N°798 07/12/2022 La question des bassines agite le monde agricole et bien au-delà depuis l’été dernier. Les bassines ?

Il s’agit de retenues de substitution, alimentées par le pompage de l’eau des nappes phréatiques et les rivières en hiver puis mise à disposition en été pour l’irrigation des cultures céréalières, surtout le maïs introduit dans ces régions de l’ouest au début des années 80. Financées à 70 % par l’argent public, les bassines posent la question de l’accaparement de ce bien commun qu’est l’eau au profit de quelques gros exploitants. Leurs opposants ne sont pas seulement les écologistes mais d’abord les autres agriculteurs, les populations du monde rural touchées aussi par les sècheresses estivales. Après les bassines vandalisées en août en Vendée, des affrontements violents ont eu lieu dans les Deux Sèvres, autour du chantier de Sainte Soline fin octobre. Darmanin y avait dépêché d’impressionnantes forces de police pour montrer sa « fermeté » sur cette question : les projets de 1000 bassines nouvelles seront réalisés quoi qu’il arrive. Les tensions se poursuivent donc et ne peuvent disparaître : ces bassines ne sont que la partie émergée de l’iceberg d’un modèle agricole industrialisé dominé par les multinationales de l’agroalimentaire, dont le seul objectif est d’accroître ses profits non de nourrir tous les hommes tout en protégeant la planète.
La France est historiquement un grand pays d'agriculture. En 2021, elle a exporté près de 70 milliards d'euros en matière agricole et agroalimentaire, soit 1,8 fois plus qu'en 2000. Avec une production agricole estimée à 81,6 milliards d'euros en 2021, la France demeure le principal producteur européen avec près de 17% de la production totale du continent loin devant l'Allemagne et l'Italie.
Pourtant, l’agriculture française poursuit sa lente érosion. Ces chiffres masquent l’augmentation des produits importés dans de nombreux secteurs. La France importe près de 63 milliards d'euros de denrées alimentaires, soit 2,2 fois plus qu'en 2000. La plupart des secteurs sont touchés :
- un poulet sur deux consommés en France est importé,
- 56% de la viande ovine consommée en France est d'origine importée,
- 28% de la consommation de légumes et 71% de la consommation de fruits sont importés.
On n’a jamais tant parlé ni si fort de la nécessaire indépendance alimentaire depuis le Covid et la guerre en Ukraine. Les conditions de la production se sont radicalement transformées ces dernières années. La France dispose encore de l'une des plus vastes SAU, Surface agricole utile, en Europe mais on y constate la diminution drastique du nombre d'exploitations. La France en compte 390 000, soit environ 100 000 de moins qu’en 2010. En 1955, elles étaient 2,28 millions. A contrario, la surface moyenne de chacune d'entre elles a fortement augmenté : elle s'élève à 69 hectares, contre 15 en 1960. Là aussi, le phénomène de concentration autour d'exploitations de taille importante est lourd de conséquences, à commencer par la baisse des emplois agricoles. Entre 2010 et 2020, nous avons perdu 80 000 équivalents temps plein. En effet, plus la taille des exploitations est importante, moins elles génèrent d'emplois. En revanche, le capital immobilisé, lui, a beaucoup augmenté : il est passé de de 173 000 euros à 275 000 euros entre 2010 et 2020. Conséquence : ces grosses fermes, devenues plus capitalistiques, sont plus difficiles à transmettre. Les prix de la terre ont bondi de presque 40% en dix ans, les jeunes agriculteurs s’endettent à vie pour acheter leurs parcelles. On compte actuellement 20 000 départs à la retraite d'agriculteurs pour 15 000 installations. La transmission familiale se fait de moins en moins. Les deux-tiers des terres mises en vente s'en vont agrandir des exploitations existantes. Un tiers seulement bénéficie à de nouveaux exploitants. D’autres deviennent simplement des actifs financiers pour les milliardaires ou les fonds d’investissement. Cette évolution des structures d’exploitations ne doit rien au hasard d’une « évolution naturelle », elle correspond en tout point au projet des « reconstructeurs » de la France de concert avec les géniteurs de du traité de Rome. Dirigeants politiques de tout bord, dirigeants de la FNSEA, toujours en collusion avec le pouvoir et les grands groupes du secteur, Crédit agricole, tous au nom de la « modernisation » de l’agriculture l’ont mise en coupes réglées par le capital.
Accaparement de l’eau après l’accaparement des terres même schéma !
Ce sont aussi les grands groupes qui font régner l’ordre capitaliste pour acheter les produits issus de l’agriculture : entreprises de l’agroalimentaire et de la grande distribution qui écrasent les prix pour s’octroyer des profits maximums lors de la transformation ou lors de la revente. A aucun moment l’agriculteur n’est maître du prix de vente du produit de son travail. On retrouve ce même type de multinationales en amont de l’agriculture : matériel agricole, semences, engrais et autres intrants. Et partout, les banques ! le Crédit agricole et son immense réseau vampire mais bien d’autres aussi françaises et étrangères auxquelles l’écrasante majorité des agriculteurs sont pieds et poings liés. Pas surprenant que chaque jour, deux agriculteurs n’aient d’autre choix que de se suicider.
Ce système affame les peuples, brise les travailleurs de la terre, détruit la planète. Nous connaissons l’affameur : le capitalisme. Il faut le jeter bas. La terre peut nourrir jusqu’ à douze milliards d’habitants mais à une seule condition : que la terre et tout l’outil de travail reviennent aux travailleurs et soient gérés par les représentants du peuple. C’est notre objectif, nous l’atteindrons par une lutte unie paysans, salariés et consommateurs pour une société au service de l’homme.

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