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N° 814 29/03/2023 Le président chinois, Xi Jinping a rendu récemment visite à son homologue russe, Vladimir Poutine.

Leur entrevue a donné lieu à une déclaration commune qui indique un renforcement des liens économiques bilatéraux, mais aussi une convergence de vue sur la vision du monde capitaliste qu’ils promeuvent. Les dirigeants de ces puissances impérialistes y ont affirmé leur volonté de prendre toute leur place dans la concurrence inter-impérialiste.

Le renforcement des liens économiques entre les deux pays et dans la région
Cette rencontre a d’abord servi à souligner l’importance des liens commerciaux entre les deux pays et de les renforcer.
Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, la Russie, en raison des sanctions économiques de ses rivaux impérialistes qui soutiennent le régime de Kiev, a réorienté son économie, notamment vers l’Asie et plus spécifiquement vers la Chine, qui, en échange, a substantiellement augmenté ses importations en hydrocarbure russe. Ainsi, les échanges commerciaux entre les deux pays ont connu une hausse de 34 % sur l'année, atteignant en 2022 un montant record de 190 milliards de dollars. « Les entreprises russes sont en mesure de répondre à la demande croissante de la Chine en énergie. », a déclaré hier Vladimir Poutine lors de ses pourparlers avec Xi Jinping au Kremlin. L'objectif est de livrer à la Chine au moins 98 milliards de mètres cubes de gaz russe et 100 millions de tonnes de GNL russe d'ici 2030.
Moscou a pu également compenser son programme d’importation de biens venus des pays de l’UE en trouvant un marché en Chine, notamment pour l’automobile et la technologie.
La déclaration commune, publié à l’issue de la visite du président chinois à Moscou, mentionne un « partenariat énergétique plus étroit », mais aussi la poursuite de la coopération entre les deux pays « dans la construction aéronautique civile, la construction automobile, la construction navale, la métallurgie et d'autres domaines d'intérêt mutuel ».
Dans ce cadre, l’accent est mis sur le développement de l’Eurasie, avec les gros projets que la Chine veut réaliser dans la région comme la "route de la soie". Ce projet, baptisé « Une ceinture, une route" consiste à créer cinq corridors, sortes de gros tuyaux comprenant voies ferrées et autoroutes, reliant la Chine, d’une part au Sud-Est asiatique à partir de Kunming, la capitale du Yunnan, vers la Malaisie et Singapour via le Laos, vers le golfe du Bengale via la Birmanie, d’autre part à l’Asie centrale à partir de Kashgar vers le Pakistan et le port de Gwadar, à partir de Khorgos vers le Kazakhstan et les pays de la mer Caspienne. Ces corridors ont le double objectif de favoriser les zones frontalières et d’ouvrir de nouveaux marchés aux produits chinois mais aussi de multiplier les points d’échange et de pouvoir s’affranchir, le cas échéant, des ports de la côte Pacifique. Or la déclaration commune promeut « le développement parallèle et coordonné de "la Ceinture et la Route" et du "Grand partenariat eurasiatique", ainsi que le processus d'intégration bilatérale et multilatérale au profit des peuples d'Asie et d'Europe ». Elle insiste également sur le développement du partenariat à trois avec la Mongolie, à travers, notamment, un nouveau projet de gazoduc.
Enfin, les deux pays vont aussi développer leur coopération militaire notamment dans « la prévention des "révolutions de couleur", la criminalité transnationale organisée, la criminalité économique et la criminalité liée à la drogue. » Ainsi, les deux pays organiseront régulièrement une coopération maritime et aérienne conjointe.

Le renforcement d’un bloc économique rival de celui autour des USA
Mais le document revendique également un nouveau monde, multipolaire, opposé au monde unipolaire avec une seule puissance impérialiste aux commandes, les USA.
L’introduction de la partie V du document final est très éclairante à ce sujet : les deux pays « réaffirment leur engagement à défendre fermement le système international avec les Nations unies en son centre, l'ordre international fondé sur le droit international et les normes fondamentales des relations internationales basées sur les objectifs et les principes de la Charte des Nations unies, et à s'opposer à toutes les formes d'hégémonisme, d'unilatéralisme et de politique de puissance, à la pensée de la guerre froide, à la confrontation entre les camps et à la création de cercles restreints ciblant des pays spécifiques. ». Mais il s’agit bien de commerce, puisque le texte se poursuit en indiquant la position commune des deux États en faveur de « la construction d'une économie mondiale ouverte, le maintien du système commercial multilatéral avec l'Organisation mondiale du commerce en son centre, la promotion de la libéralisation et de la facilitation du commerce et de l'investissement, l'appel à un environnement de développement ouvert, équitable, juste et non discriminatoire, l'opposition à l'unilatéralisme et aux actes protectionnistes, et l'opposition à "l'édification de murs et de barrières" et à "la création d'un environnement favorable à l'investissement". ». Ce monde multipolaire est bien celui d'un système capitaliste mondial à son stade impérialiste, dominant le monde et où s'affrontent des blocs concurrents.
Les dirigeants des deux pays mettent en avant les organismes de coopération économique auxquels ils participent : l’Organisation de Coopération de Shangaï (avec le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan, l’Inde, le Pakistan et l’Iran) et les BRICS (avec le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud).
Ce monde multipolaire consiste donc à organiser un bloc de puissances capitalistes opposées au bloc constitué autour de la puissance impérialiste dominante, avec ses « seconds couteaux » impérialistes, comme la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne ou le Japon. L’objectif affiché de s’opposer à la confrontation entre les camps est, bien entendu illusoire, tant que le système capitaliste perdure, et tant que les dirigeants de ces deux grands pays ne manifestent aucune intention d’en sortir. En fait, le seul problème, dans ce monde, pour Poutine et Xi, n’est pas le stade impérialiste mais les USA comme puissance concurrente auxquels ils « demandent instamment de cesser de porter atteinte à la sécurité internationale et régionale et à la stabilité stratégique mondiale afin de maintenir leur propre supériorité militaire unilatérale. ».

Pour le Parti Révolutionnaire Communistes, ces concepts de monde unipolaire et multipolaire sont des leurres. La réalité est que nous vivons dans un monde totalement ou presque gagné au capitalisme, ce qui signifie un aiguisement des conflits entre les puissances, l’idée de régler des différents par la guerre et le maintien des peuples sous le joug de l’exploitation. Ce n’est pas d’un monde multipolaire que nous avons besoin, mais d’un monde débarrassé du capitalisme, un monde sans puissance impérialiste, ni les États-Unis et leurs partenaires, ni leurs rivaux impérialistes.

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