N°784 31/08/2022 Il y a quelques jours, Macron s’est adressé solennellement aux recteurs d’académie, volant non sans désinvolture la vedette à son nouveau ministre.

D’une réunion habituelle, qui a lieu tous les ans sous les auspices du ministre, il a voulu faire un événement.

Sur la forme, il a été tel qu’en lui-même : arrogant et suffisant. Malgré un texte préparé, on sent beaucoup d’à peu près, il ignore qu’il existe des projets d’établissement alors que, pendant cinq ans, l’autonomie de ces mêmes établissements a été le fer de lance de la politique de son ex-ministre Blanquer, il utilise le terme d’école primaire à la place d’école élémentaire…
Le seul point où il brille c’est sur le flou concernant les moyens qu’il indique vouloir donner, que ce soit pour des projets, pour les enseignants, ou, dernière trouvaille, rémunérer les stages en entreprise des élèves de lycée professionnel.

Sur le fond, il n’y a rien de nouveau sous le soleil, le « nouveau président » ressasse le discours attendu de l’ancien et de ses prédécesseurs, un narratif menteur, notamment autour des moyens pour l’Ecole : un discours du genre « On a déjà beaucoup donné, mais il faut faire autre chose ». Quand un serviteur du Grand Capital utilise ce discours c’est toujours pour ne justement pas donner de moyens supplémentaires.

Toujours la même politique

Macron commence par révéler ce que tout le monde sait : le service public de l’éducation nationale ne va pas bien. A noter qu’il n’utilise jamais le concept de service public. Il indique que : « quelque chose ne marche pas dans notre organisation collective ».
Ce serait l’occasion de remettre en cause la politique menée depuis cinq ans et les précédentes. Mais pas du tout, ce qu’il annonce c’est que le gouvernement fera encore pire. C’est un peu comme le discours sur l’emploi et les retraites. Depuis plus de trente ans, les gouvernements successifs organisent le vol du salaire socialisé, ce qu’ils appellent les « exemptions de charge ». Au bout de trente ans, force est de constater que ça tue les retraites et n’a aucun effet positif sur l’emploi ; mais les dirigeants au service du Capital vantent et appliquent cette même recette, comme si elle était nouvelle. Il en est de même pour l’Ecole : au bout de plus de 20 ans de baisse des moyens (et de décrochage vers le bas des salaires), de pédagogie officielle imposée, de perte de démocratie dans l’école et de poids aggravé de la hiérarchie, le résultat est là. Il y a longtemps que l’Ecole reproduit les inégalités (depuis Jules Ferry), mais, depuis la fin des années 90, elle les aggrave et depuis Macron, c’est le record du monde. Quand-au formatage des élèves, il atteint des sommets.
C’est que le but de Macron n’est pas d’améliorer le niveau de vie des travailleurs ni les conditions d’étude des élèves, ni de construire les bases d’une Ecole émancipatrice, mais tout le contraire et de détruire les acquis du service public de l’éducation nationale, comme les autres acquis sociaux.

Outre du bla-bla sur les soi-disant transformations jamais explicitées et la ferme volonté d’orienter encore plus tôt les élèves, alors que la détermination des choix dès la seconde est une catastrophe, on peut détailler trois points sur lesquels Macron s’est exprimé : le lycée professionnel, la rémunération (et non le salaire) des enseignants et les projets.

Le lycée professionnel

Là encore, Macron fait le constat de l’état des lieux : « En 3e, un collégien sur trois s’oriente dans la voie professionnelle, mais c’est trop souvent sans l’avoir voulu. Les lycées professionnels comptent deux tiers des décrocheurs […] Deux ans après l’obtention de leur diplôme, seuls 41 % des titulaires d’un CAP ont un emploi, 53 % pour ceux qui ont un bac pro. », mais il ne le rapproche pas de la politique menée, en particulier de la réforme du lycée professionnel mise en place par Blanquer.
Nous sommes très clairement sur l’adaptation de la voie professionnelle sous statut public aux « besoins du marché du travail », traduire « besoins du patronat », et l’idée de « réarrimer très en profondeur et en amont le lycée professionnel avec le monde du travail ».
Donc, dans ce but, Macron veut notamment développer les temps de stage « d’au moins 50 % » et même de les rémunérer. Quand on voit l’échec total de l’apprentissage en pré-bac, les patrons ne prennent pratiquement pas d’apprentis, on se demande qui voudra bien payer des stagiaires élèves, alors que les stages sont souvent peu formateurs (balayer l’atelier ou faire le café), à moins qu’encore une fois, on exempte les patrons et l’Etat paie ?

