764-14/04/2022 Une politique de répression mise en place depuis des mois continue en Guadeloupe et Martinique.

Le 30 décembre dernier Elie Domota, porte-parole du mouvement LKP (Liyannaj Kont Pwofitasyon) et figure de l’Union Générale des Travailleurs de Guadeloupe était victime de la répression policière. Le leader syndical avait alors été violemment agressé par la police et ses camarades, gazé puis interpellé et placé en garde à vue pendant plusieurs heures. Le procès qui vient de se tenir contre Elie Domota fait partie d’un plan plus généralisé de répression contre l’UGTG, le LKP et l’ensemble du mouvement social et de la jeunesse guadeloupéenne. L’Etat français a la volonté de réprimer durement la révolte de novembre dernier et cherche à intimider le mouvement social. Beaucoup de prévenus ont eu, pour des infractions d’entrave à la circulation, des peines allant de la prison avec sursis à la prison ferme. Une répression qui touche aussi des figures du mouvement de l’UGTG comme le syndicaliste Gaby Clavier, qui avait dénoncé la gestion catastrophique de la crise sanitaire au CHU de la Guadeloupe, mais aussi des avocats. Me. Patrice Tacita, l’un des principaux avocats du mouvement LKP est visé par un procès qui aura lieu en Martinique en juin prochain. La persécution contre les acteurs du mouvement social touche aussi durement la jeunesse avec des méthodes particulièrement coloniales. Le préfet de la Guadeloupe accusant les manifestant de « révolte coordonnée et organisée » lui permettant d’agiter la menace des « gangs » pour justifier sa politique de couvre feu, de répression et de transférer les détenus en métropole pour qu’ils soient jugés. (Hebdo 744 du 23/11/2021 Grève générale).
Cette politique de répression violente est une démonstration de l’impasse que représente la politique de dialogue social avec le gouvernement. La répression politique et juridique que mène aujourd’hui l’Etat français est une attaque contre le mouvement social guadeloupéen, martiniquais et à l’ensemble du mouvement ouvrier. Notre parti demande la libération de tous les détenus politiques de la révolte de novembre ainsi que leur amnistie.

Le scandale du chlordécone : en Guadeloupe et en Martinique, l’autre raison de la colère
Les investigations sur l’utilisation de ce pesticide utilisé entre 1973 et 1993 en Martinique et en Guadeloupe sont terminées depuis le 25 mars. Un non-lieu devrait être prononcé par le tribunal judiciaire de Paris. « Un déni de justice » pour les parties civiles, qui n’entendent pas renoncer. Le chlordécone est un pesticide qui a été utilisé en Guadeloupe et en Martinique à partir de 1972. Jusqu’en 1993, les bananeraies de Guadeloupe et de Martinique en ont été aspergées massivement pour lutter contre le charançon de la banane, un insecte qui détruisait les cultures et menaçait de ralentir une production estimée à 270.000 tonnes de bananes par an, dont 70 % sont envoyées en métropole.
L’empoisonnement au chlordécone est scientifiquement avéré : on retrouve le pesticide dans le sang de 90 % des populations antillaises, plus de la moitié des terres agricoles sont polluées de façon persistante. La molécule est très rémanente dans l’environnement : elle ne disparaîtrait qu’au bout de sept siècles. « Nous avons les preuves d’un crime, les documents de la douane, les dérogations de l’État, nous connaissons les noms des coupables, mais la justice ne veut rien entendre » ajoute Raphaël Constant. Le lien entre une exposition prolongée au chlordécone et le cancer de la prostate a été officiellement reconnu. La Martinique détient le record du monde de cancers de la prostate, avec 227 nouveaux cas pour 100.000 hommes chaque année. « Nous priver d’un procès aujourd’hui, c’est refuser cette vérité, refuser notre souffrance », accuse Philippe Pierre-Charles porte-parole du collectif « Lyannaj pou dépolyé Matinik »
Le combat continu contre ce « scandale d’État », seize ans de procédures.
Si les cancers liés à l’exposition au chlordécone ont été reconnus comme maladie professionnelle en décembre 2021, ouvrant la voie à l’indemnisation d’exploitants et ouvriers agricoles, aucune mise en examen n’a été prononcée. Le chlordécone est un perturbateur endocrinien reconnu comme neurotoxique, dangereux pour le système nerveux. Dès 1979, l’organisation de la santé (OMS) avertissait de la dangerosité de ce produit. Faisant fi de ces alertes, la France ne l’a interdit qu’en 1990. Aux Antilles, il a même été autorisé jusqu’en 1993, par deux dérogations signées, sous François Mitterrand. Le chlordécone augmente aussi le risque de prématurité, une réduction de la fertilité, une multiplication exponentielle des cancers du sein et des ovaires. Depuis dix-huit ans, les citoyens se mobilisent pour réclamer vérité, justice et réparation. Leur colère est dirigée contre les responsables du scandale, désormais clairement identifiés. Cet empoisonnement est "consécutif au système de profit mis en place par de grands planteurs issus des familles esclavagistes (les békés), qui bâtirent leur fortune à l’ombre du Code noir de Colbert", écrivaient des acteurs et collectifs de la société civile dans Mediapart. Un empoisonnement criminel qui aura duré des décennies avec la complicité de l’État français accordant des dérogations pour un pesticide interdit en France. » En 2019, une commission d’enquête parlementaire a conclu que l’État français était « le premier responsable » de la pollution au chlordécone.
Le Groupe Bernard Hayot (GBH) est reconnu et identifié comme l’un des principaux responsables de l’empoisonnement. Les gouvernements successifs, les autorités de santé aux Antilles ont autorisé, pendant des décennies, les patrons de la banane à utiliser le Chlordénone.
La population réclame justice depuis des années pour ce scandale. La réponse de l’État est cinglante, intervention des forces de l’ordre, interpellation, garde à vue pour intimider celles et ceux qui protestent, osent lutter pour obtenir réparation et pour faire taire leurs revendications. « Les empoisonneurs n’ont même pas été inquiétés, pas une mise en examen, pas une audition, alors que leurs victimes sont traduites et lourdement condamnées devant les tribunaux », déplore Naéma Rainette-Dubo porte-parole du collectif "Zéro Chlordécone, zéro poison". « C’est le monde à l’envers ».
La violence coloniale sévit toujours, d’un côté un peuple qui depuis trois siècles connaît la violence du capitalisme sous tous ses versants : esclavage, exploitation, mépris arrogant des békés (colons) et de la métropole, de l’autre côté la révolte des sans droit qui chaque jour luttent pour leur survie.
Notre parti renouvelle son soutien aux luttes de masse des guadeloupéens et martiniquais pour les droits sociaux, la santé, la liberté et la justice.

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