Gantry 5

 

N° 875 29/05/2024  L’Académie des sciences, assemblée pluridisciplinaire, nous a sollicité pour connaitre nos analyses et positions politiques sur trois thèmes majeurs associant sciences, technique et société  qui concernent l’Energie du futur, l’Agriculture et la Nature, le Numérique:

Thème énergie
Questions
  1. Dans le cadre de la trajectoire vers une énergie bas-carbone, quelle place accordez-vous aux énergies renouvelables (hydraulique, solaire et éolien) et au nucléaire dans le mix énergétique de l’Europe – et dans celui de notre pays – à horizon 2050 ?
  2. Comment envisagez-vous l’utilisation de l’hydrogène comme porteur d’énergie en Europe à l’horizon 2050 ?
Réponses :  Dans le cadre de la trajectoire vers une énergie bas-carbone, quelle place accordez-vous aux énergies renouvelables (hydraulique, solaire et éolien) et au nucléaire dans le mix énergétique de l’Europe – et dans celui de notre pays – à horizon 2050
La question première dans le domaine de l'énergie compte tenu de la taille des investissements et des échelles de temps nécessaires aux mises en œuvre est la suivante : Peut-on laisser ce secteur vital être régi par les lois du marché ? Notre réponse est clairement non, ce secteur d’activité nécessite une planification de long terme. La deuxième question réside dans le fait que les pays européens développent des politiques propres à leurs intérêts et qu'il serait dangereux de soumettre notre politique énergétique à des décisions communautaires, comme elle s’est trouvée en risque dernièrement sur le développement du nucléaire avec un intense lobbying des pays hostiles à ce type d’énergie. Pour autant, comme avant la libéralisation des systèmes électriques, une coopération et une interconnexion des réseaux est toujours souhaitable. Pour la France, nous sommes donc clairement pour un secteur public de l'énergie basé sur des entreprises complètement nationalisées s'affranchissant de la spéculation capitaliste.
S'agissant de la technique, la recherche d'une production bas-carbone implique de développer toutes les ressources possibles qu'il s'agisse de l'éolien du solaire, de l'hydraulique et du nucléaire. Mais soyons clairs les moyens intermittents comme l'éolien et le solaire, au-delà de la problématique du réseau et de sa complexification, posent la question de l'équilibre productif du système global. De notre point de vue, compte-tenu des limites de l'hydraulique, l'équilibre ne peut être atteint, d'un point de vue décarboné, que par une forte composante nucléaire. La France a des atouts dans ce domaine et doit renforcer résolument cette filière industrielle. Nous recommandons également la reprise du projet Astrid (4ème génération) et la poursuite du développement du projet international ITER.
Comment envisagez vous l’utilisation de l’hydrogène comme porteur d’énergie en Europe à l’horizon 2050 ?
L’hydrogène comme porteur d’énergie est une vieille illusion. En 1923, John Haldane, anticipant l’épuisement du charbon en Grande-Bretagne pour la production d’électricité, proposait la création d’un réseau d’éolienne produisant de l’hydrogène par électrolyse de l’eau. Régulièrement en fonction des crises énergétiques, réapparait un engouement pour la filière hydrogène, qui, malgré les subventions, se fracasse sur la réalité des coûts. L’hydrogène (H2) n’existe pratiquement pas sous forme de gisement et doit donc être produit. Ce n’est donc pas une énergie primaire. Il doit être produit à partir d’une autre source d’énergie et d'une matière première qu'il s'agisse du charbon ou du méthane. De surcroit, la thermodynamique nous indique que l'énergie nécessaire pour rompre les liaisons H-O est élevée. Il est donc plus cher que la source d’énergie primaire utilisée pour le produire. Sa production par vaporeformage à partir du gaz naturel très abondant dans le monde est de loin la moins onéreuse. Sa production par la biomasse est un leurre car elle produit trop de sous-produits polluants et les installations ne peuvent être que de petites tailles ce qui augmentent fortement son coût. L’électrolyse de l’eau est très séduisante sur le papier mais c’est un système très complexe qui n’a jamais dépassé le stade du prototypage pour des problèmes de coûts, son rendement est au maximum de 30%.
L'utilisation de l’hydrogène comme vecteur d’énergie n'est donc pas si simple et les propriétés physiques de ce gaz rendent son utilisation démultipliée délicate. Son utilisation ne peut être qu’industrielle. Il faut arrêter de gaspiller de l’argent sur l’utopie H2. L’UE doit arrêter de financer des installations semi-industrielles qui ne peuvent aboutir qu’à des échecs économiques sauf pour ceux qui bénéficient des généreuses subventions. L’hydrogène n’est pas une « molécule philosophale » elle est destinée pour très longtemps à la chimie et non à l’énergie. L’hydrogène est une molécule bien trop précieuse pour être dilapidée là où les énergies fossiles et nucléaires suffisent à répondre aux besoins croissants en énergie dans le monde. Il est étrange de vouloir la brûler comme un banal gaz naturel alors que près de 85% de l’hydrogène dans le monde est produit à partir de ce même gaz naturel. L’économie a tout à gagner à s'appuyer sur les lois de la Physique et de la Chimie, sur les besoins humains et non sur les intérêts du capitalisme.
Thème agriculture et nature
Questions
  1. Comment considérez-vous les nouvelles techniques génomiques (NGT en anglais) pour leur utilisation agronomique, en particulier par rapport aux techniques de transgénèse utilisées antérieurement et regroupées sous le terme d’OGM ?
  2. Quelles mesures préconisez-vous pour préserver la biodiversité à l’échelle européenne ?
