Du 22 au 24 août s'est tenu en Afrique du Sud le 15e sommet des BRICS[1]. Cyril Ramaphosa, le Président sud-africain, y a été rejoint par Narendra Modi (Inde[2]), Luiz Inácio Lula da Silva (Brésil[3]) et Xi Jinping (Chine[4]). Vladimir Poutine (Russie[5]) n'a pas été pas présent. S'il avait été présent, l'Afrique du Sud, en tant que membre de la Cour pénale internationale, aurait été obligée de donner suite au mandat d'arrêt que cette Cour a délivré en mars à l'encontre du président russe. La Russie était donc représentée par son ministre des Affaires étrangères S. Lavrov et V. Poutine est intervenu par vidéo-conférence
Les BRICS, composé du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud ont gagné en importance cette dernière décennie, avec la montée en puissance de ses membres, surtout l’Inde et la Chine qui sont devenues respectivement les 5éme et 2éme puissances mondiales. La part de la Chine dans la production des BRICS qui était de 47 % en 2001 est aujourd'hui de 70 %. En 2022, elle représentait 69 % de l'ensemble des échanges commerciaux du groupe, contre 55 % en 2001.
Les BRICS ont une population de 3,24 milliards d’habitants, soit 40 % de la population mondiale. En 2001, ils représentaient 8 % du PIB mondial. En 2023, ils contribuent à 31,5 % du PIB mondial, dépassant pour la première fois la part du G7[6] (30,7 % du PIB mondial).
Le fait que le cœur du commerce mondial et du développement du capitalisme[7] se situe aujourd'hui en Asie et dans le Pacifique[8] montre l'importance de la présence de l'Inde de la Chine et de la Russie dans les BRICS.
La caractéristique majeure des États constituants les BRICS c'est que ce sont des États de développement capitaliste qui sont qualifiés d'émergents, plus ou moins intégrés dans l'économie mondiale et qui aspirent à occuper une place plus importante dans la gouvernance mondiale OMC, FMI, ONU...largement dominée par les États-Unis et leurs alliés occidentaux et qui les utilisent largement au profit de leurs monopoles dans la lutte acharnée et violente qu'ils se livrent avec leurs États pour contrôler les accès aux ressources naturelles, aux voies de communications et à la force de travail. Pour autant les BRICS sont loin de constituer un bloc homogène, ce d'ailleurs qu'ils ne revendiquent pas, mais un ensemble où les intérêts communs l'emportent sur les divergences et qui cherchent à consolider leurs positions dans l'ordre capitaliste mondial avec parfois une ambivalence quant à leurs relations extérieures comme c'est le cas pour l'Inde et le Brésil. Comme l'écrit le journal La Tribune :" Les États-Unis ont affirmé mardi 22 août ne pas voir dans les BRICS de futurs « rivaux géopolitiques ». Washington a déclaré avoir l'intention de maintenir de « solides relations » avec le Brésil, l'Inde et l'Afrique du Sud, tout en continuant à « gérer » ses relations avec la Chine".
Cette réalité contradictoire, au-delà des déclarations verbales sur l'émancipation du néo-colonialisme, se reflète dans les principales décisions prises lors de ce 15éme sommet. La plus remarquée est l'extension des BRICS par l'admission de six nouveaux membres de plein exercice : l'Argentine, l'Égypte, l'Éthiopie, l'Iran, l'Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis. Si la présence de l'Argentine, en grande difficultés économique, renforce la situation du Brésil au sein du groupe, comme celle des deux plus grands pays africains celle de l'Afrique du Sud, le plus remarquable, ce sont les admissions de trois pays majeurs dans le domaine de la production pétrolière et gazière : l'Iran, l'Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis. Avec la Russie au sein de l'OPEP+, ce pôle énergétique pèsera plus lourd dans les stratégies de production et donc de prix s'assurant ainsi d'un poids économique et politique mondial plus important. Pour sa part l'Arabie Saoudite possède d'importants moyens en capital financier et pourra contribuer au renforcement de la Nouvelle Banque de Développement[9] des BRICS et élargir ainsi son champ d'action. De manière complémentaire, la déclaration finale du sommet préconise une coopération économique renforcée des États membres en plaidant pour l'utilisation des monnaies nationales pour leurs échanges. Si certains voient là une voie pour la dédollarisation des échanges commerciaux mondiaux, il y a loin de la coupe aux lèvres compte-tenu des volumes respectifs mis en jeu.
Au plan international, le sommet s'est prononcé pour la résolution pacifique et négociée des conflits en cours, notant, en ce qui concerne l'Ukraine, le rôle de la mission des pays africains dans ce sens. Pour autant, aucun pays membre des BRICS ne s'est prononcé formellement comme un soutien à l'opération spéciale de la Fédération de Russie en Ukraine, rappelant prudemment leur attachement au respect de la souveraineté nationale et de l'intégrité territoriale des États. Les BRICS veulent aussi que la voix du Sud Global[10] soit mieux entendue et intégrée dans le G20[11] durant la présidence de l'inde en 2023 et du Brésil et de l'Afrique du Sud en 2024 et 2025. Nous sommes loin, là aussi, du renversement de la table de l'impérialisme, mais au contraire dans la recherche d'une place plus importante dans la concurrence capitaliste mondiale.
Au bilan, le développement des BRICS, dont il faudra trouver un autre acronyme à onze, reflète la volonté de nombreux pays de trouver un ordre capitaliste mondial qui soit, du point de vue de leurs intérêts, plus équilibré. Si cette volonté est en partie orthogonale au maintien d'une puissance impérialiste dominée par les États-Unis, elle ne remet pas en cause fondamentalement l'existence du système impérialiste lui-même. C'est à la lutte des peuples, de leur classe révolutionnaire que revient la tâche historique d'en finir avec le capitalisme dans leur propre pays en s'appuyant sur la solidarité internationaliste de classe.
[1] BRICS acronyme des pays constitutifs de ce groupe : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud
[2] https://www.sitecommunistes.org/index.php/monde/proche-et-moyen-orient/2381-inde-pays-capitaliste-poids-lourd-de-l-economie-mondiale
[3] https://www.sitecommunistes.org/index.php/monde/amerique-du-sud/2393-le-bresil-acteur-ou-enjeu-du-choc-des-blocs-imperialistes
[5] https://www.sitecommunistes.org/index.php/monde/europe/2407-russie-un-pays-capitaliste-aux-pieds-dargile
[6] G7 : Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni.
[7] https://www.sitecommunistes.org/index.php/monde/asie/1715-2022-la-montee-du-capitalisme-en-asie-va-se-confirmer
[8] Sur les dix premiers ports de commerce mondiaux, neuf se situent dans la région asiatique dont trois des cinq BRICS : Chine, Inde, Russie.