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727-28/07/2021: International: Tunisie, Brésil, Afganistan, Afrique du Sud

  Tunisie: Quelle issue à la crise?

L'aggravation de la situation en Tunisie est aujourd'hui marquée par l'annonce du chef de l'État, Kaïs Saïed d'un gel des activités du parlement et de la destitution du premier ministre Hichem Mechichi. Le Président prend en main le pouvoir exécutif et entend nommer un nouveau premier ministre. Devant le Parlement à Tunis, plusieurs centaines de partisans du président Saïed ont empêché, lundi, les soutiens du principal parti parlementaire Ennahda (islamiste proche des frères musulmans) de se rapprocher de leur chef, Rached Ghannouchi, également président de la Chambre. Par ailleurs, l'Union Générale des Travailleurs de Tunisie (UGTT) a apporté son soutien au président Saïed.
Ce dénouement provisoire de la situation est le résultat d'une longue confrontation entre le Président Saïed et la majorité parlementaire dominée par le parti Ennahda. Cette confrontation a amené à un blocage dans la direction de l'État sur fond d'un profond mécontentement social lié à la crise économique que traverse le pays et à une gestion désastreuse de la crise du Covid. La situation vécue par le peuple tunisien est en effet catastrophique. Le chômage s'est envolé avec, en particulier, l'effondrement du secteur touristique qui représente 12% du PIB et des dizaines de milliers d'emplois. Le système de santé et hospitalier n'a pas résisté à une pandémie de Covid meurtrière et accentuée par des manques de moyens de vaccinations. La crise du Covid, comme dans beaucoup de pays, a été révélatrice des politiques de liquidation des services publics au profit des activités privées capitalistes. Le peuple tunisien excédé et révolté par cette situation a manifesté à plusieurs reprises son mécontentement contre le pouvoir et ses dirigeants et en particulier ceux que le Président Saïed vient de destituer. Depuis le renversement de la dictature de ben Ali par le mouvement populaire, les espoirs nés d'un monde moins brutal au peuple se sont évanouis, tandis que les capitalistes tunisiens fidèlement soutenus par la France, entendent conserver leurs privilèges. En mettant sur la touche la majorité de Ennahda ils entendent conserver la main en se débarrassant d'un gouvernement profondément contesté pour autant, ils n'entendent pas engager des changements profonds nécessaires pour dégager la Tunisie d'une spirale de déclin et de désagrégation de l'État.


Brésil : Bolsonaro fora! (Bolsonaro dehors)
Des centaines de manifestations rassemblant des dizaines de milliers de participants, se sont déroulées récemment au Brésil dans pratiquement toutes les provinces. En ligne de mire le Président Bolsonaro dont les manifestants réclament la démission. Si la gestion de la crise du Covid avec plus de 550.000 morts et un système hospitalier complètement dépassé ont été les élèvements déclencheurs de cette révolte populaire, la cause profonde doit être recherchée dans les dégâts produits par une politique au service du capital avec l'accélération de la liquidation des services publics et des protections sociales existantes et une augmentation forte du chômage et de la misère. S'y ajoutent des atteintes quotidiennes aux libertés et le champ libre laissé à la violence patronale dans les villes comme à la campagne. Si aujourd'hui, Lula, l'ancien président social-démocrate, sorti de prison et blanchi par la justice, veut apparaître comme une alternative au pouvoir de Bolsonaro, il se garde bien de remettre en cause fondamentalement la cause profonde de ce qui nourrit la crise brésilienne à savoir la protection des intérêts de la bourgeoisie des grands secteurs agro-alimentaires et industriels nationaux dont il fit la politique lorsqu'il était président.


