Gantry 5

 

Depuis plusieurs semaines, dans les lycées de France, les enseignants grévistes et les élèves organisent la lutte contre les EC3 (épreuves communes de contrôle continu) qui constituent la première partie du nouveau baccalauréat, façon Blanquer.
Ce mouvement se situe en pleine grève contre la réforme des retraites, grève dans laquelle les enseignants en général jouent un rôle non négligeable avec des taux de grévistes très importants en décembre et des taux toujours élevés en janvier.

Parler de cette lutte contre le bac Blanquer, souvent menée également avec l’aide des grévistes des autres secteurs (premier degré, EDF, RATP, territoriaux, etc.) nécessite d’abord de donner quelques explications.

Cette réforme accentue le tri social, creuse les inégalités
L’enjeu majeur tourne autour du caractère national du bac. Le bac a toujours été inégalitaire, et l’est de plus en plus ( les évolutions faites sous Sarkozy en 2007 et 2010, sous Hollande en 2013 et 2015 ont accentuées les inégalités). Selon que l’on l’obtient en étant élève dans un grand lycée parisien ou dans un petit lycée rural ou encore dans un lycée qui relevait de l’éducation prioritaire, il n’a pas la même valeur. Néanmoins, un certain nombre de garde-fous existaient qui permettaient quelques garanties sur le fait que tout le monde avait un diplôme au moins semblable.
Blanquer veut accélérer, fini le même diplôme pour tous. Il a introduit des épreuves anticipées (les fameuses EC3) dont les sujets sont censés être décidés sur place, ils peuvent donc être différents d’un établissement à l’autre. De même les conditions des corrections peuvent l’être encore plus que ce qu’elles l’étaient auparavant dans la correction des épreuves ponctuelles de fin de terminale ou première (le français). Les sujets sont proposés par les enseignants du lycée, choisis par l’administration (chef d’établissement et inspecteurs de matières). Le bac comporte désormais des spécialités (options choisies plus ou moins par les élèves en fin de seconde) et un tronc commun, dont, au passage, il est utile de mentionner qu’il ne comporte plus de maths. Les EC3 portent sur le tronc commun : en janvier, histoire, sciences et langues.
Cette réforme creuse les inégalités entre lycées, elle est un instrument pour la mise en œuvre de la sélection à l’université, elle dégrade les conditions d’éducation pour les élèves et les conditions de travail des enseignants.

La contestation est massive
Depuis le mois de septembre, de nombreux enseignants de lycée ont alerté sur la nocivité de ces épreuves anticipées et sur l’impréparation qui les caractérisait. Pour les élèves, on passe d’un bachotage en fin de terminale à un bachotage continu à partir du second semestre de la première. Blanquer essaie de faire croire qu’il s’agit de contrôle continu, mais, justement, le contrôle continu n’implique pas, normalement, le bachotage. Enfin, les détails de l’organisation, nombre de candidats par salle, rémunération ou pas des surveillance, processus de recherche et d’habilitation des sujets, ont été connus très très tard.

La lutte est engagée depuis septembre.
Un mouvement a donc commencé à se développer, de la part des enseignants, en même temps que la lutte contre la réforme des retraites en décembre. Dans pas mal de lycées, les professeurs ont refusé de proposer des sujets, se sont débrouillés pour que l’administration en sache le moins possible sur les éléments qu’ils avaient traités avec les élèves et ont annoncé qu’ils feraient la grève des surveillances. A partir de la semaine du 20 janvier, on est passé à la pratique. A la grève des enseignants s’est greffé le refus de composer des élèves puis les blocages des établissements par les mêmes élèves. Dans pas mal d’endroits, une présence massive des enseignants grévistes et de grévistes d’autre secteurs a permis d’éviter des heurts avec la police. Ce ne fut pas le cas partout. Certains proviseurs, ont pris la décision de reporter les épreuves aux mois de février et mars, après les vacances, suite-à la grève et au blocage, ou même préventivement.

La répression policière s’est abattue sur les lycéens opposés au Bac Blanquer
Certains chefs d’établissements ont décidé de mener une guerre. Dans certains lycées, les épreuves se sont déroulées sous le contrôle de la police, présente à l’intérieur des locaux. Mais surtout, nous avons connu un épisode de répressions policière et judiciaire anti-lycéennes sans précédent. Les proviseurs de la ville de Paris se sont particulièrement illustrés dans ce pitoyable combat. Certains, majoritairement syndiqués à la CFDT, se sont fendus d’une tribune dans « LE Monde » pour accuser les enseignants grévistes de brimer les élèves en éducation prioritaire. D’autres, ou les mêmes, ont appelé la police pour faire le ménage. Ces unités spéciales, protégées par le gouvernement, la BAC, les Voltigeurs avec leur tenue de Robocop s’en sont donné à cœur joie, on peut citer aussi certains commissariats dont celui du XXème à Paris où un gamin a pu passer une nuit en garde à vue avec le nez cassé, sans aucun soin. Et, comme d’habitude, on a eu droit à de nombreuses gardes à vue, avec des maltraitances, et des gens mis en examen, puisque la justice de classe doit bien faire son travail. Les media, qui relaient la parole du Grand Capital, ne se sont pas émus de cette sauvage répression policière. Ils n’en ont pas parlé, comme ils l’ont fait pour les nombreuses grèves contre la réforme des retraites. Les lycéens parisiens ont payé un lourd tribut à la volonté des chefs de faire passer coûte que coûte ces examens.

Dans l’ensemble du pays, là où les épreuves se sont passées, des échos remontent de tricheries, de la proviseure qui passe dans les classes pour indiquer quoi réviser à la présence de téléphones portables actifs dans les salles. L’intimidation a joué un rôle, l’administration et d’autres supplétifs menaçant par téléphone les parents d’un zéro s’ils ne passaient pas. Or, comme dans tout examen, la note est une prérogative du jury, ces menaces n’ont donc aucun fond légal.
Autour de 30 % des lycées ont connu des passations perturbées, avec des points forts en Ile de France et dans les DOM. La CGT Educ’Action estime que, dans plus de 20 % des établissements, les épreuves ont été carrément reportées. Le message de Blanquer aux journalistes ou aux députés qui l’interrogeaient : « Tout se passe bien. » est un mensonge éhonté. La meilleure preuve est que les autorités du ministère ont reçu cette semaine les organisations syndicales pour avoir des échos des dégâts. Blanquer va devoir faire des annonces des choses, mais il prépare de nouvelles tentatives de faire passer.

La lutte va continuer
Rien n’est réglé, à la rentrée après les vacances de février la lutte va continuer, des enseignants sont déterminés à refaire grève et des élèves bien décidés à ne pas composer ; l’enjeu est de taille : faire reculer Blanquer et son bac.

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