Gantry 5

 

699-12/01/2021 Une journée de grève intersyndicale se prépare dans l’éducation pour le 26 janvier. Nous avons rencontré Michael Marcilloux, secrétaire national de la CGT Educ’Action, en charge des lycées et collèges, pour qu’il nous en dise plus sur cette journée.

 Question : Quel est l'état d'esprit aujourd'hui dans les écoles et les établissements scolaires ?

Michael Marcilloux : La fatigue et la colère. La fatigue au vu du contexte sanitaire : stress permanent, aucune vision à long terme pour organiser les enseignements, faute d’une anticipation du ministère, difficulté de travailler masqués avec des élèves également masqués… Et bien sûr colère contre un ministre dont la politique était déjà rejetée et qui ne tient aucun compte de la situation et de l’état des personnels. Non content de s’entêter dans ses réformes dont le caractère inégalitaire est amplifié par les conséquences de la crise sanitaire, il multiplie les sorties médiatiques intempestives, laisse les personnels organiser comme ils peuvent un protocole sanitaire sans moyens pour sa mise en œuvre et refuse obstinément de prendre en compte budgétairement et pédagogiquement les conséquences de la situation sur les élèves. Un exemple : alors que les élèves de terminale accumulent le retard dans leurs apprentissage depuis mars, Blanquer refuse d’annoncer le report en juin de leurs épreuves de spécialité prévue mi-mars car elles sont la base de sa politique de sélection dans le supérieur.
Si vous ajoutez son absence de soutien - et c’est un euphémisme - au moment de la campagne de dénigrement des enseignants lors du déconfinement de mai et son attitude lors de l’assassinat de Samuel Paty…

Q : Pourquoi cette date du 26 janvier ? Quelle en est la genèse ?

M M : Depuis le déconfinement de mai, l’ensemble des organisations syndicales ont exigé un plan d’urgence pour prendre en compte les conséquences du confinement. Pour la CGT Éduc’action ces évènements n’ont fait que percuter une École déjà fragilisée par des décennies d’austérité budgétaire et de politiques de tri social.
Par ailleurs, le projet de retraite à point, qui conduisait à une baisse drastique des pensions des enseignants, a mis en lumière la faiblesse de leurs salaires par rapport aux autres pays de l’OCDE. Si la réforme est pour le moment mise entre parenthèse, le ministre s’est engagé à revaloriser les salaires, mais en laissant entendre qu’il y aurait des contreparties.
Ces deux points, en plus de l’exigence d’abrogation des réformes réactionnaires du ministre, ont conduit des organisations syndicales, dont la CGT Éduc’action, à estimer plus que jamais nécessaire la construction d’une mobilisation d’ampleur.
La construction de cette mobilisation ne va pas de soi au vu du contexte. Il y a d’abord eu une rentrée où la mise en œuvre du nouveau protocole sanitaire a absorbé une grande part de l’énergie des personnels et des militants.
De plus, le principe d’un plan d’urgence et d’une revalorisation significative de tous les personnels de l’éducation – et pas des seuls enseignants – étant partagé par l’ensemble des organisations syndicales, les organisations à l’initiative de la mobilisation ont essayé de la construire dans un cadre intersyndical le plus large possible. Cela n’a, pour l’heure, pas été possible.
Pour la CGT Éduc’action et d’autres, nous souhaitions une date annoncée suffisamment tôt pour la construire ainsi que ses suites. Au vu des éléments que je viens d’exposer, nous visions la fin d’année 2020, mais c’était sans compter sur le reconfinement de novembre et l’assassinat de Samuel Paty.

Q : Comment est perçue cette initiative chez les personnels ? Comment se prépare-t-elle ?

M M : Difficile d’évaluer l’accueil des collègues pour le moment. La colère et la lassitude sont là mais déboucheront-t-elles sur une mobilisation forte et durable ? Si, la mobilisation contre la réforme des retraites ne s’est pas traduite par un fort mouvement reconductible dans l’éducation, elle a été tout de même plutôt bien suivie. C’est quand même le signe que la combativité était présente chez nous il y a encore peu. Maintenant, il est vrai que le contexte sanitaire (pas seulement l’épidémie mais la crainte pour l’avenir des élèves, le travail considérable à faire pour leur garantir un apprentissage le moins pire possible au vu de la situation, la lassitude…) pèse. La préparation de cette journée passe justement par la nécessité de dépasser les revendications sanitaires en les liant à la politique globale du gouvernement.
D’abord en rappelant que les classes surchargées et les locaux inadaptés à la gestion de l’épidémie ne sont que la conséquence des choix de politique budgétaire qui fragilisent depuis trop longtemps l’École. Il y a une nécessité d’un plan d’urgence pour l’éducation pour permettre de maintenir l’ouverture des écoles et établissements dans le contexte épidémique à court terme, pour remédier aux conséquences sur les élèves de la crise à moyen terme et pour redonner des moyens pour une École émancipatrice à long terme.
Ensuite, les politiques libérales s’attaquent aux statuts de la fonction publique depuis longtemps et le ministre fait le choix, cette année, de donner des moyens supplémentaires du fait de l’épidémie, uniquement sous la forme de recrutements de contractuels sur des contrats de 3 mois. La résorption de la précarité et les conditions de travail des assistants d’éducation, massivement en grève en décembre, et des AESH sont donc un second axe de mobilisation (titularisation de tous sans condition de concours et de nationalité et création de vrais statuts pour les AESH et les AED).
De même, si l’épidémie a mis en lumière les inégalités sociales et scolaires, les réformes réactionnaires de Blanquer instituent le tri social et aggravent les effets de la crise sur les élèves, sans parler de la dégradation des conditions d’exercice des personnels et les attaques contre leur liberté pédagogique. Les personnels vivent de plus en plus mal la perte de sens au travail que cela engendre et rejettent la politique du ministre.
Enfin, s’il est toujours difficile de mobiliser sur la question des salaires dans notre secteur, il est urgent d’enfin revaloriser les salaires. Mais surtout, il est de notre responsabilité d’alerter et mobiliser les collègues contre ce que prépare le ministre. Derrière une hypothétique revalorisation pluri annuelle (sous forme de primes et d’individualisation des rémunérations), c’est bien une attaque en règle des statuts, du temps de travail, des carrières qu’il entend mettre en œuvre en guise de contreparties.

Q : Comment la CGT Educ'Action voit-elle les suites de cette action ?

M M : Le but est de lancer un mouvement sur la durée. Les mobilisations contre les lois liberticides en cours d’examen à l’assemblée ou programmées des prochains week-ends et la journée de mobilisation interprofessionnelle du 4 février sont des points d’appui pour lancer la machine. Les organisations qui ont lancé la mobilisation du 5 décembre 2019 l’ont fait sans être sures qu’elle déboucherait sur le long mouvement contre les retraites de l’hiver dernier. Il reste à espérer que le 26 soit le début de quelque chose dans l’éducation.

Imprimer cet article

Notre brochure
brochure
 
Bulletin d'adhésion
bulletin d'adhésion
 
Affiche
affiche