N° 915 05/03/2025 Au niveau des relations internationales, les événements récents : rencontre États-Unis-Russie, Zelinsky-Trump-Vance, rencontre Zelinsky-Starmer, réunion de responsables européens et de l'OTAN avec Zelinsky à Londres, donnent le tournis aux hommes politiques et aux commentateurs à la fois par les réalignements profonds qu'ils sous-tendent dans les relations internationales et par l'accélération de ces processus. De ce point de vue, le titre du journal Les Échos du lundi 3 mars résume l'ampleur des mouvements en cours que l'on peut qualifier de tectoniques : " L'Europe cherche sa place dans le nouvel ordre mondial ". Il suffirait de préciser : le nouvel ordre mondial capitaliste pour que l'on s'approche de la réalité.
S’il est facile de s'y perdre et donc difficile de s'y retrouver, c'est que la complexité des choses est, d'une part, largement brouillée par la volonté de nos dirigeants politiques de masquer la nature des enjeux et des causes profondes qui engendrent les changements en cours et d'autre part d'en cacher les lourdes conséquences pour les peuples.
Depuis la fin de l'URSS dont l'existence comme État socialiste, structurait avec ses alliés le comportement des principales puissances capitalistes au travers de l'OTAN, sous la conduite des États-Unis comme force dominante au sein de l'impérialisme, la montée en puissance de l'Asie et tout particulièrement de la Chine, ont déplacé la zone des affrontements inter-impérialistes de l'Europe vers l'Asie. Nous avons qualifié ce processus à plusieurs reprises et tout particulièrement lors d'un bureau national consacré à ces questions1.
Toutes les puissances capitalistes, se situent aujourd'hui dans la problématique de leurs rapports plus ou moins conflictuels avec la Chine et en premier lieu les États-Unis qui l'on désignée depuis plusieurs années comme un ennemi systémique. Cependant, l'économie états-unienne est fortement liée à celle de la Chine. Ainsi, les échanges commerciaux entre la Chine et les États-Unis ont totalisé plus de 530 milliards de dollars (environ 500 milliards d'euros) sur les 11 premiers mois de 2024, selon Washington2. En ce qui concerne l'Europe, c'est l'Allemagne qui entretient les rapports économiques les plus intenses avec la Chine3. La volonté politique des États-Unis de défendre ce qu'ils jugent de leurs intérêts par une guerre commerciale contre la Chine et d'autres États dans le monde, si elle se traduit aujourd'hui par une plus grande intensité n'est pas une nouveauté, pas plus que la concurrence acharnée à laquelle se livrent les puissances capitalistes pour contrôler l'accès aux ressources naturelles, aux moyens de communications et à la force de travail. En effet la seule boussole de ces puissances et des monopoles, ce sont les taux de profits et l'accumulation du capital.
C'est dans ce contexte qu'a commencé et que se développe une guerre impérialiste sur le territoire de l'Ukraine4. L'Union Européenne, dans l'Alliance Atlantique sous direction états-unienne s'est fortement impliquée économiquement et militairement dans cette guerre avec l'objectif d'affaiblir la Fédération de Russie. Mais, après trois ans de guerre, de nombreuses destructions et pertes de vies humaines, la réalisation des buts de guerre des protagonistes semble bien lointaine5. Les États-Unis qui entendent consacrer tous leurs efforts vers l'Asie et la Chine entendent se débarrasser de ce qu'ils considèrent être un fardeau pour leur économie et leurs marges de manœuvres au plan de leurs relations internationales. Il n'y a là aucune trace d'idéologie mais bel et bien l'analyse - correcte ou non, l'avenir le dira - que leurs intérêts de puissance impérialiste ne sont pas dans la continuation de leur intervention directe dans cette guerre. Nous sommes donc bien loin de l'analyse sommaire de tous ceux qui décrivent les affrontements contemporains comme ceux de l'occidental global contre le sud global. Il n'y a en effet, ni occidental global ni sud global, il y a une réalité mondiale dominée par le capitalisme à son stade impérialiste avancé où se meuvent des puissances dominantes, semi-dominantes et dominées et ce sont au regard des uns et des autres, les rapports de forces qui déterminent leurs comportements politiques.
Dans ces conditions, les pays de l'Union Européenne se trouvent confrontés, si ce n'est à un retournement des alliances qui reste à démontrer, à une situation qui met à l'épreuve son statut d'alliance impérialiste. De ce point de vue, elle tente de jouer le rôle d'un rempart face à la Fédération de Russie dont elle considère que leurs intérêts sont profondément contradictoires ; sous couvert évidemment du discours sur les valeurs démocratiques dont elle serait porteuse. Elle entend ainsi continuer cet affrontement en continuant de mener la guerre en Ukraine. Dans ce sens l'UE tente d'engager, avec ses États les plus puissants, une politique de réarmement massif. La somme de 800 milliards d'euros est ainsi annoncée par Ursula von der Leyen avec son plan reameurop6. La France, l'Angleterre (non membre de l'UE), l'Allemagne, l'Italie... affichent de leur côté la volonté de réarmer. Cependant, cette orientation est loin de faire l'unanimité au sein des pays de l'UE entre ceux qui penchent vers les États-Unis et ceux qui préconisent le renforcement des liens de l'Europe occidentale avec la Russie, estimant qu'il y a plus à gagner dans la coopération que dans la confrontation. L'Allemagne est particulièrement bien placée pour le savoir puisque la rupture économique avec la Russie lui vaut une crise économique sans précédent du fait de l'augmentation des prix de l'énergie. Enfin, si, en France, les va-t-en guerre sont nombreux sur l'échiquier politique du Conglomérat Central au PS en passant par les Républicains et les verts, ils se gardent bien de mettre en évidence le coût social de telles orientations !
Que faire face à cette situation dont la dangerosité pour la paix mondiale est réelle ? S'aligner sur son propre impérialisme ou le combattre ? S'aligner sur son propre impérialisme c'est accepter de livrer pieds et poings liés les travailleurs aux appétits sans limite des capitalistes, accepter la liquidation des conquêtes sociales, accepter la baisse des salaires et des pensions. C’est accepter que se perpétue cette société de rapine qu'est le capitalisme avec toutes les injustices et les inégalités qu'elle engendre. Le combattre, c'est s'organiser dans les luttes sociales et politiques pour faire reculer les prétentions de la classe capitaliste jusqu'à l'abattre ouvrant la voie à la construction d'une société sans exploitation et sans guerre : une société de coopérations des producteurs et des peuples : le socialisme. C'est dans cette voie que notre parti refuse l'union sacrée des exploités avec les exploiteurs et entend mener la lutte pour contrer la politique de réarmement et exiger le retrait de la France de l'OTAN. Si nous sommes pour une politique de défense nationale, nous pensons qu'elle doit s'appuyer sur le peuple pour défendre ses intérêts et pas ceux des capitalistes.
2 Pour comparaison : Le projet de loi de finances pour la France en 2025 présente une dépense totale de 490 Md€ sur le périmètre des dépenses de l'État (PDE)
4 https://www.sitecommunistes.org/index.php/publications/documents/1934-un-document-pour-mieux-comprendre-les-raisons-et-les-consequences-de-la-guerre-en-ukraine