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N° 858 30/01/2024 "Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément »
Article 3 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août1789
Après la crise pandémique, le concept de souveraineté est redevenu sur le devant de la scène mais affublé d’un adjectif qui en limite la portée. Il en va ainsi de la souveraineté énergétique, de la souveraineté numérique, de la souveraineté industrielle et certains se sont même inquiétés de l’affaiblissement de la souveraineté européenne.
Ces glissements sémantiques déprécient le caractère politique du concept, qui ne se comprend que globalement, pour en faire un terme technique de bonne conduite des affaires publiques. Car si la souveraineté est réalisée alors elle ne peut l’être que dans tous les domaines à la fois.
Les bouleversements énergétiques des dernières années ont remis à l’ordre du jour le contrôle public dans ce secteur stratégique. Le Président Macron s’est même avancé à proclamer la nécessité du contrôle des prix de l’électricité, une manière de promettre donc une « souveraineté » énergétique plus forte, d’après la novlangue du moment.
Notons qu’il ne s’agit que d’électricité, énergie qui constitue qu’un quart environ des consommations énergétiques nationales. De fait, la France, comme la plupart des pays, consomment encore essentiellement des énergies fossiles. Ce qui limite donc la portée de la promesse présidentielle.
Pour demeurer dans le secteur énergétique, son organisation même conditionne l’exercice de la souveraineté. Si les règles de marché s’appliquent, alors les décisions stratégiques sont déléguées à des opérateurs (privés ou publics) dont les objectifs sont plus ou moins sous contrôle et par suite, il est impossible d’envisager d’exercer une quelconque souveraineté dans le domaine. A moins de poser le principe souverain, contradictoire dans les termes, d’abandon de la souveraineté à des acteurs privés, mus par des objectifs de profits. En effet, la souveraineté dans un système démocratique est inaliénable.
Le patron de TotalEnergies, par exemple, n’a pas beaucoup de compte à rendre à la Nation ou ses représentants. Avec ses actionnaires, il s’agit évidemment d’une tout autre affaire.
Les débats européens autour de la réforme du marché de l’électricité ont été très instructifs du point de vue de la souveraineté. Il convient d’abord de noter que les pays membres européens ont tout loisir de débattre de la question du marché de l’électricité car il s’agit de fait d’un marché « local ». Ils ne vont pas débattre de la réforme du marché du pétrole car c'est un marché mondial, qui s’intègre dans un contexte de tensions impérialistes permanentes, hors de portée de toute souveraineté, si ce n’est celle du Capital.
A aucun moment, durant les échanges entre les gouvernements européens puis au Parlement européen consulté, l’hypothèse selon laquelle le problème n’était pas la régulation du marché de l’électricité mais le marché lui-même n’a été évoquée.
Aussi, pérorer dans ce contexte au sujet de la souveraineté énergétique est un non-sens ou de la poudre aux yeux. D’une part, en rappel, en ce qui concerne les combustibles fossiles, le capital tient d’une main ferme le marché mondial, d’autre part, admettre un marché de l’électricité revient à transférer les décisions stratégiques hors contrôle souverain.
Il est toujours loisible de contrer cet argument en arguant de la stricte régulation des acteurs de marché. Mais si ces acteurs de marché sont sous une telle surveillance, un tel contrôle, à quoi servent-ils ? A servir l’intérêt général, peut-être ? La grande idée européenne (issue des têtes pensantes de la démocratie chrétienne allemande) n'est-elle pas « l’économie sociale de marché ». Finalement, pourquoi pas plus simplement une économie planifiée au lieu d’entreprises capitalistes qui se livrent une concurrence acharnée mais (tellement bien) encadrée ?
Laissons là ces contes de marché social. Dans les faits, pour l’électricité, la souveraineté est bien transférée à des acteurs de marché qui portent les intérêts du Capital. Or la souveraineté est comme la République, une et indivisible. D’évidence, parler d’une reconquête de la souveraineté énergétique, industrielle ou encore numérique n’a aucun sens, dans un cadre capitaliste encore moins.
Alors, comment reconquérir la souveraineté ? Le concept paraît à ce jour bien utopique. Pour autant, des échanges internationaux sous le sceau de la coopération sont plus à même de permettre l’exercice d’une pleine souveraineté, de même, nous avons connu des périodes durant laquelle de trop rares secteurs se développaient hors marché, comprenez hors la loi du capital.
Évidemment, ce serait une erreur d’accabler les fonctionnaires européens d’accusation de lèse souveraineté comme l’extrême droite et d’autres se complaisent à le faire. Certes, ils y participent, pour autant, aujourd’hui, c’est bien la haute bourgeoisie qui exerce « la souveraineté » lors des conseils d’administration… ou des ministres.
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