Gantry 5

 

N° 823 30/05/2023 Le 27 mai 1943, au 48 rue du Four dans le 6e arrondissement de Paris, se réunit pour la première fois le Conseil de la résistance qui deviendra le Conseil National de la Résistance (CNR)(1) .

Il rassemble les cinq représentants des mouvements de résistance de la zone nord et les cinq de la zone sud, six représentants des partis politiques, des démocrates-chrétiens au parti communiste et les représentants syndicaux de la CGT et de la CFTC. Ce travail d'unité est mené par Jean Moulin qui est le représentant du Général de Gaulle. Le CNR regroupe donc l'ensemble de la résistance, il est largement représentatif du peuple français et donne un outil politique fort au Général de Gaulle dans son affrontement avec le Général Giraud à Alger qui a le soutien des Américains, dans la direction de la Résistance et dans la légitimité à la représenter auprès des alliés.
La volonté de fédérer la Résistance est exprimée par Jean Moulin dès le début de la réunion du CNR. Il rappelle les objectifs de la France Combattante: faire la guerre; rendre la parole au peuple français; rétablir les libertés républicaines dans un État garantissant la justice sociale; travailler avec les alliés à l'établissement d'une collaboration internationale économique et spirituelle dans un monde où la France retrouverait son prestige.
C'est le 15 mars 1944 que le programme du CNR appelé : "les jours heureux" sera publié(2) . Ce programme se divise en deux parties, une consacrée au plan d'action immédiat qui recouvre les aspects traitant de la lutte pour la libération nationale et une deuxième partie consacrée : aux mesures à appliquer lors de la libération du territoire. Sur le plan économique, il retient :" l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie" et " le retour à la nation des grands moyens de production monopolisés, fruit du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques ; le développement et le soutien des coopératives de production, d’achats et de ventes, agricoles et artisanales" et au plan social :
" • le droit au travail et le droit au repos, notamment par le rétablissement et l’amélioration du régime contractuel du travail.
• un rajustement important des salaires et la garantie d’un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d’une vie pleinement humaine.
• la garantie du pouvoir d’achat national par une politique tendant à la stabilité de la monnaie ;
• la reconstitution, dans ses libertés traditionnelles, d’un syndicalisme indépendant, doté de larges pouvoirs dans l’organisation de la vie économique et sociale ;
• un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État ; la sécurité de l’emploi, la réglementation des conditions d’embauchage et de licenciement, le rétablissement des délégués d’atelier".
On le voit, le programme du CNR contenait toutes les mesures qui conduisirent à la Libération aux nationalisations et à l'instauration de la sécurité sociale. Toutes les mesures sociales consistèrent en des améliorations sensibles pour la vie des travailleurs et malgré les attaques, elles constituent un socle auquel les salariés sont attachés. Il n'est que de voir la vigueur de la riposte du monde du travail à la volonté des gouvernements de remettre en cause l'age de départ à la retraite et à modifier son caractère par répartition. Toutes ces mesures furent-elles le résultat d'une conversion quasi-magique des forces capitalistes à la conception d'un État social ? La réponse est non ! Elles furent le résultat d'un rapport de force dans l'intense lutte des classes qui a prévalue tout au long de la lutte de libération nationale, lutte dans laquelle les militants communistes et de la CGT jouèrent un rôle essentiel, et aussi au rôle décisif de l'URSS dans l'écrasement du nazisme. C'est ce rapport de force favorable aux travailleurs qui a conduit aux possibilités ouvertes par la libération du pays.
Mais jamais le patronat n'a renoncé à regagner ce qu'il avait dû concéder. Dès les années 50, avec la complicité des gouvernements qu'ils soient conservateurs ou sociaux-démocrates ou les deux à la fois, il a commencé à grignoter les conquêtes sociales une à une. Voici ce qu'en disais Denis Kessler un ancien dirigeant du Medef dans le journal Challenge en 2007 :" Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. Un compromis entre gaullistes et communistes. Il est grand temps de le réformer, et le gouvernement s'y emploie.
Les annonces successives des différentes réformes par le gouvernement peuvent donner une impression de patchwork, tant elles paraissent variées, d’importance inégale, et de portées diverses : statut de la fonction publique, régimes spéciaux de retraite, refonte de la Sécurité sociale, paritarisme...
A y regarder de plus près, on constate qu'il y a une profonde unité à ce programme ambitieux. La liste des réformes ? C'est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s'agit aujourd'hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance !"
Depuis, les gouvernements successifs et le patronat sont à la manœuvre et ils vont vite en besogne. Macron comme ces ses prédécesseurs fait partie de la longue liste des liquidateurs du programme du CNR. Il a beau déposer des gerbes lors des cérémonies commémoratives, faire l'éloge de la résistance, il en trahit l'esprit à chacune de ses paroles et de ses actes. Il peut bien essayer de baptiser son cénacle à dialogue social du nom de CNR, le R signifiant ici Refondation, il ne peut cacher la supercherie !
Pour les travailleurs la leçon de l'histoire est limpide. Il est possible de faire reculer le patronat et son pouvoir politique par une intense lutte des classes, mais rien n'est gagné tant que le pouvoir politique et économique ne leur est pas arraché. C'est bien là le sens de notre action de parti révolutionnaire !

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(1)Revue de l'association du musée de la résistance nationale: Notre revue N°247
(2) https://les-jours-heureux.fr/cnr1944/

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