Gantry 5

 

N° 916 11/03/2025  Le 7 mars en écho au mouvement stand up for science initié aux États-Unis par des chercheurs et universitaires pour protester contre la politique des dirigeants américains envers la science et ses personnels, se sont tenus en France des initiatives et des manifestations dans de nombreuses villes universitaires. L'objectif de ces mouvements selon les organisateurs est de : " défendre les sciences et les humanités, la liberté académique et l’Université comme piliers d’une société démocratique."
Le contenu des assemblées qui se sont tenues en présence de nombreux chercheurs et universitaires, comme la tonalité des manifestations importantes (plus de 3.000 personnes à Paris) sont à la hauteur des inquiétudes, non seulement du sort réservé par leurs gouvernants à nos collègues états-uniens mais aussi de celui que nous impose les nôtres avec des réformes qui au CNRS et dans les organismes de recherche public, comme à l'Université fragilisent les structures de recherche et d'enseignement et précarisent les personnels. La contractualisation poussée à l'extrême, les systèmes d'évaluations qui échappent de plus en plus à la communauté scientifique et de moins en moins à une technostructure politisée, couplée à une baisse récurrente et significative des crédits entraîne à une polarisation sur certains thèmes de recherche et cela est encore plus vrai en sciences humaines, laissant en déshérence ce que l'on nomme : le front continu des connaissances. Aux États-Unis, La censure idéologique s’étend, retirant des informations scientifiques essentielles sur les inégalités sociales, la santé et la protection des milieux naturels. A cela s’ajoute une restriction de l’enseignement de l’évolution et des études de genre, couplée à des attaques contre l’intégrité des agences scientifiques. En France aussi et des chercheurs et d'autres en ont fait l'expérience, des thèmes touchant à des points sensibles comme l'analyse des événements en Palestine font l'objet d'une doxa gouvernementale.
Il y a donc, et c'est le sentiment qui se dégage des débats qui ont eu lieu, urgence à se rassembler et à lutter à la fois pour des moyens de travail mais aussi, pour une démocratisation profonde de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il faut le faire en évitant les pièges que tendent les institutions qui mesurent la réalité du mécontentement et entendent contrôler au mieux le mouvement. Quand le CNRS qui tentent de faire passer les keylabs soutient le mouvement comme France Université qui n'a eu de cesse d'approuver et de collaborer à la mise en œuvre des calamiteuses réformes de l'enseignement supérieur, il y a de quoi s'interroger sur leur motivations et/ou missions de déminage. De plus, et c'est tout aussi vrai pour les États-Unis que pour la France, l'analyse ne peut pas simplement en rester à la description factuelle des choses et à une réaction justement indignée, il faut analyser les causes profondes des processus qui conduisent à ces situations. Pour notre part, nous estimons que sans une analyse qui explore la structure économique, les rapports de classe, et leur transposition dans des discours qui saturent les consciences, le mouvement sera largement désarmé face à des classes dirigeantes qui défendent des intérêts puissants : ceux de l'économie capitaliste et ceux des "élites culturelles" qui y sont liés.