Gantry 5

 

N° 950 03/11/2025  La maîtrise de la technologie nucléaire civil (conception/construction de centrale nucléaire, exploitation et maintenance de ces centrales, traitements des déchets, sûreté) se partage en entre peu d’acteurs mondiaux. Se distinguent la France, les Etats-Unis, la Chine et la Russie. Le Japon et l’Allemagne se sont mis en retrait depuis la catastrophe de Fukushima. D’autres nations (Europe centrale et orientale, Royaume-Uni, Espagne) maîtrisent peu ou prou une partie de la chaîne technique aval (essentiellement exploitation/maintenance).
La Chine fait aujourd’hui figure de leader mondial ayant la moitié des centrales nucléaires en chantier dans le monde (24 sur 58). Les plus actifs dans le domaine de la construction hors de leur frontière sont les Russes avec des chantiers au Bangladesh, en Inde, en Turquie et… en Iran. Ils ont également remporté un marché en Hongrie mais l’accès au nucléaire civil en République tchèque et en Pologne leur ont été fermés.
Les opérateurs chinois avaient abordé le marché européen (Roumanie, Royaume-Uni avec EDF) mais ils ont été évincés pour des solutions « occidentales ». Cependant, la Chine entretient une relation suivie avec les principaux pays d’Amérique du Sud dans le cadre d’accords de coopération technique.
La Russie a une longue expertise en matière de réacteurs nucléaires dont les performances techniques souffrent bien la comparaison avec les solutions occidentales. Les Russes apportent en plus de leur savoir faire à leurs clients à l’international des solutions de financements des projets, ce qui explique leur succès en Inde et l’échec français (un projet initié depuis 2010 n’a toujours connu le début d’un commencement).
La Chine a bénéficié de transferts de technologie américaine et française. Des réacteurs des deux types (4 AP1000 américains et 2 EPR français) ont été construit en Chine et dans le même temps, les ingénieurs chinois ont mis au point un réacteur Hualong (« Dragon » en chinois), désormais seul modèle construit en Chine.
Les tensions internationales liées aux rivalités impérialistes conduisent à une réduction des coopérations internationales. Ainsi, par exemple, l’entreprise russe TVEL fournissait du combustible aux centrales nucléaires états-uniennes, l’électricien chinois CGN envisageait dans le cadre d’une coopération avec EDF de construire un réacteur au Royaume-Uni.
Aujourd’hui, les marchés sont bien distincts : les projets occidentaux sont réservés aux opérateurs occidentaux avec quelques accommodements (les Coréens ont remporté un appel d’offres en République tchèque contre EDF et Westinghouse en proposant de construire un réacteur… Westinghouse). Une rumeur non confirmée fait état d’accord entre les français EDF/Framatome et l’américain Westinghouse pour se partager le marché européen. Aux premiers, l’Europe du Nord (Pays-Bas, Suède) au second l’Europe centrale et orientale. Information invérifiable mais, de fait, une fois exclus les solutions russe ou chinoise, ce qui est avéré (avec l’exception de la Hongrie), il ne reste en course que les Français et les Américains.
Dans un récent article du journal Les Echos (3 novembre), une analyste note que la relance du nucléaire civile nécessite des partenariats multiples et de fait sans partenariat, la Chine aurait mis davantage de temps à maîtriser la technologie du nucléaire civil. Ce qu’elle ne note pas.
Dans le cadre du voyage du Président des Etats-Unis d’Amérique au Japon, les entreprise japonaises Toshiba et Mitsubishi ont annoncé une coopération avec Westinghouse à la fois technique et financière.
De peur que l’Europe ne soit laissée pour compte sans doute, notre experte plaide pour une coopération « occidentale » : « Il faut changer d’échelle, on ne peut plus parler de nucléaire européen, américain ou japonais. Face à la Chine et la Russie, il faut parler de nucléaire occidental, entrer dans une logique de standardisation qui fait appel aux compétences de chacun. » assène-t-elle.
En matière de nucléaire civil, il est question ainsi de mener une « politique de blocs » qui n’était pas, jusqu’à il y a quelques années, l’option française (coopération avec la Chine en particulier). Pour la France, le seul pays européen en capacité de développer un programme nucléaire civil (même si, en l’occurrence, le secteur connaît quelques difficultés techniques et financières actuellement), ce serait le mettre sous « contrôle ».
L’affaire de la vente d’Alstom Energie à General Electric puis la revente de sa partie nucléaire à EDF ne doit pas être oubliée. Si aujourd’hui, les turbines Arabelle, adaptées aux grandes puissances des centrales nucléaires, sont revenues dans le giron du groupe français, les droits des brevets sont restés entre les mains américaines. Et donc, par exemple, EDF devra demander l’autorisation pour exporter une turbine Arabelle en Russie (les centrales russes en sont équipées) au propriétaire du brevet. Comme quoi, le nucléaire occidental se construit bien, toujours sous la même bannière de l’impérialisme américain.
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