N° 790 11/10/2022 Europe: Communauté Politique Européenne pourquoi faire? 

Le 6 octobre s'est tenu à Prague la réunion de la Communauté Politique Européenne voulue par E. Macron en mai dernier,

sans que l'on puisse précisément en définir le rôle ni prédire l'avenir à court et moyen terme. Pour l’occasion, 44 chefs d’État et représentants du continent se sont réunis à Prague, les 27 membres de l'Union Européenne et 17 autres États candidats ou non à l'adhésion à l'UE. Parmi eux, des États candidats à l’adhésion à l’UE étaient présents comme l’Ukraine, la Turquie, la Serbie, ou encore la Moldavie. D’autres, qui ne souhaitent pas y adhérer, étaient également de la partie (Royaume-Uni, Norvège, Azerbaïdjan)....

carte ue40 

L'idée de cette CPE n'est guère nouvelle, déjà en 1989, F. Mitterrand, président de la République avait lancé l'idée d'une Confédération européenne dépassant le cadre de l'UE. Ce projet avait été rapidement mis au rancart sous la pression des États-Unis qui ne souhaitaient pas l'organisation d'un espace commun de coopération entre l'Europe de l'Ouest et celle de l'Est après la disparition de l'URSS. Leur objectif étant d'affaiblir et de diviser autant que possible, les États issus de l'ex-URSS et tout particulièrement la Russie. Notons que cet objectif n'a pas changé et tout particulièrement en ce qui concerne la Russie.
Cette nouvelle CPE qui naît dans un contexte nouveau, celui de la guerre en Ukraine, ressemble à s'y méprendre à une tentative de constituer un bloc politique face à la Russie et au Biélorussie. La carte ci-dessus publiée par les services de la présidence de la République le montre éloquemment. De ce point de vue l'intervention du président ukrainien a été un élément clarificateur appelant à "punir l'agresseur" russe et "d'empêcher ses chars d'aller à Varsovie ou Prague".
Si la mobilisation du camp impérialiste européen prend une tournure élargie comparée à l'actuel périmètre de l'UE et de l'OTAN, pour sa partie européenne, il est possible d'y repérer des intérêts divergents. Ceux qui opposent la Grèce et la Turquie à propos de la souveraineté d'îles ayant même fait l'objet d'un accrochage entre les représentants de ces États lors du banquet officiel. Au final d'ailleurs, il n'est sorti aucune déclaration commune de cette rencontre pas plus que des engagements précis sur la suite à lui donner.
Le lendemain de cette CPE, c'est aussi tenu à Prague un sommet des dirigeants de l'UE à propos des questions énergétiques, de leur approvisionnement et du plafonnement des prix du gaz. Deux questions majeures qui divisent les pays européens tant leurs intérêts divergent sur ces sujets. Malgré les déclarations d'unité, c'est plutôt le chacun pour soi et le choix récent de l'Allemagne de financer massivement son économie avec son bouclier de 200 milliards d’euros en faveur de ses entreprises sonne comme un moyen de gagner en compétitivité face à des économies d'autres pays européens incapables d'aligner de telles sommes. Dans le même temps l'Allemagne, qui redoute pour son approvisionnement, s'oppose à la limitation du prix du gaz que réclament les États les plus fragiles économiquement.
La guerre impérialiste en Ukraine, pèse donc très lourd sur les économies européennes et accroît les concurrences entre les groupes monopolistes pour s'assurer les parts de marché. Les questions de l’énergie de par la place qu’elles occupent dans la vie économique sociale et politique des Nations, comme de leur importance majeure dans les relations internationales, sont au cœur d’affrontements de classe à l’échelle nationale et mondiale. Elles déterminent en effet largement les conditions de l’activité économique et sociale sur des temps longs dans un contexte de domination capitaliste des activités productives et d’affrontements exacerbés au sein du système impérialiste.
S’il est clair que les stratégies dans le domaine énergétique se mesurent sur des décennies et dans des espaces géographiques étendus, il n’en reste pas moins que la France doit se doter de sa politique énergétique à partir de ses potentialités et des ses ressources propres. Elle doit, comme elle le fait dans le projet ITER(1) (International Thermonuclear Experimental Reactor : Réacteur Thermonucléaire Expérimental International) accentuer sa part dans la coopération internationale pour le développement de sources d’énergie sures et stables, ce qui implique un développement de la recherche scientifique et technique. Depuis des décennies, après que le secteur de l’électricité ait été nationalisé à la libération, les politiques menées par tous les gouvernements convergent vers une privatisation sélective visant à assurer des taux de profits en hausse pour le capital dans les segments le plus profitables et tout particulièrement dans la distribution. La transition énergétique n’échappe pas à cette tendance, elle en est même une composante. Continuer dans cette voie est dangereux pour l’indépendance nationale et la capacité à répondre aux besoins sociaux. Dans ce domaine comme dans tous les autres, le choix n’est pas dans l’aménagement du capitalisme mais bien dans la lutte pour en finir avec ce système d’exploitation. C’est pourquoi notre parti se bat, dans l’immédiat, pour arrêter le démantèlement du service public et des statuts de ses personnels et plus fondamentalement pour une nationalisation totale du secteur énergétique sur la base d’une politique visant à utiliser tous nos atouts et en particulier l’électronucléaire. C’est dans ce sens que nous intervenons pour une politique d’indépendance nationale et de coopération sur des bases mutuellement avantageuses pour les peuples.

