758-01/03/2022 L'évolution de la situation en Ukraine est une source d'inquiétude majeure pour la paix en Europe et dans le monde, tant l'escalade militaire en cours dessine jour après jour une guerre de haute intensité dont nous ne connaissons ni la durée ni les limites,

mais dont les conséquences pèsent et pèseront lourd et longtemps pour les nations et les peuples. Cette réalité nous amène à revenir sur la genèse des événements(1) et à en analyser les causes profondes et leur signification.
L'expérience historique montre que le capitalisme et tout particulièrement celui des monopoles et donc son développement en un système impérialiste entraîne en son sein une concurrence et des luttes acharnées pour le contrôle des marchés, des ressources, des voies de communications et de la force de travail. Ces affrontements ont été les causes des deux derniers conflits mondiaux. Si le premier conflit mondial a vu l'émergence des USA en tant que puissance majeure de l'impérialisme, il a vu aussi du fait de la révolution russe de 1917 celle d'un État, devenu l'URSS en 1922, qui s'est construit sur des bases anti-capitalistes et anti-impérialistes. L'URSS qui a apporté la contribution majeure à l'écrasement du nazisme est devenue dès la fin de la guerre, l'ennemi désigné de l'impérialisme qui s'est organisé autour de son pôle dominant les USA dans l'OTAN. Ce qui fut qualifié de guerre froide a été in fine marqué par la disparition de l'URSS en 1991 et le rétablissement du capitalisme en Russie et dans les anciennes républiques constituantes de l'URSS.
La Russie, dirigée par B. Eltsine a dans un premier temps ouvert largement le pays à la pénétration des capitaux étrangers. La question même du démantèlement de la Russie était posée et a aiguisé l'appétit des puissances étrangères. L'oligarchie capitaliste naissante qui fit main basse sur la propriété sociale a cherché la consolidation socio-politique de son pouvoir tout en livrant une partie des richesses du pays. Elle a ainsi évité un front conflictuel ouvert avec l'Occident. Elle a fermé les yeux sur de nombreuses mesures prises par les USA et l'UE promouvant les intérêts de leurs propres monopoles dans la région de l'Europe et de l'Eurasie. Cette étape a été refermée par l'éviction de B. Eltsine et la prise du pouvoir par V. Poutine en 1999. Depuis avec un renforcement de l'État et de sa puissance militaire, les forces capitalistes russes cherchent à regagner le terrain perdu dans la compétition avec les monopoles occidentaux et leurs alliances impérialistes, l'OTAN et l'UE. Depuis 1999, la Russie intervient, militairement ou non dans son environnement proche pour consolider sa présence. Cela s'est traduit par des alliances militaires, c'est le cas de l'Organisation du Traité de Sécurité Collective l'OTSC qui regroupe autour de la Russie cinq anciennes républiques soviétiques demeurées dans son pré-carré : la Biélorussie, l’Arménie, le Kirghizstan et le Tadjikistan. C'est cette force qui a brisé récemment la révolte populaire au Kazakhstan(2) Elle s'est aussi dotée d'alliances économiques, comme c'est le cas de l'Union Économique Eurasiatique (UEEA) donnant un espace plus vaste à l'action du capitalisme russe.

