La situation à Hong-Kong est marquée depuis plusieurs mois par des manifestations de masse parfois violentes. Le déclencheur de ces mouvements fut le projet de loi du gouvernement du territoire donnant la possibilité d’extrader vers la Chine continentale, des citoyens de Hong Kong, condamnés ou accusés par la justice. Ce projet de loi est maintenant retiré. Les manifestants estimaient que cette loi constitue une violation du principe : « un pays, deux systèmes » instauré lors de sa réunification à la République populaire de Chine en 1997 (voir les articles de Communistes Hebdo N°624  et N°371

.Les réactions internationales face à cette situation sont nombreuses. Pour l’essentiel elles tentent de simplifier l’équation dans un affrontement entre les manifestants qualifiés de « pro-démocratie » et le gouvernement de Hong-Kong, simple expression, à leurs yeux, de son tuteur de la Chine continentale. En France, les réactions sont à l’avenant, qu’elles soient syndicales ou politiques. Mélenchon y voit même une « révolution citoyenne ». Notons cependant que les conflits sociaux portant sur les salaires, les conditions de travail et de logement et qui émaillent la vie de Hong-Kong sont largement passés sous silence.
Si les réactions gouvernementales officielles de part le monde sont jusqu’à présent relativement mesurées, recommandant à la Chine de la retenue dans la répression des manifestations et appelant au dialogue, les interventions directes via des agences étrangères et des églises sont manifestes. Elles sont une forme de l’expression des affrontements entre la Chine et les autres grandes puissances impérialistes, en particulier les USA qui mènent une dure lutte pour l’hégémonie en Asie et dans le Monde. Ces interventions étrangères sont justement dénoncées par la Chine, dont il faut rappeler que Hong-Kong fait partie.
Pour comprendre la situation, il convient de fuir les analyses de la pensée dominante qui ne sont que des supports aux besoins de propagande des puissances impérialistes dans leur affrontement pour le repartage et la domination régionale et/ou mondiale. Pour cela, un bref rappel historique est nécessaire : « l’origine de la colonie britannique » c'est l'annexion de Hong Kong par l'Angleterre. Elle résulte de la 1ère guerre de l'opium . les Chinois battus militairement sont contraint de signer le 1er des traités qualifiés d'« inégaux » par la Chine qu'elle soit impériale puis sous la direction du Kuomintang de Tchang Kaï-chek, ou du Parti Communiste Chinois en 1949. Ce traité à également annexé des « comptoirs », à Canton, Xiamen (Amoy) Fuzhou, Ningpo et Shanghai ». La concession française de Shanghai qui fait suite au traité de Tianjin, est une perle de mépris colonialiste, puisque l'accès à une partie de la ville précisait « Interdit au Chinois et aux chiens ». Le 2ème traité inégal de Tianjin en 1860, met fin à la révolte « des Taipings » avec le concours des corps expéditionnaires Français, Anglais et Russe (qui donnera lieu au traité d'Aigun). Le traité de Tianjin ouvre de nouvelles concessions au commerce des pays occidentaux, y compris l'Allemagne... Le dépeçage de la Chine ayant commencé plus tôt ! Le sac du « Palais d'été » à Beijing en octobre 1860 est le fruit de l'intervention colonialiste française.
L’histoire de Hong-Kong se confond donc avec celle de la Chine et de son agression par les puissances coloniales au XIXe et XXe siècle. Ce passé colonial qui a promu Hong-Kong comme ville de la finance et de la pénétration impérialiste dans le continent, pèse lourd en ce qu’il a généré un particularisme dans la conscience politique et sociale de ses habitants. 150 ans de développement capitaliste, essentiellement financier, à Hong Kong avec ses conséquences sur les plans sociaux et idéologiques ont imprimé des idées et conceptions particulières au sein de la population de Hong Kong par comparaison avec celles de la Chine continentale. Ainsi, si une partie de la population se reconnaît dans son appartenance à la Chine, une partie non moins importante aspire à un degré d’indépendance vis-à-vis de cette dernière.
Quelle est la situation économique à Hong Kong ? Il convient d’abord de souligner que Hong Kong ne possède plus depuis 1983 la liberté de contrôler sa monnaie, elle est adossée au dollar US, ce qui limite l'indépendance financière de cette « région administrative autonome ». Hong-Kong demeure une importante place financière dans le monde, Aujourd'hui, elle est la troisième place financière après New York et Londres. Sa capitalisation boursière est de 4.863 milliards de dollars. Sur le marché des changes, Hong Kong est quatrième au coude-à-coude avec Singapour , elle aussi ville État. Singapour est souvent pris comme exemple de ce que pourrait être son statut futur. Après avoir obtenu du colonisateur anglais un statut spéciale en 1959, Singapour appartient à la fédération des États de Malaisie jusqu’à déclarer son indépendance en 1965.
Selon le journal « Les Échos » : « la dernière étude triennale de la Banque des règlements internationaux, il s'échange en moyenne tous les jours à Hong Kong l'équivalent de 437 milliards de dollars, contre 517 milliards à Singapour. Par comparaison, New York (1.272 milliards) et Londres (2.406 milliards) se situent loin devant ». Si Hong-Kong a été longtemps pour la Chine l’unique accès aux marchés financiers mondiaux, ce n’est plus vrai aujourd’hui où la Chine dans son développement capitaliste s’est intégrée à l’internationalisation des marchés boursiers. C’est le cas par exemple avec la bourse de Shanghai qui est directement connectée à celle de Londres. De fait, le poids de Hong-Kong dans l’économie chinoise est en net recul, même si cette place financière joue encore un rôle important. Parmi les raisons du malaise à Hong Kong, il y a le fait que deux villes de la région Asie du sud-est, Shanghai et Singapour, font office de plate forme financière et lui font concurrence. Remarquons également que les flux migratoires de populations ne vont plus vers Hong Kong, mais vers Singapour et l'Australie. Cependant, Hong-Kong continue à jouer un rôle économique et politique important pour la Chine. Elle est une des plateformes du développement capitaliste de la Chine et son statut particulier permet, entre autres, aux grandes fortunes chinoises une liberté de manœuvre quasi totale : celui d’un paradis fiscal au portes du continent. Sur le plan politique, le concept de: « un pays, deux systèmes » appliqué à Hong-Kong est le même que celui que le pouvoir chinois met en avant pour le rattachement de Taïwan. On mesure combien l’échec d’une telle doctrine pourrait peser dans la voie de la réunification avec la Chine.
L’histoire propre à Hong-Kong, son rôle, en déclin, dans le développement du capitalisme en Chine, et les affrontements au sein du système impérialiste sont bien à la racine des mouvements qui secouent cette ville et qui mêlent mécontentement social pour les uns et exigence du maintien de spécificités attachées au statut même de ville État financière pour une partie des couches moyennes et des grandes forces économiques capitalistes chinoises et mondiales. En fait le : « un pays, deux systèmes » qui définit l’orientation du pouvoir chinois dans le retour des territoires qui lui ont été arrachés par la colonisation est d’autant plus en crise que, si la Chine est bien un seul pays avec Hong-Kong et Taïwan, son développement capitaliste et la place qu’elle prend dans le système impérialiste conduisent en son sein à un différenciation de classe de plus en plus marquée. Ainsi, nous pouvons dire que l’affrontement n’est pas entre le système impérialiste et la Chine mais bien au sein même de ce système auquel appartient aujourd’hui la Chine. Le fait que ces processus se passent sous la direction du Parti Communiste Chinois ne simplifie pas la compréhension de ces phénomènes en terme de classe mais nous devons les analyser tels qu’ils sont.

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