N°898 07/11/2024 Le mot Mercosur(1) a réveillé la colère des agriculteurs français et ils appellent à des manifestations dès le 15 novembre. L’accord ouvrirait la porte à 99.000 tonnes de viande bovine, 180.000 tonnes de viandes de volaille, à l’équivalent de 3,4 millions de tonnes de maïs, 180.000 tonnes de sucre… la concurrence brésilienne représente déjà la moitié des importations de viande bovine en Europe, il est question aussi d’importer plus de soja ou d’éthanol tiré de la canne à sucre. Rappelons que ces monocultures engendrent toujours plus de déforestation en Amazonie. La mesure phare de l’accord prévoit la suppression de la majorité des droits de douane(1) sur de nombreux produits. Celui-ci va durement pénaliser des filières déjà affaiblies, la production française risque de perdre des parts de marché au profit de produits à bas prix, aux normes sanitaires et environnementales peu exigeantes.
Mais surtout il permettrait à l’Union Européenne de fournir les pays du Mercosur avec plus de produits industriels et de services en accédant à un marché de 273 millions de consommateurs et à la quatrième puissance économique mondiale.
Un accord pour signer ce traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur(2) .
« Si l’Union européenne est prête, nous pourrons signer l’accord commercial lors de la réunion du G20 au Brésil » avançait le président Lula fin septembre. De son côté la présidente de la Commission Européenne Ursula von der Leyen veut annoncer un accord finalisé lors du G20 au Brésil les 18 et 19 novembre prochains.
Cet accord avait pourtant été considéré comme « très mauvais » par Emmanuel Macron en mars dernier, ayant appelé à en construire « un nouveau ». Du blabla car la France n’a jamais proposé à Bruxelles de reprendre les négociations. L’enjeu pour la France est de profiter de cet accord pour acquérir des minerais: lithium, cobalt, graphite, cuivre, l’importation d’hydrogène et d’Éthanol produits par des méga fermes industrielles implantées sur les décombres de la déforestation.
Ce marché des pays du Mercosur est très convoité par d’autres puissances. Des accords ont été signés avec Singapour, un accord est en discussion avec les Emirats Arabes Unis… L’Union Européenne compte surtout augmenter ses exportations dans le machinisme, les technologies de l’information et de la communication.
L’Allemagne est pour signer l’accord. Il aurait l’avantage de fournir de nouveaux débouchés à ces multinationales notamment son industrie automobile plongée dans une crise tout comme celle de la France et les produits de l’agrochimie de la firme Bayer-Monsanto. Cet accord ouvre l’appétit des capitalistes européens pour les profits, extorquer la plus-value du travail en mettant encore plus en concurrence les travailleurs de deux continents.
Les firmes européennes s’installent dans les pays du marché commun latino-américain.
Exploitant là-bas les travailleurs et les ressources naturelles pour réexporter les productions en Europe. En 2023. Renault avait ouvert la voie en confirmant un investissement de 350 millions d'euros dans le pays. Stellantis(3) va investir 5,6 milliards d'euros en Amérique du Sud entre 2025 et 2030, le premier constructeur mondial Toyota annonçait à son tour 2 milliards d'euros d'ici à 2030… General Motors (GM), Hyundai, Volkswagen Group(4) ou encore le chinois BYD vont sortir le chéquier. Tous ces acteurs du secteur automobile devraient injecter 21,5 milliards d'euros dans l'industrie automobile brésilienne en retour le Brésil va accorder 3,5 milliards d'euros de crédits d'impôts aux constructeurs : un « marché » de 273 millions d’habitants!
C’est aussi la raison fondamentale de la décision de la firme laitière Lactalis(5) quatrième producteur mondial de lait, basée à Laval, de réduire la collecte du lait des paysans français. Elle s’implante fortement au Brésil avec un chiffre d'affaires de 2,5 milliards d'euros en 2023. Y comptant désormais 22 sites et 12.000 employés. Lactalis s’est hissé au premier rang du marché laitier dans le pays.
Des grands ensembles pour accroître leur puissance dans la concurrence capitaliste.
La domination des États-Unis, ses pressions continues pour limiter les échanges avec la Chine ajoutés aux politiques d’austérité en Europe restreignent les débouchés des firmes européennes et poussent l’Union Européenne et son grand capital européen dans la guerre économique que se livrent les impérialistes.
La seule et unique boussole c’est le profit alors que la situation exige aujourd’hui, à l’inverse d’un traité de libre-échange capitaliste, des accords de coopération et de solidarité entre les peuples, les travailleurs des deux continents. Le traité dit de « libre-échange(6) » n’est pas un accord de coopération. Son objectif est d’accélérer la libre circulation du capital, des marchandises et des services lucratifs. Pas de frontière pour le capital qui n’a que faire de la vie des êtres humains et de celle de la nature. Ce traité ne répond ni aux intérêts des peuples, ni environnementaux(7). Raison de plus pour combattre le capitalisme jusqu’à l’abattre et construire une société socialiste faisant de la coopération entre les peuples, le fer de lance d’une politique de paix.
(1)Mercosur (ou Mercosul) Marché commun du sud créé en 1991 avec le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay, le Paraguay, la Bolivie. Des pays sans en être membre sont associés : le Chili, la Colombie, l’Équateur, le Guyana, le Suriname. Le Venezuela a été suspendu en 2016 et l’adhésion de la Bolivie a été approuvée l’an dernier.
(2)Actuellement, les droits de douane s’élèvent à 35 % sur les voitures ou le textile.
(3) Stellantis souhaitait supprimer au moins 12.000 emplois dans ses usines italiennes Aux États-Unis : 2450 travailleurs ont été licenciés début octobre dans le Michigan. 2000 travailleurs temporaires et des centaines d'employés ont été licenciés dans d'autres usines américaines. En Autriche, l'usine Opel d'Aspern a été fermée le mois dernier touchant 220 salariés. En France Stellantis a supprimé 600 emplois dans son usine de Mulhouse et 250 à Rennes.
(4)Volkswagen prévoit des dizaines de milliers de suppressions d'emplois, la fermeture de trois usines en Allemagne et des baisses de salaire.
(5)Lactalis, le groupe français a enregistré l'an dernier un chiffre d'affaires de 29,5 milliards d'euros au niveau mondial (+4,3 % par rapport à 2022). Elle s’implante en 2013 au Brésil en rachetant la marque Itambé mis la main sur Dairy Partners Americas, (Nestlé). Le Minas Gerais, premier bassin laitier du Brésil, grand comme la France, le pâturage de qualité premium domine la production laitière nationale.
(6)Les discussions ont commencé au début des années 2000 entre l’Union européenne, le Brésil, l’Argentine et l’Uruguay et ont abouti en 2019. Les insuffisances de garanties environnementales ont empêché la finalisation du processus d’adoption de l’accord.
(7)Les conditions de production sont contraires aux normes françaises, « l’utilisation d’antibiotiques » et la déforestation engendrée. Le Brésil est le plus grand utilisateur de pesticides au monde, devant les États-Unis, avec 809 000 tonnes en 2019 et cultive soja, maïs et canne à sucre génétiquement modifiés, réexportés en Europe.