Il faut surtout savoir que la réforme de Blanquer s’est traduite par une réduction des horaires des matières générales et une conception utilitariste de ces matières, avec des contenus différents pour la même matière selon que l’on est dans une filière plomberie, vente, électrotechnique ou administrative. Que l’Ecole, et le lycée professionnel notamment, se préoccupent de l’avenir professionnel des élèves est un chose juste. Mais, pour le Parti Révolutionnaire Communistes, il n’est pas question de l’adapter aux desiderata des patrons, ni d’oublier que le but principal est l’émancipation et la formation la plus diverse possible des individus. Ce qu’a fait Blanquer et que veut poursuivre Macron accroit et accroîtra encore la division du travail, les ouvriers et les cadres, les manuels et les non manuels, etc. C’est la mort programmée de ce concept original issu du plan Langevin-Wallon à la Libération de l’enseignement professionnel sous statut public. Nous reviendrons dans un prochain hebdo sur la question de la formation professionnelle initiale.

La rémunération et la formation des enseignants

Macron affirme qu’une revalorisation générale de la rémunération a commencé il y a 2 ans, et indique « qu’elle sera poursuivie, en faisant qu’aucun professeur ne débute sa carrière à moins de 2.000 euros nets » par mois, ce qui « permettra environ 10 % d’augmentation de la rémunération par rapport au statu quo ». C’est évidemment un mensonge. La soi-disant revalorisation ne consiste qu’en des primes que tous les enseignants n’ont pas touchées. La seule mesure allant dans le sens d’une moindre baisse (et non d’une hausse) est la hausse de 3,5 % du point d’indice.
On peut craindre que, si hausse des salaires il y a, ; ce qui n’est pas certain, étant donné le flou entretenu, elle ne concerne que les enseignants en début de carrière. Et les autres ? Donc là encore, nous pouvons le dire, la politique de Macron ne vise pas à une augmentation globale des salaires des enseignants.

Au contraire, parce qu’il y a un second volet dont nous avons déjà l’habitude. A cette soi-disant revalorisation des salaires, s’ajoutera un « pacte pour les enseignants » qui leur permettra, sur une base volontaire, de « s’engager (...) dans des missions supplémentaires », telles que le suivi individualisé, des tâches d’encadrement ou « des actions qui ont du sens », et qui seront « rémunérées », a précisé le chef de l’Etat. C’est totalement la logique défendue depuis cinq ans par Blanquer et Macron, qui tient en deux idées : 1 – on vous « augmente », et, en échange, vous vous livrez à d’autres tâches – 2 – on met en place une rémunération individualisée, au mérite ; le mérite se mesurant au degré d’acceptation et de soutien à la politique gouvernementale.
Seule annonce qui pourrait être intéressante, Macron se rend enfin compte que l’on pourrait recruter des enseignants sans qu’ils aient besoin d’obtenir un master (bac plus 5) et qu’on pourrait aussi les former : « La confiance que nous devons à nos enseignants passe par la formation initiale […] Il est clair que nous devons repenser la formation de nos enseignants. On a demandé des diplômes universitaires excessifs. Il faut assumer que des gens s’engagent dans ce métier dès le baccalauréat, dans ce beau métier. ». Plusieurs syndicats d’enseignants, La CGT, SUD, la CFDT, réclament depuis un moment le retour au recrutement à Bac plus 3. Le passage à Bac plus 5 sous Sarkozy et Darcos, jamais remis en cause par les suivants a éloigné du recrutement des étudiants de milieux populaires et changé la sociologie des enseignants ainsi que leur conception du métier : plus d’attentes en direction de la hiérarchie, moins de collectif dans le travail.

Mais l’annonce est trompeuse. Sarkozy et Darcos ont supprimé la formation des enseignants que Hollande et Peillon ont fait semblant de rétablir. Mais il n’en est rien. Pendant des années les stagiaires étaient en formation deux ans (dans les IUFM), rémunérés et ne commençaient l’exercice professionnel qu’au bout de ces deux ans. Aujourd’hui, dans le meilleur des cas, on débute par un mi-temps formation et responsabilité de classe, souvent en duo de stagiaires dans le premier degré, sans parler du fait que ce qui faisait l’originalité de la formation des enseignants (Ecoles Normales d’Instituteurs et ENNA pour les enseignants de professionnel) a disparu, puisque ce sont désormais des universitaires, dont le lien avec la pédagogie est assez ténu, qui « forment » ou plutôt formatent les enseignants. Pire, il est désormais obligatoire de posséder un Master 2 ou d’être en seconde année pour passer le concours, ce qui nous éloigne sensiblement de l’idée de s’engager dès le baccalauréat, et, ces lauréats-là bénéficient royalement de dix à vingt jours de formation par an, en-dehors du temps de classe, puisqu’ils et elles exercent à plein temps.

