N° 895 16/10/2024 Le 11 octobre sans aucune consultation la direction de Sanofi annonce par voie de presse la vente de 50 % de sa branche « Santé grand public » : Opella. Elle produit les médicaments sans ordonnance, dont le Doliprane et totalise plus de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Plus de 11.000 salariés dans le monde dont 1.300 en France découvrent qu’ils ont été vendus comme de simples marchandises à un fonds d’investissement américain CD&R. Certains ont proposé un fonds français plutôt qu’américain ! Ça n’y change rien: ce sont toujours les mêmes pratiques destructives afin de maximiser les profits pour les actionnaires en sacrifiant les travailleurs. Cette vente menace non seulement l’avenir des salariés, mais également l’accès aux soins pour les patients, le maintien de l’emploi et la production industrielle en France après avoir tué sa R&D pendant des années : en 2014, 26.500 personnes travaillaient dans la recherche chez Sanofi, dont 6.500 en France. Aujourd’hui, elles ne sont plus que 12.000, dont 3.000 sur le territoire national, mais au cours des dix dernières années Sanofi a quand même encaissé 1,5 milliards de crédits impôt recherche.
Quels sont les enjeux de cette vaste opération financière ?
Sanofi espère obtenir une valorisation de plus de 15 milliards d’euros pour cette entité, dont 8 milliards reviendront aux actionnaires. Cette vente s’inscrit dans une tendance au sein des grands laboratoires se désengageant des médicaments sans ordonnance et des génériques pour se concentrer sur ce que l’on nomme les princeps, c’est-à-dire les molécules jouissant d’un brevet, permettant des profits substantiels alimentant la financiarisation de l’industrie pharmaceutique.
Le laboratoire français avait déjà vendu sa filiale générique en 2018. Ses principaux concurrents font de même cette année: le géant suisse Novartis a vendu sa branche de fabrication de génériques : Sandoz. Le britannique GSK a cédé ses dernières actions : Advil, Voltarène, etc... Les « Big Pharma » délaissent ces activités car pas assez rentable. L’activité des laboratoires de génériques ou de médicaments sans ordonnance demande beaucoup moins d’efforts en R&D et consiste essentiellement en une production industrielle. Les médicaments protégés par un brevet permettent aux laboratoires d’instaurer un rapport de force avec les pays pour faire monter le prix et/ou les quantités selon les demandes de traitement.
Le Doliprane est tout à fait profitable pour Sanofi, à quelques euros la boîte, mais ne génère qu’un chiffre d’affaires annuel d’un peu moins d’un milliard d’euros ! Alors que son médicament star le Dupixent indiqué pour l’asthme, la dermatite atopique, ou la surnommée toux du fumeur se vend environ 1.200 euros la boîte de deux seringues injectables. La vente de ce produit a rapporté en 2023 : 10,7 milliards d’euros à la multinationale, soit 25 % de son chiffre d’affaires total ! Pour 2024, Sanofi table sur un revenu de 13 milliards uniquement pour ce traitement : une machine à profit !
Leur priorité : les marchés boursiers !
Sanofi espère faire mécaniquement augmenter sa marge moyenne opérationnelle. Le suisse Novartis l’illustre : faisant grimper sa marge opérationnelle de quasiment trois points en se séparant de son activité générique. Le bénéfice par action a progressé de 18 % après la vente de son ex-filiale de génériques Sandoz.
De telles cessions permettent d’augmenter considérablement le gâteau partageable par les détenteurs d’actions.
Des opportunités afin récupérer des fonds en sacrifiant des vies, des emplois et l’avenir de l’industrie pharmaceutique et non pour innover!
Emmanuel Macron a affirmé ce lundi que le gouvernement avait « les instruments pour garantir que la France soit protégée ». Antoine Armand ministre de l’industrie affirme avoir déjà « entamé des discussions » avec les parties prenantes en vue d'un accord spécifique sur des « engagements extrêmement précis », qui seront « assortis de garanties » et « de sanctions ». Il a évoqué aussi « la possibilité d'un actionnariat public et d'une participation à la gouvernance dans le cadre de cet accord ».