Réponses:  Comment considérez-vous les nouvelles techniques génomiques (NGT en anglais) pour leur utilisation agronomique, en particulier par rapport aux techniques de transgénèse utilisées antérieurement et regroupées sous le terme d’OGM ?
L’introduction par l’Homme de gènes dans une plante n’est que la reproduction de ce que la nature à fait et qui est un des mécanismes de l’évolution. Les OGM malgré leur diabolisation sont largement répandus dans le monde, sauf en Europe. Aucun des effets délétères annoncés sur la santé humaine et animale ainsi que sur la biodiversité n’a été identifié à ce jour.
L’activisme des associations et ONG environnementales auprès de la Commission européenne et du Parlement n’est pas sans conséquence. Que de frilosité des instances européennes pour autoriser la culture de plantes NGT. L’édition du génome qui a valu le prix Nobel à la française Emmanuelle Charpentier et à l’Américaine Jennifer Doudna ne peuvent toujours pas être utilisées en Europe pour modifier des organismes végétaux commercialisables. De leurs côtés, les USA et la Chine ont engagé des dépenses colossales pour des programmes d’édition du génome en médecines humaine, vétérinaire et pour l’amélioration des plantes. En 1997, la Commission européenne avait publié un document intitulé « Pour un Europe de la connaissance » qui commençait ainsi « Constatant que nous entrons désormais dans la "Société de la Connaissance", la Commission, dans son Agenda 2000, a proposé de faire des Politiques qui en sont les moteurs naturels (innovation, recherche, éducation, formation) l'un des quatre axes fondamentaux des politiques internes de l'Union. ». Il est évident que nous en sommes très loin. Ainsi, L’asservissement de l’UE à l ‘écologisme la plonge dans une stratégie de déclin
Notre parti est très attaché au développement de la connaissance et donc de la recherche scientifique. En même temps, il est attentif à la mise en œuvre sociale sous forme de technique et de production qui sont des enjeux de la lutte des classes comme le soulignait F. Engels dans son ouvrage : Dialectique de la nature. Nous avons toujours soutenu l'idée que les recherches sur l'amélioration rationnelle des espèces végétales pouvait être un moyen de répondre de manière stable aux besoins alimentaires de la population mondiale en tenant compte des ressources disponibles en terre et en eau, tout en permettant la vie dans un environnement, de l'air de l'eau et des sols, non dégradé. C'est pourquoi, nous envisageons sereinement l'utilisation des techniques génomiques, notamment celle de l’édition du génome. Pour autant, nous sommes attentifs au fait que l'accaparement des terres et de l'eau par des groupes monopolistes agro-alimentaires capitalistes est un danger pour le développement de l'Humanité.
Quelles mesures préconisez-vous pour préserver la biodiversité à l’échelle européenne ?
Concernant la biodiversité, le débat est entièrement structuré par l’idéologie des associations, ONG environnementalistes au détriment d’une approche rationnelle. Comme pour le climat, l’ambiance dominante est celle du catastrophisme. Les pays de l'Europe géographique sont de longue date densément peuplés et urbanisés, bénéficiant de réseaux de communications abondants, il s'y pratique une agriculture et un élevage qui dès le Moyen-Age ont entraîné des modifications sensibles de l'environnement. Il est donc possible de dire que les territoires des pays européens ont été et sont largement dominés et transformés par les activités humaines, qu'elles soient agricoles et/ou industrielles. Loin de rêver à un retour impossible au jardin d'Eden, il convient d'assurer par des législations simples et contraignantes la garantie d'un environnement qui permettent, dans leur travail et la vie courante aux salariés et à leurs familles, une vie saine en donnant l'espace possible à des espaces naturels protégés.
Thème numérique
Questions
  1. Selon vous, quels bénéfices peut-on attendre de l’intelligence artificielle (IA) au niveau européen et quels sont les sujets de préoccupation qui doivent être pris en considération?
  2. Comment envisagez-vous le partage et la protection des données personnelles au niveau européen, dans un monde numérique ?
Réponses: Notons en préambule que le contenu de l’Intelligence Artificielle (IA) est en totale inadéquation avec sa dénomination à caractère mensongère comme tout terme promotionnel. De fait, l’intelligence ne se résume pas à une puissance de calcul et de traitement d’une masse d’information.
Pour autant, il convient d’admettre le bénéfice d’une telle technique dans les secteurs particuliers de recherches qui permettent de tester des conjectures ou d’affiner des modélisations.
En revanche, dans les domaines plus communs, dans lesquels l’IA est usitée déjà couramment (par exemple suivis de « navigation » sur les réseaux sociaux pour cadrer le « profil » de l’utilisateur), l’intronisation de l’IA pose question, en particulier dans l’usage de données sans autorisations de leurs émetteurs. L’IA présente également des dangers pour un nombre important de travailleurs dont les missions pourraient être remplies à meilleur compte par des procédures d’IA. Enfin, en termes de démocratie et de liberté publique, l’IA présente des risques si évidents que la fascination qu’elle provoque auprès de quelques décideurs interrogent.
La vague de l’IA semble irrépressible d’autant qu’elle est encouragée par de puissants intérêts capitalistiques. A notre sens, la situation appelle à une vigilance des forces démocratiques et à une réflexion au sujet des droits d’intervention du monde du travail face à cette technique potentiellement destructrice.
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