Gantry 5

 

N° 815 29/03/2023 L’actualité financière internationale est marquée par la fermeture de la Silicon Valley Bank (SVB), spécialisée dans le capital-risque c’est-à-dire dans des prêts et gestion de fonds pour des entreprises du type « start-up » qui achètent avec ces fonds des titres rémunérateurs tels que des obligations).

Cette banque a vu son activité dopée par le développement de ce secteur ces dernières années. Les start-up lèvent des fonds, confiés ensuite à des banques comme SVB, première banque dans le secteur des start-up dites technologiques et biotechnologiques. SVB gérait un dépôt d’environ 200 Milliards de dollars (Md$) et n’était pas soumis aux règles de prudence imposée aux banques plus importantes (l’administration Trump a relevé le plafond des obligations réglementaires de 50 Md$ de dépôt à 250 Md$).
Face à la montée des taux, les « start-up » se sont tournées vers SVB pour récupérer leurs fonds. Pour les restituer, SVB doit vendre les obligations mais comme les taux montent, la valeur nominale de ces titres diminuent, SVB doit compenser cet écart et annonce une perte de 1,8 Md$ puis une augmentation du capital de 2,5 Md$ pour faire face à la conjoncture particulière. Panique chez ses clients qui se précipitent en masse pour récupérer leurs fonds. Fermeture de SVB le 10 mars et rideau. La Réserve fédérale a promis de restituer les fonds aux clients au-delà du plafond réglementaire (250.000 $). D’autres banques de niveau régional sont également en difficulté tant et si bien que la Réserve Fédérale a annoncé un plan de 25 Md$ de prêts d’une grande souplesse pour rassurer les déposants et éviter la ruée vers les guichets.
Après la Silicon Valley, c’est le Crédit Suisse qui a focalisé l’attention du monde financier. Cet établissement helvétique classé dans les 30 premières banques mondiales et qui gère 1500 Md$ de fonds, fait partie des « to big to fail » (« trop gros pour être en faillite », en deux ans a perdu 80% de sa valeur en Bourse (il ne vaudrait plus que 10 Md$). Cette chute de l’action s’explique essentiellement par la succession de scandales financiers auxquelles le Crédit Suisse a été mêlé (par exemple la faillite d’un fonds américain Archéos – 5 Md$ de pertes pour la banque suisse). Il a annoncé des pertes de 7,4 Md€ pour l’année 2022 tant et si bien que la Saudi National Bank, entrée au capital du Crédit Suisse en novembre 2022 pour en devenir le premier actionnaire (9,8% du capital) a annoncé qu’elle ne mettrait pas un centime de plus dans la banque suisse.
Cette déclaration enfonce encore davantage l’action de la banque suisse et par suite, de toutes les banques européennes du fait du poids du Crédit Suisse dans la finance européenne (toutes les banques sont créditrices ou débitrices des autres banques). La Banque nationale suisse (BNS), qui a annoncé une perte de 132 Md€ en 2022, porte secours au Crédit Suisse avec un prêt de court terme de 50 Md€. Comme cela ne semble pas suffire, UBS, le géant banquier suisse, achète Crédit Suisse pour (seulement) 3 Md€ avec le soutien du gouvernement helvétique et pour faire bonne mesure, la BNS ouvre une ligne de crédit de 100 Md de Francs suisses.
En clair, c’est la panique dans le secteur bancaire, que se passe-t-il vraiment ?
Le retour à une politique monétaire dite orthodoxe ne résout rien
Les banques centrales (essentiellement la Fédéral Réserve états-unienne et la Banque Centrale Européenne -BCE) ont décidé de remonter leurs taux directeurs pour « combattre » les poussées inflationnistes liées aux renchérissements de l’énergie et des denrées agricoles. Le raisonnement est d’une simplicité biblique : avec la montée des taux directeurs qui se répercutent sur les taux de prêt des banques commerciales, elles-mêmes emprunteuses, les banques centrales ralentissent la croissance de l’investissement rendu, par ce biais plus onéreux, réduisent la croissance, augmentent le chômage, baissent la demande et donc par suite l’inflation, simple effet de la loi de l’offre et la demande.