Il est également question selon lui d' «engagements sur les volumes de production » et « sur la recherche et le développement ». Le nouvel acquéreur tiendra-t-il ces engagements ? NON parce que le premier marché est aux Etats-Unis. L’Etat est complice du démantèlement de l’industrie pharmaceutique et révèle une fois de plus la collusion entre l’Etat et les multinationales. Les véritables chefs d’Etats, ce sont les propriétaires des grands moyens de production et d’échange Quels que soient les dirigeants politiques le capitalisme est le maître. Ce n’est pas le Président qui décide. Ce sont les maîtres de l’économie capitaliste, ceux qui ont en main les leviers décisifs de cette économie. Le fondement du capitalisme c’est la recherche permanente du profit maximum, tout est organisé autour de cette donnée. L’Etat est à leur service.
L’avenir des usines et des salariés de la branche « Santé grand public » de Sanofi est en jeu.
L’usine de Lisieux avec ses 260 salariés produit 260 millions de boîtes de Doliprane par an et alimentent la quasi-totalité du marché français. Sanofi s’était engagé à commander le principe actif (la matière première du médicament) du paracétamol auprès de la future usine du groupe Seqens en construction dans l’Isère. Sur les 100 millions d’euros d’investissement nécessitant cette nouvelle usine, un tiers provient d’aides publiques(1) ! Là se trouvait le dernier vestige de la production française de paracétamol: Rhodia issu du groupe français Rhone-Poulenc aujourd’hui Seqens ! L’unité de fabrication a été démantelée en 2008, mettant un terme cette année là à la production de paracétamol en France et en Europe. De quoi garder en mémoire toutes les fausses promesses.
Salariés, patients, tous ensemble rejetons cette vente
En mars 2024 le groupe annonçait ses nouvelles orientations stratégiques pour 2024-2026. Parmi les mesures envisagées, la suppression(2) de 1.200 postes dans le monde en Recherche et Développement dont 330 emplois(3) en France (recherche contre le cancer). Après le plan de 1.000 suppressions d’emplois mis en œuvre en 2020. Tout en empochant 1,5 milliard d’euros de crédits d’impôt recherche depuis dix ans.
A la même date, mars 2024, Sanofi s’est renforcé dans le secteur du diabète et des maladies auto-immunes en achetant la biotech américaine Provention Bio pour un montant d’environ 2,7 milliards d’euros.
Les syndicats se mobilisent et appellent à la grève illimitée sur les deux sites à Lisieux et Compiègne
La CGT a raison de proclamer: « La CGT ne laissera pas faire. Nous combattrons avec acharnement cette cession inacceptable ! Après avoir détruit la distribution, démantelé la R&D, Sanofi continue de vendre ses actifs et de compromettre le secteur du médicament en France. Nous appelons tous les salariés à se mobiliser contre cette attaque immonde et à défendre leur emploi, leur industrie et leur dignité ». La CGT lance un « appel clair et franc, en illimité jusqu'au retrait de la vente », sur les deux sites français d'Opella à Lisieux (Calvados) et Compiègne (Oise). La CFDT appelle à « un mouvement de grève générale à partir du 17 octobre pour exprimer sa colère contre la vente d'Opella ».
Notre Parti Révolutionnaire Communistes dénonce avec la plus extrême vigueur cette opération de destruction. Nous exigeons la nationalisation complète de ce secteur, une expropriation sans indemnités ni rachat, pour développer et produire, sous le contrôle des travailleurs des médicaments qui répondent aux besoins de la population dans un service public de la santé.
Salariés, patients, tous ensemble rejetons cette vente et défendons la création d’un grand service public national de la santé intégrant les médicaments et le matériel médical c’est plus que jamais nécessaire et d’actualité. Il faut reprendre les milliards accaparés par le capital, frapper les profits capitalistes, s’attaquer au pouvoir des multinationales gouvernant notre pays. La lutte politique pour changer de société et la débarrasser du capitalisme est incontournable afin que les travailleurs prennent le pouvoir en vue de diriger dans le sens de leurs intérêts, de ceux du peuple, de la nation et de la paix.
(1)L’État investit de l’argent public pour relocaliser la fabrication de paracétamol dans le cadre de son plan «France 2030», doté de 54 milliards d’euros sur 5 ans.
(2)Sanofi affichait pourtant un bénéfice net de 6.72 et 5.4 milliards d’euros en 2022 et 2023.
(3) 288 sur le site de Vitry-sur-Seine, 16 à Gentilly et 26 à Montpellier.