C'est dans ce contexte que l'Ukraine, qui se situe comme son nom l'indique à une frontière entre l'europe occidentale et orientale a une importance majeure pour l'État et les oligarques capitalistes dirigeant des monopoles russes du fait de sa position géostratégique mais aussi de ses capacités agro-alimentaires et industrielles. Au cours des dernières années, ils ont mis en œuvre une série de plans d'unification capitaliste sur certains territoires de l'ex-URSS, où la présence de nombreux traits culturels communs est encore forte et où existe une importante population de personnes russes et russophones comme c'est le cas en Ukraine. Ainsi, jusqu'en 2014 et le coup d'état(3), piloté par les Etats-Unis d’Obama, qui a expulsé l'oligarque V. Ianoukovitch lié aux intérêts russes, la Russie a dominé la politique ukrainienne. La venue d'un pouvoir hostile à la Russie, tutorisé par les USA et l'UE et s'appuyant même sur des organisations ouvertement fascistes, a ouvert une voie de pénétration politique et militaire aux USA ainsi qu'aux alliances impérialistes que sont l'OTAN et l'UE pour parachever un encerclement militaire de la Russie déjà largement entamé avec l'adhésion à l'OTAN de dix pays ayant été des Républiques soviétiques (Estonie, Lituanie, Lettonie) ou des démocraties populaires (République Démocratique Allemande du fait de son intégration à la République Fédérale Allemande, Pologne, Tchéquie, Slovaquie, Hongrie, Bulgarie, Roumanie) et cela en dépit des promesses par les dirigeants occidentaux faites à Gorbatchev lors de la réunification de l'Allemagne de ne pas étendre le périmètre de l'OTAN en Europe. La crise de 2014 a ouvert la voie à l'annexion de la Crimée par la Russie et à la sécession d'une partie du Donbass. Elle a signifié une accélération de la liquidation de la propriété sociale et une répression accrue contre les forces qui s'y opposent et tout particulièrement le Parti Communiste d'Ukraine qui finira par être quasiment interdit.
Pour comprendre l'enjeu que représente l'Ukraine dans les affrontements au sein de l’impérialisme, il faut rappeler que dans la doctrine militaire des USA, la Russie et surtout la Chine sont les adversaires désignés de l'impérialisme US et de ses alliés. Cela correspond au fait que le développement capitaliste de la Russie et de la Chine devenue la deuxième puissance mondiale, heurte de plein fouet le caractère dominant mais relativement déclinant des USA. Ainsi, à l'échelle mondiale, leurs monopoles, principalement énergétiques pour la Russie et plus diversifiés pour la Chine sont des concurrents redoutables qui mettent en cause l'hégémonie des USA. Ces intérêts de monopoles se combattent sur tous les continents, en Asie, en Afrique, en Europe et jusqu'en Amérique. Dans ces conditions les USA qui accroissent leur budget militaire exigent un renforcement des efforts d'armement de leurs alliés et de ce point de vue, la guerre en Ukraine en fournit un prétexte tout trouvé. Il n'est que de voir l'engagement récent de l'Allemagne d'ajouter 100 milliards d'euros à son budget militaire et celui de la France d'augmenter depuis quelques années son effort d'armement.

Ces affrontements au sein de l'impérialisme qui touchent aujourd'hui directement l'Europe et qui les rendent plus sensible à la population ne sont pourtant pas les premiers. Depuis des années les guerres régionales sont un moyen d'affirmer directement ou indirectement la domination des plus grandes puissances impérialistes et dans de nombreux cas, elles ont été menées sous l'égide de l'OTAN : L'Irak, la Syrie, la Libye, la Yougoslavie, l'Afghanistan, le Yémen, le Sahara occidental, le Sahel en sont le témoignage. Ce dont il s'agit en Ukraine c'est d'une guerre impérialiste(4) et les peuples ont tout à y perdre s'ils s'alignent sur les forces dirigeantes de leurs pays respectifs. Comme nous l'écrivions dans notre article précédent :" Dans les conditions complexes de la montée possible vers un affrontement armée au sein de l'impérialisme sur la question de l'Ukraine, beaucoup de travailleurs se demandent ce qu'ils doivent faire dans cette situation. Nous leur disons qu'ils n'ont rien à gagner à prendre un parti plutôt qu'un autre en se mettant à la remorque de leurs forces dirigeantes. Au contraire, ils doivent dénoncer la guerre impérialiste qui se profile exiger la sortie de la France de l'alliance impérialiste qu'est l'OTAN et sa destruction et amplifier la bataille de classe pour la paix et le socialisme".
La Russie qui n'est pas parvenue à négocier sur ce qu'elle considère comme ses exigences en matière de sécurité a donc décidé d'une intervention militaire massive qui n'est autre qu'une agression contre un pays souverain. Cette agression a été appuyée par une intervention de V. Poutine niant la réalité nationale de l'Ukraine en faisant porter la responsabilité de son existence à Lénine et aux bolcheviks.

Dans l'immédiat, nous exigeons l'arrêt des combats et l'ouverture de négociations pour mettre un terme à ce conflit et nous alertons sur le fait que la guerre sert aujourd'hui de prétexte au renforcement militariste de l'Union Européenne et de l'OTAN dominé par les USA. Nous exprimons notre solidarité avec les peuples ukrainien et russe premières victimes de cette guerre impérialiste. Il n'y aura pas de véritable sécurité collective en Europe sans lutte pour une autre société qui ne soit pas dominée par une logique de grande puissance basée sur la recherche sans fin du profit et de l'appropriation privée des ressources. C'est à ce combat que nous appelons les travailleurs de notre pays!

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(1) https://www.sitecommunistes.org/index.php/monde/europe/1751-ukraine-dangereuse-escalade-entre-les-forces-de-l-otan-de-l-europe-et-la-russie
(2)https://www.sitecommunistes.org/index.php/monde/asie/1722-kazakhstan-solidarite-avec-les-travailleurs-et-le-peuple-kazakh
(3) https://www.sitecommunistes.org/archives/ch344uk.html
(4) https://www.sitecommunistes.org/index.php/monde/europe/1784-ukraine-la-logique-d-escalade-militaire-en-cours-c-est-celle-des-affrontements-au-sein-de-l-imperialisme