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N° 897 30/10/2024  Les débats parlementaires au sujet des comptes publics (Administrations publiques d’Etat + Sécurité Sociale) mettent à nu les soubassements idéologiques de la politique économique menée par le gouvernement actuel et… de tous ses prédécesseurs. Ainsi, les députés macronistes s’insurgent par principe contre toute augmentation des taxations car cela remettrait en cause l’orientation fondamentale de leur politique économique dénommée " politique de l’offre ".
Même dans les colonnes du Monde, des interrogations se font jour au sujet de la pertinence d’une telle politique, ce n’est pas peu dire… De quoi s’agit-il ? Tout simplement, pour reprendre les termes des zélateurs d’une telle politique, " libérer les énergies ", " favoriser la libre entreprise ", « développer l’esprit entrepreneurial ", etc. Et pour ce faire, que fait-on ? L’Etat aide, exonère, subventionne, allège les charges sociales au détriment de ses propres équilibres de financement. Après 7 ans d’une telle politique, les comptes publics sont dans le rouge car les résultats attendus de telles largesses ne sont pas au rendez-vous : pas de reprise de croissance, pas de réindustrialisation, pas davantage d’emplois mais bien évidemment, de meilleurs dividendes pour les actionnaires. Il faut dire que le gouvernement actuel, qui n’a guère innové par rapport à ces prédécesseurs, a joué de malchance avec la crise COVID et ladite crise de l’énergie.
Ordre de grandeur des cadeaux
Le tableau illustre une partie du propos précédent, il s’agit de l’évolution du taux d’impôt sur les bénéfices nets des sociétés.
Tableau aide
Un lecteur peu averti pourrait s’étonner que l’Etat demande aux entreprises la moitié de leur bénéfice. Pour autant, les entreprises sont autorisées à défalquer de leur bénéfice (brut), un part de leurs investissements (amortissements) et toute une série de provisions. A titre d’exemple, EDF a affiché des bénéfices nets de 10 milliards d’€ en 2023 avec 13 milliards d’€ de provisions ! En l’occurrence, ce n’est pas si grave car ce que l’État ne touche pas en impôt, dans ce cas, il le touchera en dividende.
En 2019, avec un taux de 31%, les recettes perçues s’établissaient à 69 milliards€, en 2023, avec un taux de 25% (taux actuel), les recettes s’élevaient à 87 milliards€ mais par la baisse des taux les entreprises ont économisé 21 milliards€ et par rapport au taux de 50%, 87 milliards€ (c’est simple : le taux a été réduit de moitié).
Il convient d’ajouter à cet allègement fiscal – assez général dans l’Union européenne – les exonérations de cotisations sociales qui ont atteint 82 milliards€ en 2022. L’Etat compense en grande partie ce manque à gagner (le déficit de la Sécurité sociale ne serait pas alors inférieur à 10 milliards€ en 2023) et creuse donc son déficit budgétaire. Il faut ajouter que la CSG (fiscalisation du financement de la Sécurité sociale) procure environ 20% des recettes de la Sécurité sociale soit plus de 100 milliards€, payés certes par tout le monde sur tout type de revenus mais surtout par les salariés.
Enfin, les entreprises implantées en France ont bénéficié en 2022 de 64 milliards€ d’aides de l’Etat sous forme de subventions (28 milliards€) ou de dégrèvements fiscaux (36 milliards€). Et encore, " le quoi qu’il en coûte " pour faire face aux crises de 2020 et 2022 a été encore bien plus spectaculaire. Selon la cour des comptes l’équivalent de 10% du PIB a été octroyé aux entreprises (260 milliards€).
Ces milliards d’euros pour le Capital donne le tournis et interroge au sujet des lamentations de la surcharge fiscale spécifiquement française.
Un rapport de l’Assemblée nationale (de… 1999) s’alarmait d’un dispositif d’aides aux entreprises " proliférant et incontrôlé ". Car de fait, les aides publiques s’accompagnent encore aujourd’hui de peu d’exigences de contre parties. Par exemple, des entreprises délocalisent après avoir reçu des aides : le cas n’est pas si rare.
Les collectivités territoriales ne sont pas en reste : en moyenne annuelle, les aides financières atteignent 8 milliards€ entre 2014 et 2020. Et l’Union Européenne complète l’arsenal des aides avec une moyenne de 9 à 10 milliards€.
Une transformation silencieuse de la Protection sociale doublée d’une catastrophe industrielle
Ainsi, l’État " Providence " le demeure pour le Capital, qui a l’occasion sait jouer des systèmes fiscaux concurrents, y compris dans les frontières de l’Union européenne. Il est clair que par le jeu des exonérations de cotisations, le Capital se décharge d’une partie du " fardeau " salarial, en fin de course payée par les impôts (TVA et impôts sur le revenu) du monde du Travail.
A la fin, la politique de l’offre dynamite le système de Sécurité sociale, tend à fiscaliser son financement et efface ainsi les bases originelles de sa constitution. Et en termes de maintien d’un système de production industrielle solide et diversifié, les résultats sont pour le moins catastrophiques.
Il paraissait souhaitable de redonner quelques ordres de grandeur des cadeaux octroyés au Capital sous le patronage du présent gouvernement qui s’inscrit avec conviction dans la lignée des précédents. C'est chose faite et nous devons dans notre bataille politique faire mesurer la grandeur des transferts qu'opère l'État du travail vers le capital en clair comment il participe activement au processus d'exploitation du travail salarié par le capital.