoping à la base de la restauration du capitalisme en Chine: « peu importe qu’un chat soit noir ou blanc, l’essentiel c’est qu’il attrape les souris ».

Comment J.G analyse-t-il le PS ? « Mais depuis trente ans, la gauche sociale-démocrate, désorientée par la nouvelle difficulté à poursuivre l’idéal socialiste dans une économie mondialisée, s’est convertie (ou résignée) … tout en s’imaginant sincèrement qu’elle restait attachée à son idéal de justice sociale. » Et ces erreurs se retrouvent en ce qui concerne l’Europe : « Deux visions de la construction européenne s’opposent depuis les origines….Bien évidemment, la gauche qui portait ce projet était consciente des défauts et des dangers inhérents au traité de Maastricht… Alors, des socialistes français (dont je fus, avec, entre autres Jean-Luc Mélenchon) ont fait le pari que l’on pouvait saisir tout de suite les avantages de l’euro…. Las, nous avions tort et à quel point !... reconnaitre ses erreurs, c’est bien. Ne pas les répéter, c’est encore mieux». Très bien, tout cela… Mais comment ne pas répéter les mêmes erreurs si l’on ne cherche pas le pourquoi de ces erreurs, les racines idéologiques de ces erreurs ? Face à une nouvelle situation, ces racines détermineront encore et toujours les mêmes erreurs. Le fond du problème avec J.G. c’est qu’il n’a pas tiré les leçons des erreurs qu’il reconnait car il en est incapable. Il est incapable de savoir ce qu’est une autocritique. Et donc, J.G. peut affirmer : «Nous n’aspirons qu’à reprendre la marche vers une véritable union conçue dans l’intérêt des peuples ». J.G. n’a pas réexaminé l’histoire de la construction européenne alors que tous les documents et archives sont disponibles. Dès le départ, la construction européenne est une opération lancée par les bourgeoisies européennes (avec le soutien décisif de l’impérialisme US, même si, avec le temps, des contradictions se sont développées) contre les peuples. Et cette essence réactionnaire de la construction européenne n’a fait que se consolider avec le temps. La seule conclusion à tirer est qu’il faut rejeter cette UE. La lutte des peuples européens déterminera le fond et la forme d’une alliance possible entre certains peuples.

Jacques Généreux, compte-tenu de sa situation de classe et de sa position de classe, a une conception de la lutte des classes typiquement social-démocrate réformiste. Si les choses pouvaient se passer aussi bien, aussi facilement, aussi pacifiquement, ce serait tellement mieux ! Mais la bourgeoise ne l’entend pas ainsi, et cela plus de deux siècles d’histoire nous l’ont montré.

A la classe ouvrière de se constituer en classe pour soi, d’unir autour d’elle les salariés et le peuple, de tirer les leçons de l’histoire, et de mener la lutte des classes pour se libérer et libérer le peuple.

Paris 14/02/2018

Biographie de jacques Généreux :

Au PS en 1980 ; il a 24 ans et un doctorat de 3ème cycle d’économie à Sciences-Po Paris, après des études à Sciences-Po Paris. Militant actif à l’aile gauche du PS à partir du milieu des années 90, vote Non au référendum sur l’Europe de 2005. Avec Emmanuelli et Mélanchon. Dès 2008, co-fonde le Parti de Gauche, secrétaire à l’économie jusqu’en 2013 ; remplacé par Guillaume Etiévant (expert auprès des CE dans la société JDS) car il préfère la réflexion et la rédaction de livres. Il a dirigé l’élaboration du programme économique de la France Insoumise avec Charlotte Girard.

 

 

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