Le Parlement européen a adopté, vendredi 23 octobre, la prochaine politique agricole commune (PAC) de l’Union européenne (UE), avec notamment des obligations environnementales accrues pour les agriculteurs, provoquant la colère d’organisations non gouvernementales (ONG) écologiques et d’eurodéputés (qui jugent ces propositions insuffisantes compte tenu des enjeux climatiques.

Les trois rapports constituant la future PAC qui entrera en vigueur au 01/01/2023 ont été adoptés à une large majorité. Les ministres des 27 Etats membres s’étaient, eux, mis d’accord sur leur feuille de route.
Désormais, sur la base de leurs propositions respectives, eurodéputés, Etats et Commission européenne devront négocier et trancher d’ici au début de 2021 sur les règles qui s’appliqueront à partir de 2023.
Les enjeux affichés de cette nouvelle de la politique agricole commune étaient au nombre de quatre :
   - Assurer la souveraineté alimentaire de l’UE
   - Permettre aux agriculteurs de vivre décemment de leur métier
   - Participer à la lutte contre le réchauffement climatique et le recul de la biodiversité
   - Offrir aux consommateurs des aliments de qualité
L’accord du 23 salué bruyamment par la presse aux ordres est l’exemple même de l’enfumage macronien.
Certes, les textes adoptés par le Parlement européen doivent conditionner les aides européennes apportées aux agriculteurs au respect de pratiques environnementales renforcées (les écorégimes).
Les agriculteurs dont la survie dépend intégralement du versement des subventions, soit environ 25% d’entre eux, avaient été, très partiellement, rassurés dès Juillet par la quasi -reconduction du montant global (386 milliards dont 62,4 milliards pour la France) du budget de la PAC.
Si l’on en croit les eurodéputés des trois groupes signataires de l’accord (conservateurs, sociaux-démocrates et libéraux), l’objectif central affiché de cette « nouvelle » PAC, le « verdissement » de l’agriculture européenne est en marche. La FNSEA s’en félicite pendant que 3600 scientifiques originaires de 63 pays affirment que cette PAC est la cause centrale de l’effondrement de la biodiversité et de l’urgence climatique au sein de l’UE. Ils dénoncent aussi une distribution injuste entre agriculteurs. L’eurodéputé Pascal Canfin (LREM groupe des Libéraux ou RENEW) n’hésite pas à déclarer que cette PAC « sera un levier pour réaliser l’ambition du Green Deal* adopté par Bruxelles au printemps dernier et permettra d’accompagner la transition verte ». Peut-on imaginer que l’’intense lobbying du COPA- COGECA* auprès des parlementaires ait à ce point échoué à contre carrer l’offensive écologiste affichée ?
Non, les mesurettes concédées se résument aux écorégimes dont seul le nom porte un effet magique. Il s’agit simplement d’un système de primes versées aux agriculteurs pour soutenir la participation à des programmes environnementaux plus exigeants, qui deviendraient obligatoires : chaque État devra y consacrer au moins 20 % des paiements directs de l’UE. L’obligation de 30% avait été avancée …L’objectif serait que les exploitations agricoles reçoivent des fonds supplémentaires si elles vont au-delà des normes de base en matière de climat et d’environnement.
A côté de cela, aucune obligation de soutien à l’agriculture biologique, baisse des budgets finançant les pratiques agroécologiques, poursuite du soutien à l’agriculture industrielle etc.
Les droits à paiement uniques sont maintenus : les subventions continueront à être calculées au nombre d’hectares, quelle que soit la production voire sans production du tout. Rien de changé pour les 3% de grandes exploitations qui contrôlent 50 % des terres, en particulier à l’est de l’Europe. Pour « protéger» les plus petites exploitations, les paiements directs annuels seront ( ?) réduits à 60 000 € et plafonnés à 100 000 €…
L’injuste distribution persiste : 20 % des bénéficiaires de la PAC reçoivent 80 % des fonds, parmi ceux-ci des holdings, de puissantes coopératives de l’agroalimentaire, et bien sûr de très gros propriétaires terriens. Injuste, cette distribution est totalement inefficace pour répondre aux quatre objectifs claironnés. Bien que les aides de la PAC ne soient pas le seul facteur d’attractivité des terres européennes pour les investisseurs étrangers, il est difficile de nier qu’elles contribuent à renforcer la pression foncière et le phénomène d’accaparement des terres au détriment des exploitations familiales. La disparition des exploitations (14% de moins d’agriculteurs en 10 ans) et la financiarisation de la terre vont encore s’accélérer pour le plus grand profit des détenteurs de capital.
Et pendant ce temps-là, le revenu des paysans continue de s’effondrer (baisse 8,6% en France en 2019), 800 millions d’humains sont sous-alimentés, 1 français sur 5 ne mange pas à sa faim, chaque jour un agriculteur met fin à ses jours et c’est le groupe Lactalis qui caracole en tête des versements de la PAC.
Le capitalisme fait les mêmes ravages dans l’agriculture que dans tous les autres secteurs, il faut le détruire, c’est une urgence pour les hommes mais aussi pour la planète !

*Green deal : Pacte vert européen dont les principaux objectifs sont la diminution de ½ des pesticides à l’horizon 2030 et l’attribution d’1/4 des terres cultivables au bio. Il est proposé par la Commission de l’UE sans le moindre moyen coercitif. 1000 milliards devraient y être affectés.
* COPA-COGEPA : Fusionnés en 1962 ces deux groupes (fédération de syndicats agricoles nationaux et union des coopératives agricoles) constituent un réseau complexe, incluant des producteurs de pesticides exercent leur influence et s’immiscent dans tous les rouages de l’Union européenne, groupes de dialogue et institutions. On y retrouve Christiane Lambert, secrétaire nationale de la FNSEA !

Imprimer cet article