Les dommages collatéraux avec surtout davantage de chômage pour les salariés ne sont pas en ce moment ceux attendus puisque le secteur bancaire (banques de dépôt + d’affaires puisque la frontière est abolie) trinque lui-aussi. Le ministre Le Maire déclare que le temps de l’argent gratuit, c’est fini. Certes, pour absorber le choc de 2008, les banques centrales ont joué à l’argent pas cher avec une politique dite de « quantitative easing (assouplissement quantitatif)», autrement dit, elles ont fait tourner la planche à billets au bénéfice du capital financier et des États. Elles ont tant distribué que les heureux bénéficiaires de cette manne ne sachant plus qu’en faire on même acheté des titres d’État à taux négatif (surtout des obligations allemandes), c’est dire !
L’inflation favorise les débiteurs dont la dette se réduit à proportion de la hausse des prix, d’où le souci des créanciers qui ont prêté à taux fixe. Il y a donc un intérêt à combattre l’inflation pour les gouvernements soucieux de défendre le capital au risque de l’augmentation du chômage.
Pour autant, la hausse des taux directeurs aura-t-elle un effet sur le prix de l’énergie et des denrées alimentaires? Face à une réduction des salaire réel (salaire nominal – inflation), le monde du travail est contraint à l’indispensable, c’est-à-dire l’énergie et l’alimentation (secteurs au centre des tensions inflationnistes) et à moins de pousser la logique jusqu’à déclencher une récession profonde, la politique monétaire actuelle est impuissante à éteindre l’incendie inflationniste.
L’argent, le nerf de la guerre entre Capital
Dans un monde de change flottant, les valeurs relatives des monnaies s’établissent par rapport aux balances commerciales respectives et à l’attractivité des monnaies qui résident précisément dans les taux d’intérêt qui s’y attachent. Relever les taux d’intérêt alors les investisseurs vont acheter vos titres de dette (bons du Trésor, obligations) libellés dans votre monnaie. Cette demande de votre monnaie fait automatiquement monter son cours. Et une monnaie plus forte, ce sont des importations moins onéreuses et des exportations plus lucratives.
Par exemple, pour l’Union européenne, acheter du gaz ou des vaccins américains quand le dollar s’apprécie vis-à-vis de l’euro, c’est précisément importer de l’inflation. Et réciproquement, pour les États-Unis, importer des produits européens freine l’inflation (au risque d’une concurrence dangereuse pour les industries locales mais en économie, il est impossible de gagner sur tous les tableaux). Avec un dollar fort, le capital américain voit aussi ses acquisitions facilitées.
Pour ces raisons, la BCE n’a pas une politique indépendante : indépendante de la souveraineté populaire et des exigences du monde du travail c’est une évidence, mais pas des rivalités du monde capitaliste Tout mouvement de l’un implique le mouvement de l’autre en termes de taux directeurs. La hache de guerre a été déterré après une période de taux uniformément bas, non seulement parce que les réflexes anti-inflationnistes ont joué mais également parce que de part et d’autre de l’Atlantique, les besoins de fonds sont immenses pour d’une part financer les plans de Biden et de l’autre financer les dégâts liés à la rupture avec la Russie et les projets budgétivores de transition énergétique.
Le monde du travail souffre de l’augmentation des prix mais il lutte pour l’augmentation des salaires et remporte des succès dans certains secteurs et certains pays. Les soubresauts du monde bancaire révèlent un état de trouble dans le système capitaliste, La volonté de vouloir freiner l'inflation par une augmentation des taux du crédit représente un danger pour l'activité économique et peut entraîner une augmentation significative du chômage. Il n'y a donc rien de bon à attendre de ces stratégies qui visent en premier lieu à protéger les intérêts financiers des capitalistes.

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