N° 813 22/03/2023 Cette semaine avaient lieu les épreuves avancées du baccalauréat, les épreuves de spécialités. Ces spécialités, les élèves les choisissent en fin de seconde, en suivent trois en première puis en abandonnent une et n’en gardent que deux en terminale.

Ce sont ces deux épreuves qui ont été passées de lundi à mercredi. Il y a notamment les humanités (lettres plus philosophie), sciences (physique, chimie et biologie), histoire-géographie, sciences économiques et sociales, etc. Les maths n’étaient au début qu’une spécialité, ce qui signifie que l’on pouvait très bien ne pas avoir un seul cours de maths en première et terminale, mais, à la suite de protestations, elles ont été remises dans le tronc commun.

Ces épreuves se sont déroulées dans une situation particulière, en plein cœur de la grande bataille contre la casse des retraites organisée par Macron et le patronat. Alors, comme à l’habitude, les « journalistes » ont interrogé les dirigeants syndicaux pour savoir, si, à l’occasion, les grévistes ne pourraient pas perturber ces épreuves. Leurs réactions quasi unanimes sont pour le moins surprenantes, et ce, pour deux raisons.
Quand le secrétaire-général de la CFDT indique qu’il ne faut pas gêner le passage du Bac, que celui de la CGT souhaite que les choses se passent le mieux possible ou que celle du SNES-FSU indique que son organisation n’appelle pas à empêcher le déroulement des épreuves, au moment où le vient de se foutre de l'avis du parlement et des salariés, enseignants compris, avec leur 49-3, au moment où la répression policière bat son plein, au moment où les salariés grévistes dans la durée multiplient les actions diverses, dont des occupations, des empêchements de tourner en rond, il y a de quoi être pour le moins étonné. Voilà pour la première raison.
Mais surtout, lorsque vient la seconde question, du genre : "mais si tout de même il y avait des blocages", la réponse de la CGT, comme celle du SNES est de dire qu’il y a une énorme colère depuis Borne et le 49-3 et que donc, ben oui c’est possible. Cela signifie que les gens en lutte qui empêchent le déroulement du bac ne le font qu’en référence à la casse des retraites. Aucune des directions syndicales n’évoque le principe de ces épreuves et la position de leur organisation à ce sujet. C’est silence radio, personne ne semble rien avoir à redire contre ces épreuves, indépendamment du contexte de la destruction sociale prévue par Macron.

En soi, le bac Blanquer est une régression pour les élèves
Et c’est vraiment là que le bât blesse. Beaucoup de fédérations syndicales de l’éducation sont pourtant, à des degrés divers, opposées au bac tel que Blanquer l’a organisé ou plutôt désorganisé. L’intersyndicale éducation a même écrit dans un communiqué que passer ces épreuves en mars était une « aberration pédagogique ». Contrairement à ce qui est dit partout, passer ces épreuves en mars n’est pas dans l’intérêt des élèves.
Le Bac Blanquer c’est d’abord le choix de réduire les épreuves ponctuelles : les élèves de terminales n’en auront, outre ces deux-là, que deux autres en juin : la philosophie et le grand oral. La part belle est donc laissée au contrôle continu. Dans une société socialiste, cela serait certainement très profitable, les couperets des examens finaux étaient ainsi fortement combattus dans les systèmes notamment de la RDA et de la République Socialiste de Tchécoslovaquie. Mais dans le système capitaliste, le contrôle continu, surtout avec l’autonomie des établissements, chère à Blanquer et N’Diaye, c’est chacun fait sa soupe. Et, même si les épreuves terminales groupées n’empêchaient pas que le bac passé au lycée Henri IV n’avait pas la même valeur que celui passé dans une ville de banlieue ou dans une zone périurbaine dévastée par la désindustrialisation, l’écart aujourd’hui, avec ce principe du contrôle continu, est énorme.