Afghanistan: Des Talibans bien utiles pour l'impérialisme US
Dans notre hebdo N°713 (https://www.sitecommunistes.org/index.php/monde/proche-et-moyen-orient/1410-afghanistan-retrait-us-et-de-l-otan-pour-une-nouvelle-disposition-de-leurs-forces), nous concluions notre article en soulignant le choix des USA de se retire militairement de ce pays :"Dans ces conditions, le choix des USA, qui y ont subi [en Afghanistan] une défaite militaire et diplomatique est plutôt celui de redisposer ces forces dans la perspective de l’affrontement qu’il considère comme majeur et qui est celui contre la Chine".
Les faits récents confirment cette analyse et la question du recyclage des talibans comme force d'appui à la stratégie US est des plus pertinentes. Ces derniers, depuis le retrait américain contrôle 200 districts sur 418, 85% du territoire et pratiquement toutes les frontières importantes avec les pays voisins que ce soit du côté du Pakistan comme celui de l'Iran, d'anciennes républiques soviétiques d'Asie Centrale (Tadjikistan et Turkménistan) et de la région autonome du Xinjiang chinois. Autant de régions où les USA et leurs alliés tentent d'attiser les confrontations pour modifier le cours politique des choses en y assurant leur domination. La situation créée par le retrait militaire US et de l'OTAN ouvre aussi la voie à l'intervention de puissances régionales, comme la Turquie, qui entendent bien prendre leur part d'influence dans cette zone stratégique. Notons que membre de l'OTAN, la Turquie ne peut guère intervenir sans le consentement des USA.
Les talibans constituent donc des alliés de choix dans le cadre de ces visées impérialistes. Rappelons, que lourdement armés, largement financés, encadrés et sponsorisés par les puissances occidentales, ils furent déjà d'une grande utilité pour abattre, au nom de la tradition et de la religion, le régime progressiste que s'était donné le pays en 1978 et qui avait commencé une modernisation du pays tant au plan de la réforme agraire que de l'instruction publique y compris des filles.

Afrique du Sud : Des émeutes significatives d'une crise sociale profonde
L'Afrique du Sud a été secouée récemment par des émeutes dont l'ampleur et la violence ont surpris beaucoup d'observateurs politiques. Si ce ne sont pas les premières manifestations et grèves qui secouent le pays, celles récentes ont été marquées par un niveau d'affrontement inégalé, causant la mort de trois cent trente-sept personnes, le pillage de 1.199 magasins et de 200 centres commerciaux. Ces violences ont aussi révélé des difficultés politiques au sommet de l’Etat.
Parmi les victimes, il y a celles de la répression étatique au travers des forces de police, mais aussi celles provoquées par les milices privées qui fleurissent à la périphérie des quartiers riches où la population pauvre, celle des nombreux bidonvilles, est priée de regarder s'étaler le luxe sans y avoir accès. pas plus d’ailleurs qu'elle n'a accès au minimum vital.
Si le déclencheur de ces révoltes a été la condamnation et l'incarcération de l'ancien Président Jacob Zuma, toujours populaire dans de nombreuses couches pauvres de la population, le ferment de la révolte est sans aucun doute la crise sociale profonde que traverse l'Afrique du Sud et qui a été aggravée par la situation sanitaire due au Covid.
De ce point de vue, il faut noter que depuis la fin de l'apartheid en 1991, la situation des classes laborieuses n'a guère changé et si une bourgeoisie noire a émergé, la masse des travailleurs, des chômeurs est toujours à la merci de l'exploitation capitaliste dans une politique qui s'inscrit dans les grandes tendances mondiales de liquidation des services publics et de privatisations. C'est ce que souligne d'ailleurs à sa façon le parti Communiste d'Afrique du Sud (SACP) dans une déclaration du 15 juillet: " Le SACP a constamment poussé à un changement d'orientation de la politique économique pour faire reculer les niveaux élevés de chômage, de pauvreté, d'inégalité, la crise associée de la reproduction sociale, et pour conduire un équilibré du pays afin d'éliminer systématiquement l'héritage dominant d'inégalités. Nous ne pouvons cependant pas utiliser ce fait historique pour accepter une justification de la violence, des destructions, des pillages, des sabotages et des meurtres. En tant que SACP, nous avons été cohérents contre la capture de l'État par les entreprises et le néolibéralisme, y compris, mais sans s'y limiter, sa privatisation, la thérapie de choc de la libéralisation et les programmes d'austérité. En plus de mettre fin avec effet immédiat à la violence, la destruction, le sabotage et le pillage, la voie à suivre réside dans la formation d'une unité maximale de la classe ouvrière pour parvenir à un changement d'orientation politique, pour que l'Afrique du Sud réalise un renversement rapide et significatif du cercle vicieux du chômage. , la pauvreté et les inégalités. Le SACP renforcera, approfondira et élargira son programme pour atteindre un tel niveau d'unité ouvrière plus large, tout en continuant à l'intérieur et à l'extérieur de l'Alliance, à pousser un changement d'orientation politique vers une deuxième phase radicale de la révolution démocratique nationale". Membre de l'ANC qui dirige le pays, cette déclaration permet de mesurer les contradictions qui s'expriment à la tête de l'État Sud Africain.