Les projets et les moyens

Pas avare de grandes paroles, Macron déclare : « C’est une révolution vraie, copernicienne, que je propose ». La suite est du même acabit : « Refonder l’école, la réinstaller sur ses fondations, c’est assumer que l’école repose sur un objectif, et qu’elle doit être avant tout portée par ses professeurs, sur ceux qui la font vivre au quotidien, et non pas seulement sur des méthodes trop uniformes, trop imposées d’en haut. Ce que je souhaite qu’on lance ensuite pour l’école, c’est un grand travail dont l’objectif est de bâtir un projet nouveau école par école. » Ce qui est ballot, c’est que les projets d’école existent déjà et depuis au moins vingt-cinq ans. Dommage que le sacro-saint président ne soit pas au courant. On ne peut de toute façon pas dire qu’il maîtrise le sujet.
Le voilà qui nous dit qu’on doit limiter les méthodes trop uniformes, imposées d’en haut et que les enseignants ont « besoin qu’on leur redonne du pouvoir, de la responsabilité et du sens ». « Ce que je veux que nous puissions faire, c’est une méthode nouvelle qui parte du bas ». On y croirait presque. Et voilà que le vrai pointe son nez : il évoque l’expérimentation en cours dans des écoles de Marseille, que nous avons déjà évoquée et dont on sait qu’elle est justement très pilotée par la hiérarchie. Là encore, ce sera pour les volontaires ; difficile de penser que ce soient ceux qui ont envie de décider par eux-mêmes, collectivement, de leur pédagogie, sans le joug de la hiérarchie.
Macron n’est pas crédible, quand on sait que c’est sous son premier quinquennat que la pression de la hiérarchie a été la plus forte, alors qu’elle va sans cesse crescendo depuis la seconde moitié des années 2 000. Tout ce qui a été fait jusqu’à présent est à l’inverse de ces annonces, et comme il est fier du bilan des 5 ans de Blanquer, on voit mal comment cela pourrait être autre chose que des mensonges.
D’autant plus que, pour ces si beaux projets, il faut de l’argent. Qu’on se le dise ! « on va mettre les moyens », assure Macron, qui annonce la création d’un « fonds d’innovation pédagogique » de 500 millions d’euros pour financer les projets d’établissements. Et tout sera attribué à celles et ceux qui feront le choix de s’y inscrire. Une autre manière de rémunérer plus celles et ceux qui sont dans le moule. Evidemment on ne dit pas qui décidera de l’attribution des fonds, certainement pas un collectif d’enseignants. Cette idée de saupoudrage, de volontariat est une manière de ne pas fixer de cap, de ne pas avoir un vrai projet ambitieux pour faire revivre le service public ; les capitalistes qui agitent la marionnette Macron n’en veulent pas. Et d’ailleurs, sa majesté nous prévient : pour l’état de l’école, la réponse ne réside pas dans « plus de moyens, cela nous l’avons déjà fait ». Il vaut mieux lire cela qu’être aveugle !!! Mais, on aimerait bien savoir quand « ils l’ont fait ».

Conclusion

Si nous combattons ces mesures, c’est que, pour le Parti Révolutionnaire Communistes, il y a un énorme besoin d’Ecole. Non une Ecole comme solution à tous les problèmes, ni une Ecole fermée sur elle-même, ni une Ecole du formatage qui permette d’éviter les révolutions comme le disait Ferry. Il faut une Ecole pour la jeunesse, qui permette un vrai accès aux connaissances, qui aide à développer l’esprit critique et à élever le niveau des qualifications. Bref, une Ecole émancipatrice, vecteur du progrès humain, une Ecole comme l’avaient décrite Rousseau, les Montagnards de 93, le mouvement ouvrier du XIXème avec notamment les Communards et le PCF de la première moitié du XXème avec notamment Vaillant-Couturier et Freinet ; une Ecole qui puisse prendre sa part dans la construction d’une société socialiste.

Le Parti Révolutionnaire Communistes n’attend rien de Macron, ni de la classe capitaliste qu’il sert. On sent tout de même, qu’il faut s’attendre à une aggravation de la dégradation du service public de l’éducation. Pas de réels moyens en plus, la fin programmée du lycée professionnel, une revalorisation en trompe-l’œil des projets dont on ne sait qui pourra vraiment y participer, on ne sait d’ailleurs pas le rôle que joueront les chefs d’établissements, ni les directeurs d’école, dont Blanquer a changé la fonction, même s’ils ne sont pas des supérieurs hiérarchiques. La rémunération au « mérite » se poursuit et s’aggrave, nous aurons même droit probablement à des passe-droits pour l’accès aux projets, une individualisation supplémentaire, donc, avec certainement une manière très occulte de dire qui y a droit ; à l’instar de la multiplication des postes à profil.

Bref, Macron et N’Diaye vont taper encore. Pour les en empêcher, il n’y a que la lutte. Les organisations syndicales d’enseignants ne semblent pas avoir très envie de déranger activement le plan de bataille de Macron. C’est aux salariés, enseignants ou non, de l’éducation nationale, de se prendre en main et d’organiser la riposte. Il y va de l’avenir de l’Ecole et de la formation de la jeunesse. Le Parti Révolutionnaire Communistes en sera et soutiendra toutes les luttes en ce sens, contre le bradage du service public, la territorialisation de l’enseignement professionnel public (les régions décident de beaucoup de choses) et sa mise au service intégral du patronat, pour débloquer le point d’indice, revenir sur la nouvelle fonction de directeur d’école, combattre le poids grandissant de la hiérarchie, retrouver des collectifs et la liberté pédagogique.

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