749-28/12/2021 Il y a trente ans, l’URSS disparaissait en temps que sujet de droit international.

Son démantèlement conduisit à la formation de quinze états indépendants dont la Russie, le plus important, conservait les attributs internationaux de l’URSS et tout particulièrement son siège permanent au conseil de sécurité ainsi que ses moyens nucléaires. À l’époque, ce démantèlement de l’URSS fut salué par les puissances occidentales comme une ère nouvelle ouvrant la porte à une politique de coopération et de paix avec entre autre la fin du pacte militaire de Varsovie pourtant non-accompagné de la dissolution de l’OTAN mais pourvu d’une vague promesse que cette dernière ne s’étendrait pas dans les nouvelles Républiques de l’ex-URSS. On sait ce qu’il advint de cette promesse puisqu’au aujourd’hui les Républiques Baltes et la Pologne en sont membres à part entière. Il est vrai que les dirigeants russes de l’époque autour de Boris N. Eltsine n’avaient rien à refuser aux occidentaux tant ils leurs étaient redevables dans leur ascension vers le pouvoir et à la tête d’un pays affaibli. La disparition de l’URSS et des pays socialistes d’Europe ouvrait la voie à une nouvelle étape de développement du capitalisme dans le monde et à un aiguisement de la concurrence internationale renforçant l’agressivité des puissances impérialistes pour s’accaparer les ressources, dominer les voies de communication et accaparer la force de travail. C’était l’époque des conseillers américains, de la liquidation de la propriété publique au bénéfice d’une oligarchie en voie de constitution, de la division de la Russie en territoires plus ou moins autonomes et d’une crise économique et sociale sans précédent.
Des résistances à ce processus de liquidation eurent lieu. Elles furent réprimées dans le sang avec le soutien des USA et des pays occidentaux qui applaudirent cette sanglante répression. Ainsi, le 4 octobre 1993, Boris Eltsine, ordonna-t-il à l’armée de prendre d’assaut la Maison Blanche de Russie, à l’époque siège du Parlement russe qui s’apprêtait à le destituer. Selon les statistiques officielles près de 200 personnes ont été tuées, et plus de 400 blessées. L’attaque de Eltsine contre le Parlement a démenti très clairement les affirmations selon lesquelles l’effondrement de l’URSS signifiait l’installation de la démocratie, la restauration capitaliste en cours impliquant de liquider les acquis sociaux et démocratiques de l’URSS.
Cette période de crise s’accompagna de restrictions aux libertés publiques avec l’interdiction du Parti Communiste qui fut reconstitué sous forme de Parti Communiste de la Fédération de Russie en 1993 et qui est aujourd’hui le premier parti politique d’opposition. Il a obtenu officiellement 20 % des voix aux élections législatives de 2021 contre 42 % pour le parti Russie Unie de Poutine, les observateurs estiment que les chiffres les plus vraisemblables sont de 30 et 32 % respectivement !
Dans cette période de crise ce qui était en jeu c’était l’existence même de la Russie en tant qu’État tant les forces centrifuges alimentées par le pouvoir des oligarchies étaient fortes et l’adhésion au nouveau cours des choses par la population faible.
À partir du 31 décembre 1999, à la suite de la démission de Boris Eltsine (plutôt que de démission on peut parler de coup d’état de palais), Vladimir V. Poutine assure les fonctions de président de la Fédération de Russie par intérim. Il devient président de plein exercice en mai 2000 après avoir remporté l’élection présidentielle dès le premier tour. Dès son accession au pouvoir, Poutine affirme que le sort de la Russie ne peut être sa liquidation en tant qu’État. Il affirme que loin de l’anarchie destructrice et de la soumission aux intérêts occidentaux de l’époque Eltsine ce sera désormais : « la dictature de la loi ». Sa popularité s’assoit sur des réalités tangibles pour la population puisqu’enfin les salaires et les pensions recommencent à être payées, qu’un minimum d’ordre dans les affaires publiques se fait jour et que se réaffirme les intérêts de la Russie sur la scène internationale. Pour autant V. Poutine conforte le développement du capitalisme en Russie en y ajoutant un contrôle par l’État là où les intérêts de puissance l’exigent. C’est particulièrement le cas dans le domaine militaire et énergétique. Si la première partie de ses mandats, du fait d’un prix élevé du gaz et du pétrole, ont permis une certaine redistribution qui donne relativement satisfaction à la population, la baisse des cours a conduit à des difficultés économiques qui engendrent une crise sociale importante et se traduisent par une baisse de sa popularité et de celle du Parti Russie Unie. La réforme des retraites, la privatisation des terres que nécessitent le développement du capitalisme en Russie, la privatisation partielle ou totale de l’accès aux soins, la montée des inégalités sociales... sont des facteurs qui modifient négativement l’adhésion populaire à la politique du pouvoir. Si ce phénomène se traduit en partie dans les résultats électoraux et tout particulièrement dans des taux d’abstention record d’environ 50 %, il se manifeste pleinement dans la méfiance vis-à-vis de la vaccination, moins de 50 % de la population est vaccinée, à partir pourtant d’un vaccin national le Sputnik V.
Donner au capitalisme russe les moyens de se développer implique une politique de puissance qui rentre en conflit avec les autres puissances impérialistes. Les USA, comme les alliances impérialistes que sont l’Union Européenne et leur instrument militaire qu’est l’OTAN ne s’y trompent pas et devant l’échec d’un affaiblissement, de la division et de l’asservissement de la Russie elles accentuent la pression économique par les sanctions et militaire par l’extension du domaine de l’OTAN au frontières même de la Russie. C’est d’ailleurs tout l’enjeu de la crise autour de la Biélorussie et de l’Ukraine. C’est ce que V. Poutine a fermement rappelé lors de sa conférence de presse du 23 décembre, largement consacrée aux questions de sécurité nationale et d’organisation des rapports interétatiques au plan européen.
La Russie fait donc face à des défis existentiels importants. Son immense territoire, ses ressources abondantes sont l’objet de grandes convoitises dans un monde où les concurrences capitalistes s’exacerbent pour l’accès aux ressources et aux voies de communications. Si la Russie possède des atouts importants, un immense territoire euro-asiatique, elle a des faiblesses inhérentes à sa production de richesses essentiellement basée sur l’exportation de matières premières et une faible démographie. Quelles seront les forces sociales et politiques capables d’incarner les intérêts majeurs de sa population dans les décennies qui viennent ? Cette question reste encore largement ouverte.