N° 945 30/10/2025 La tournée de D. Trump en Asie a coïncidé avec la tenue à Pékin du 4e plénum du Parti Communiste Chinois consacré à l'élaboration du 15e plan quinquennal de développement économique et social1. Si les calendriers n'étaient certainement pas concertés, la proximité des événements, puis la rencontre entre les Présidents Xi Jiping et Trump à l'occasion du sommet de l'Apec2 en Corée du Sud, sont là pour nous rappeler ce dont il est principalement question: l'évolution des rapports de force au sein de l'impérialisme. Nous reviendrons dans un prochain article concernant la rencontre entre Xi Jiping et Trump et sur les décisions du 4e plénum du XXe Comité central du Parti communiste chinois.3
Incontestablement , les plaques tectoniques des affrontement au sein de l'impérialisme se sont déplacées vers l'Asie4, et se traduisant par des tensions.
Selon l'économiste Benjamin Bürbaumer5 : "Les tensions sino-américaines sont aujourd’hui très vives car, fondamentalement, la Chine tente de remplacer la mondialisation par une réorganisation sino-centrée du marché mondial. Dans cette optique, elle poursuit la mise en place de nouvelles infrastructures à travers lesquelles les marchandises et capitaux pourront circuler dans le monde entier. Si donc les contradictions de l’accumulation du capital ont d’abord poussé les États-Unis à impulser la mondialisation, ces mêmes contradictions conduisent la Chine à la contester aujourd’hui."
Les nouvelles infrastructures dont il est question ici concernent principalement les voies de communications maritimes assurant, rappelons 80% du commerce mondial et les communications immatérielles qui impliquent la mise en oeuvre des technologies de l'information et de l'intelligence artificielle.
Sur le premier volet, le retard pris par les États-Unis par rapport à la Chine est flagrant6, il faut plonger bien loin dans la liste des leaders de la construction navale dans le monde pour y trouver une entreprise états-unienne, tandis que les chantiers navals asiatiques tiennent le haut du pavé. Pas étonnant dans ces conditions, que l'accord d'investissement de 350 milliards de dollars de la part de la Corée du sud signé avec les États-Unis concerne tout particulièrement la construction navale, dont le plan d’investissements sud-coréens aux Etats-Unis est de 150 milliards de dollars dans ce secteur.
Concernant la Malaisie, Trump s'est attaché à trouver un accord sur les terres rares, absolument indispensables pour développer toutes les technologies de communication et d'IA. Dans ce domaine, la Chine maîtrise et l'extraction et la purification en dominant largement le marché mondial7. Elle se sert d'ailleurs de cet avantage comme un outil de pression afin de contrer les attaques états-uniennes en matière de droits de douanes. Cependant, même si cet accord devient opérationnel, nous serons dans les limites basses des besoins états-uniens. De plus, la Malaisie, selon l'agence Reuters, n'entend pas couper les ponts avec la Chine, ainsi le fond souverain malaisien Khazanal8 serait en discussion avec une entreprise chinoise dans le but de construire une usine de terres rares en Malaisie.
L'impression générale que donne le contenu des accords avec la Malaisie, la Thaïlande, le Vietnam, le Japon, la Corée du Sud... Trump s'est servi des droits de douanes acceptant de les baisser à une moyenne de 19% pour ces pays dans leur exportations vers l'Amérique, contre 0% pour l'importation de produits en provenance des États-Unis, il leur a forcé la main pour accepter de lourds investissement dans le capitalisme états-uniens9, comme pour l'achat de ressources énergétiques. C'est ainsi que le journal Le Monde écrit10 : " L'Asie du Sud-Est est passée à la caisse." Cette réalité d'accords plutôt défavorables aux pays asiatiques concernés, peut présenter une face négative au sujet des États-Unis dans la mesure où l'économie et les échanges dans la région sont dominés par la puissance économique et commerciale de la Chine. Il est même possible de penser que la volonté existante d'un grand marché commun de libre échange asiatique fasse son chemin plus vite que prévu.
Il convient donc de suivre attentivement l'évolution des politiques dans la région de l'Asie du Sud-Est sans perdre le fil conducteur de la concurrence mondiale que se livrent les grands monopoles capitalistes et les États qui les servent.
4 https://www.sitecommunistes.org/index.php/monde/monde/1460-le-centre-des-affrontements-au-sein-de-l-imperialisme-se-deplace-vers-la-zone-asie-pacifique
5 Benjamin Bürbaumer est économiste, maître de conférences à Sciences Po Bordeaux. Spécialiste de la mondialisation et de l’économie politique internationale, il est l’auteur de Le Souverain et le Marché (Éditions Amsterdam, 2020) et de Chine/États-Unis, le capitalisme contre la mondialisation.
6 https://fr.ouco-industry.com/les-20-plus-grandes-entreprises-de-construction-navale-au-monde/#Top_Shipbuilding_Companies_List
7 La Chine assure plus de 60 % de l'extraction minière des métaux appelés « terres rares » et 92 % de leur production raffinée à l'échelle mondiale, selon l'Agence internationale de l'énergie. Ces matériaux sont essentiels pour le numérique, l'automobile, l'énergie ou encore l'armement.
9 dans le cas du Japon la valeur de 550 milliards d'investissement japonais a été cité dans la presse : https://www.lemonde.fr/international/article/2025/10/29/au-japon-donald-trump-et-sanae-takaichi-promettent-un-nouvel-age-d-or-des-relations-nippo-americaines_6650136_3210.html