Gantry 5

 

755-08/02/2022 Auditionné par le Sénat et l’Assemblée nationale pour sa candidature à la Direction du Centre National de la Recherche Scientifique, Antoine Petit, le candidat du Président de la République, a reconnu que

le CNRS avait perdu 11% de ses effectifs en 10 ans soit 3 000 postes ! Le CNRS étant le premier organisme national de recherche, il s’agit bien d’une réduction du potentiel national de recherche. Aurions-nous atteint les limites de la connaissance ? Apparemment oui ! Nous connaitrions tout de l’univers, des lois de la physique, la chimie n’auraitent plus rien à nous apporter de nouveau, les cellules animales et végétales n’auraient plus de secret, nous saurions soigner toutes les maladies, nous connaitrions toutes les interactions des êtres vivants et de leur milieu ! Les Sciences humaines et sociales n’auraient plus rien à nous apprendre que nous ne saurions déjà ! Quant à l’Histoire et à la Préhistoire, hormis quelques détails tout serait connu ! Tout un chacun sait pertinemment qu’il n’en est rien ! Antoine Petit dit que dans le même temps la masse salariale est passée de 80% à 87% de la subvention de l’Etat. Dit autrement, cela signifie que les moyens affectés à la recherche par l’Etat ont diminué encore plus que les effectifs. Alors où est la logique ?
Les textes d’accompagnements de la Loi de Programmation de la Recherche donnent l’explication. Le but principal sinon exclusif de la recherche publique est de contribuer à la compétitivité des entreprises. C’est pour cela que les financements dits récurrents basés sur la qualité scientifique ont été anémiés au profit des financements contractualisés qui permettent de piloter les recherches des laboratoires. Laboratoires qui ne sont plus évalués selon des critères scientifiques mais selon des critères quantitatifs de productivité déterminés par des indicateurs. Pour le Haut Conseil de l'Évaluation de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur (HCERES) il n’y a même plus besoin de faire des visites de laboratoires, l’appréciation de leur activité sera déterminée par comparaison de leurs résultats avec les indicateurs. L’avenir de la science est dans les tableaux Excel ! Les laboratoires publics de recherche, leurs personnels sont évalués par l’Etat avec les critères quantitatifs du privé. C’est à dire : combien chaque agent, chaque service produit en fonction de ce que l’employeur dépense.
Il va de soi que nous sommes aux antipodes de la démarche scientifique. Qu’importe pour le pouvoir politique le potentiel de recherche publique doit se mettre avant tout aux services des entreprises pour leur permettre de gagner des marchés dans la concurrence capitaliste mondiale.
La recherche publique est intimement liée à l’économie du pays. Ce qui caractérise l’économie française c’est la désindustrialisation voulu par les grandes entreprises capitalistes pour engranger de plus grands profits dans des délocalisations dans des pays où le prix de la force de travail est inférieur à celui de la France. 2,5 millions d’emplois industriels ont été perdus en 45 ans (5,720 millions en 1974, 3,167 millions en 2019 source Insee.). Et ceci malgré toutes les aides versées sans contrôle aux entreprises (aides directes, diminution des cotisations sociales, crédits d’impôts qui actuellement se montent à 11% de PIB ). L’industrie qui pèse 21% du PIB en Allemagne, 20 % en Italie et n’en pèse plus que 13% en France. La France est le pays de la zone euro qui a le plus désindustrialisé. Au cours de la période 2008-2018 pendant que les groupes du CAC 40 réduisaient en France leurs effectifs de 150 000 salariés, ils les augmentaient à l’étranger de 4 % et de 52 % dans les pays émergents (466 000 salariés). Malgré toutes les aides à l’Innovation dont le Crédit Impôts Recherche (CIR), la France n’investit que 2,2% de son PIB en Recherche et Développement (R&D) contre plus de 3% aux USA, à l’Allemagne et au Japon. Des pans industriels entiers ont disparu, la France est devenue un pays de production de moyenne gamme qui cherche à maintenir sa compétitivité en réduisant les rémunérations des salariés.
Tout ceci éclaire la logique de la politique recherche du gouvernement Macron qui est dans la continuité de celle de ses prédécesseurs.
Moins d’industries, moins de ressources pour l’Etat, d’où « la nécessité » de focaliser les financements sur les créneaux qui intéressent les entreprises, fusse au détriment de la connaissance.
Mais pour ce faire encore faut-il en finir définitivement avec une organisation de la recherche publique reposant sur les organismes nationaux au profit d’une organisation territorialisée centrée sur des regroupements d’universités et de grandes écoles financés par les entreprises de la région.
C’est ce que viennent de demander la Cour des Comptes et France université (ex Conférence des Présidents d'Université). Pour elles, les organismes de recherche n’ont plus vocation à avoir de politique scientifique, ils doivent se réduire à être des agences de moyens mettant leurs personnels aux services des regroupements universitaires. Pour « France université » la Recherche publique ce ne sont plus les organismes nationaux de recherche ce sont les universités ! Cette intégration absorption des laboratoires des organismes nationaux de recherche dans les regroupements d’Universités permettra d’en finir avec le statut de chercheur à temps plein, les dirigeants d’université en rêvent depuis si longtemps.
Cette politique ne peut qu’accentuer le déclin de la recherche publique et en retour réduire les capacités de développement du pays.
La Science ce n’est pas l’HCERES, ce sont les organismes de recherche, leurs personnels et leurs instances scientifiques ! Ces dernières doivent retrouver leurs prérogatives définies par les décrets organiques. Les sections du Comité national et les Commissions Scientifiques Spécialisées de l’Inserm doivent être les seules à mettre sur pied leurs comités de visite avec leur direction d’organisme et les cotutelles. Au diable, l’HCERES avec ses tableaux Excel et ses experts permanents nommés par le pouvoir ! Le gouvernement pense qu’il peut tout se permettre. C’est le moment pour les personnels de recherche de dire non et de se mobiliser pour arrêter les nouveaux mauvais coups qui se préparent.

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