Gantry 5

 

     Depuis quelques jours, les media font état des projets du pouvoir d’un découpage d’EDF pour di-il, sauver le secteur nucléaire. Ils affirment même que l’État se livrerait à une sorte de renationalisation de l’électricien national dans cette perspective. Qu’en est-il exactement ? Un militant CGT de l’entreprise nous a confié son point de vue ( que nous publions ci-dessous) sur les manœuvres en cours. Nous reviendrons plus globalement, dans un nouvel article sur le détricotage de l’industrie française laminée par les privatisations opérées par les gouvernements successifs depuis 1990 pour ouvrir de nouveaux champs de profits et d’accumulation au capital, dans la lutte acharnée que se livrent les grands monopoles à l’échelle mondiale dans le cadre de la conquête des marchés .

EDF : Un découpage/dépeçage !
En gestation depuis fin 2016, la transformation d’EDF, voulue par son propriétaire principal, l’État, devrait prochainement devenir une réalité. Conseillées par les banques d’affaire, où peut-être demain, elles pourront œuvrer, les élites de Bercy vont donc procéder au découpage/dépeçage du groupe EDF avec des justifications douteuses.
État des lieux
Depuis 2004, EDF est une société anonyme, cotée en Bourse, dont l’Etat est le principal propriétaire. La « valeur » de l’entreprise devient un sujet de préoccupation majeure et ce n’est plus l’utilité de l’entreprise qui compte (bien que sans EDF, le pays est paralysé), mais les gains dont on peut en tirer.
Question subsidiaire : qu’est-ce qui est de meilleur rapport dans les activités de l’électricien ? La production nucléaire ? Les éoliennes ? Les réseaux ? La vente d’énergie et de services associés ?
Pour compliquer le problème, il faut savoir que, depuis 2011 (loi Nome), EDF cède à prix fixe, censé refléter les coûts de production nucléaire (0,042 €/kWh le même prix depuis… 7 ans), 100 TWh à ses concurrents (soit un quart de la production nucléaire environ). Il s’agit de faire « bénéficier les fournisseurs alternatifs de la compétitivité du nucléaire français et d’en faire profiter leurs clients » selon un concurrent d’EDF.
Cette situation est ubuesque : le consommateur paie, à un concurrent d’EDF, l’électricité produite par EDF. Ce mécanisme a été négocié avec la Commission, impatiente de voir émerger la concurrence en France.
Le nucléaire pour tous
Aujourd’hui le prix de l’électricité se forme sur le marché. Il fluctue autant sous l’effet des prix des combustibles (charbon, gaz naturel) que des conditions météorologiques étant donné le développement de l’éolien notamment en Allemagne. Bref, les bêtes lois de l’offre et de la demande.
Le consommateur français au tarif public en est relativement protégé puisque le prix du kWh de référence dans son tarif public est le prix réglementé de la loi NOME soit 0,042 €/kWh auquel s’ajoutent le prix du transport sur les réseaux, des taxes diverses et les coûts d’EDF liés à la fourniture de ces consommateurs. La Commission de Régulation de l’Energie (la CRE) fixe ce prix.
Quand le prix de marché est au-dessous du prix de la NOME, les concurrents laissent ses 100 TWh à EDF, quand les prix de marché sont au-dessus du prix de la loi NOME, les concurrents se bousculent au guichet EDF, comme c’est le cas actuellement. Et certains protestent car le plafond de 100 TWh est jugé trop bas, de fait la demande pour 2019 avoisine les 130 TWh. La CRE a décidé de répercuter le coût des quelque 30 TWh supplémentaires dans le tarif public…
Dans le fond, c’est quoi le problème ?
L’industrie nucléaire engage des investissements pour le demi-siècle à venir a minima. Sans garanties d’un « juste » retour sur investissements, aucun investisseur ne s’engage dans un quelconque projet de centrale. EDF, elle-même, n’aurait pas envisagé de construire une centrale nucléaire au Royaume-Uni sans l’engagement sur 35 ans de la part des autorités d’un prix garanti. L’industrie nucléaire ne peut pas se développer dans un contexte de marché.
EDF dispose de 58 réacteurs nucléaires mis en service dans un contexte de monopole national. Le nucléaire supportait aisément la concurrence du charbon allemand ou polonais. Jusqu’au moment où les subventions aux énergies renouvelables (25 Md€/an rien qu’en Allemagne), le relatif suréquipement en moyen de production européen (la crise de 2008 n’était pas prévue…) ont conduit à une chute des prix de marché européen (car le marché de gros de l’électricité est européen). Quelquefois, les prix de l’électricité sur le marché étaient… négatifs !
Résultat : les entreprises du secteur qui s’en sortent le mieux sont celles qui évitent les tribulations du marché en développant des projets éoliens ou solaires subventionnés et sont dotés d’infrastructures (réseaux électriques ou gaz, stockage de gaz) dont les revenus sont garantis par la réglementation et non soumis aux aléas du marché.
Nucléaire à part
Le projet de l’Union européenne pour l’énergie électrique et le gaz naturel consiste à construire un marché dans lequel les règles communes du capital – essentiellement donc l’accumulation – puissent se déployer avec le moins de contraintes possibles.
A l’expérience, le nucléaire est une contrainte : il est retiré du jeu ou pour reprendre les mots officiels, le nucléaire ne peut pas être soumis aux aléas du marché. Porté par une entreprise appartenant entièrement à l’Etat, les 58 réacteurs nucléaires fourniront le marché à un prix fixé (on ne sait pas encore comment – sans doute indexé sur le prix de marché avec un plafond et un seuil). Tous les fournisseurs d’électricité, y compris « EDF non nucléaire », auront accès à cette électricité. Dans ces conditions, la disparition d’un prix public est bel et bien à l’ordre du jour.
Nous pouvons supposer que la filiale prévue « EDF non nucléaire » connaîtra la trajectoire d’Engie avec un désengagement progressif de l’Etat.
Hier, une entreprise d’électricité produisait, transportait et livrait son produit. La libéralisation des marchés n’a pas seulement ouvert cette activité industrielle à la concurrence, elle tend aussi à la pulvériser pour mettre en évidence les activités les plus rentables. Après ? Le capital se sert.

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