(1)https://www.sitecommunistes.org/index.php/france/economie/997-iter-l-assemblage-a-commence

Au cœur de l’Afrique en mouvement : le Burkina Faso
Le Burkina Faso, ancienne colonie française jusqu’en 1960, vient de vivre deux coups d’état en huit mois. C’est le pays où Thomas Sankara, révolutionnaire marxiste-léniniste a mené, avec le peuple, 1984 à 1987, une politique anticapitaliste de développement avant d’être assassiné par les forces impérialistes. Depuis 2015, une partie du territoire, environ 40 %, est sous le contrôle des djihadistes : le GSIM, Groupe de soutien de l’Islam et des Musulmans, affilié à Al Qaïda et l’Ansaroul Islam, groupe djihadiste local. Ces groupes pillent littéralement le Nord et l’Est du pays réduisant le peuple à la terreur et à la famine. Ils se sont enracinés dans ces régions où préexistaient des tensions entre cultivateurs et éleveurs pour l’accès aux ressources.
Le chef de l’Etat Sandaogo Damiba à la tête du MPSR (Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration), est arrivé au pouvoir en janvier 2022, par un putsch motivé par l’incapacité de son prédécesseur à assurer la sécurité du peuple face aux djihadistes. Mais les attaques régulières de ces derniers continuent à faire des milliers de morts et à provoquer le déplacement de quelque deux millions de personnes. La colère s’installe dans le peuple alimentant le ressentiment anti-français et propice à l’influence croissante des groupes pro-russes derrière le groupe Wagner. Le ministre de la Défense est limogé et le poste confié au président. Ce nouveau régime ne satisfait ni le peuple ni les militaires qui l’avaient soutenu dans son accession au pouvoir. Le 26 septembre, un convoi de ravitaillement vers la ville-martyre, ville assiégée de Djibo, dans le nord du pays, a été pris en embuscade par des rebelles, entraînant la mort de onze soldats burkinabés et l'enlèvement de 50 civils. Le vendredi 30 septembre, au terme d'une journée confuse au cours de laquelle l’ambassade de France et l’Institut français ont été attaqués, un groupe de militaires s'est présenté, devant les caméras de la télévision nationale pour annoncer la mise à l'écart du président Sandaogo Damiba, la fermeture des frontières et la suspension des institutions jusqu'à nouvel ordre. Le 3 octobre, à la télévision, le porte-parole du MPSR déclare qu’Ibrahim Traoré assure les fonctions de chef de l’Etat, chef suprême des forces armées nationales et annonce une charte de transition. Dès le 4 octobre, une délégation de la Cedeao(1) se rend à la capitale Ouagadougou pour rencontrer I. Traoré et évaluer la situation. Elle est accueillie par des manifestants hostiles brandissant des drapeaux russes aux cris de « Non à l’ingérence de la Cedeao », « France dégage », « Vive la coopération Russie-Burkina ».
Des « Assises nationales » rassemblant les forces vives du Burkina Faso et devant désigner un président de transition avant l’organisation d’élections d’État se tiendront les 14 et 15 octobre, selon un décret présidentiel lu samedi à la télévision. Les Burkinabés ne sont pas dupes quant à la main qui veut toujours tenir le bâillon : le capital qui lorgne sur les richesses de leur pays, pétrole, or et depuis des découvertes récentes, l’uranium et la kimberlite(2) aux intérêts multiples et pleine de promesses. Si Macron fustige les avancées de la Russie au Burkina et dans d’autres pays africains, ce n’est pas pour aider le burkinabé à exploiter lui-même ses propres richesses mais pour permettre aux multinationales d’y réaliser des super profits. Ce nouveau coup d'État montre à quel point le continent africain est au centre des convoitises des puissances capitalistes(3) . Le peuple n’a rien à attendre de ce changement de tutelle et ne se laisse pas prendre au mythe d’un « nouveau Sankara » mythe créé de toutes pièces par le capital pour soutenir Traoré dont les orientations lui conviennent. Nous le soutenons dans sa lutte pour reprendre en main son destin.

(1)Cedeao : Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, est une organisation intergouvernementale ouest-africaine créée le 28 mai 1975. Cette structure est destinée à coordonner les actions des pays de l’Afrique de l'Ouest. En réalité, il a s’agit d’une construction capitaliste chargée de protéger et promouvoir les intérêts capitalistes des anciens colonisateurs de la région.
(2)La kimberlite est une roche d'anciennes cheminées volcaniques dont un grand nombre se sont mises en place à la surface de la croûte terrestre au Crétacé. On y trouve du diamant.
(3)https://www.sitecommunistes.org/archives/ch458afrique.html

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