L’ombre de Parcoursup
C’est la mise en œuvre du tri social accéléré. C’est le moment d’évoquer ce dispositif monstrueux sur lequel est adossé ce bac coupé en morceaux, ce bac à deux, trois, quatre ou cinq vitesses : Parcoursup, le fameux dispositif auquel tous les lycéens de terminale doivent participer pour espérer trouver une place à l’université. Cette architecture du bac, et le chacun fait sa soupe, conduisent évidemment à appauvrir les contenus, à diminuer la valeur de l’examen. Et c’est exactement pour cela que c’est organisé. Car il s’agit d’enterrer totalement le fait que le bac soit le premier grade universitaire. Parcoursup et son corollaire le bac Blanquer ont été mis en place pour écarter de l’enseignement supérieur et principalement des universités un nombre de plus en plus important de bacheliers. Et, comme ce n’est un secret pour personne que la sélection à l’École est sociale, ce sont les enfants des prolétaires, des couches populaires qui sont les premiers concernés. Le tri qu’effectue Parcoursup est fait en fonction des spécialités choisies, du parcours scolaire, du contrôle continu et des résultats à ces épreuves avancées et, bien évidemment, du lycée d’où l’on vient. Donc, le principe des spécialités et le bac à la carte jouent un rôle essentiel pour écarter de l’université. L’orientation précoce, le fait des demandes de choix à des gamins qui n’ont pas tous, loin de là, une idée précise de leur avenir, les cloisonnent, les enferment dans une filière, grâce notamment aux fameuses spécialités. Dès la première, en fonction du lycée que l’on fréquente et des spécialités que l’on a choisies (ou pas), il est possible de savoir quels parcours supérieurs seront impossible à atteindre.

Parcoursup n’est pas le premier dispositif mis en place pour trier l’accès à l’université. Depuis des décennies, les différents gouvernements se sont attachés à ce que l’obtention du bac ne donne plus le droit automatique à suivre une formation supérieure. Mais, avec Parcoursup, ce n’est plus : « Je ne peux pas aller dans l’université de mon choix » ou « Je n’obtiens pas la filière de mon choix », c’est « Je n’obtiens rien du tout de ce que j’ai demandé. ».
Évidemment, ce phénomène, s’il révolte les bacheliers, un certain nombre d’enseignants et de leurs syndicats, n’affole absolument pas les directions des universités, qui sont d’accord avec Macron pour faire payer plus, augmenter les droits d’inscription, pour « en finir avec la gratuité », comme disait Macron, afin d’écarter encore plus d’étudiants issus des couches populaires. Celles et ceux qui les dirigent acceptent que les universités se privatisent, soient de moins en moins financées par l’État et cherchent leurs financements ailleurs.
Et, dans ce cadre, les universités privées en profitent accueillant ceux des recalés qui décident de se saigner aux quatre veines pour, quand même, suivre des études supérieures.

Il est temps de combattre les « réformes » de Blanquer, Macron et N’Dyaye jusqu’au bout
Empêcher le déroulement de ces épreuves eût été glisser des grains de sable dans le dispositif. En effet, si elles se déroulent en mars, c’est à cause du calendrier de Parcoursup, sachant que les élèves ont fait leur choix de formations demandées de fin janvier à début mars pour leur première étape. Ensuite, dans une deuxième étape, les élèves finalisent leur dossier, mais après que les notes des examens avancés sont connues. Toute cette machine à trier, par le biais des choix précoces, des bacs à la carte doit cesser.

Pour le Parti Révolutionnaire Communistes, de la même manière que, dans le mouvement de grève durable que nous vivons, les questions de l’indexation des salaires sur l’inflation, des augmentations générales, de l’amélioration des conditions de travail sont liées à celle de la casse des retraites, de même celle de la formation et de l’émancipation des jeunes l’est aussi. Grâce à Blanquer, ses réformes, son bac, des milliers de jeunes enfants de travailleurs ou de chômeurs se voient privés de l’accès à l’université ou, en tout cas de la filière de leur choix.
Nous exigeons l’arrêt total de Parcoursup, l’arrêt des choix forcés ou décidés trop tôt qui ferment des portes, la possibilité pour tous les bacheliers d’obtenir la formation de leur choix à l’université, l’obligation pour les universités de les accueillir, et pour l’État de financer cet accueil. Dans ce cadre, nous sommes donc totalement opposés au Bac Blanquer.