Gantry 5

 

N°798 03/12/2022 Le titre que nous avons choisi pour célébrer le soixantième anniversaire de l'indépendance de l'Algérie le 5 juillet 1962, ne doit rien au hasard.

Il renvoie à cette réalité que l'Algérie, colonisée par la France après sa conquête qui débuta en 1830, a dû mener avec son peuple, une guerre de libération nationale longue et meurtrière pour s'émanciper de la tutelle coloniale et conquérir son indépendance.

Il est essentiel d’apprécier l’importance et le caractère spécifique de cette guerre d’indépendance dans l’histoire en général et dans l’histoire du colonialisme.

L’Etat français a occupé une place et joué un rôle essentiel dans le système colonial.

Dans ces périodes de colonisation, la France a été avec la Grande Bretagne l'une des plus importantes puissances coloniales. Ce qui éclaire d’un jour particulier l’une des causes de la guerre impérialiste mondiale de 1914-1918 avec le partage des colonies allemandes entre la France et la Grande Bretagne en 1918 : La France s’empare du Cameroun et du Togo, La Grande Bretagne du Nigéria, la Belgique du Rwanda et du Burundi. En 1938, La France et la Grande Bretagne possèdent à elle seule 85% du domaine colonial existant

L’importance de l’Algérie et de la guerre d’indépendance dans le système colonial

Dans l’histoire du colonialisme, l’Algérie joue un rôle particulier pour plusieurs raisons :

Tout d’abord, par son statut : l’Algérie n’est ni une colonie (comme l’Afrique occidentale Française, par exemple), ni un protectorat (comme le Maroc ou la Tunisie). L'Algérie a été conçue, par les dirigeants de la Deuxième République, comme un territoire français divisé en trois départements. C’est le seul cas que l’on connaisse, avec les DOM/TOM colonies plus anciennes qui sont toujours possessions de l’Etat français.

Ensuite par ce que l’Algérie est une colonie de peuplement. C’est le territoire dominé par la France où a été envoyés le plus de colons. La majorité d'entre eux étaient des émigrés européens arrivés récemment et envoyés par la France pour coloniser l’Algérie.

Une autre partie étaient constituée des ouvriers et des artisans déportés après les journées de juin 1848 et après la Commune.

Auxquels il faut ajouter un nombre non négligeable d’Alsaciens et de Lorrains après la fin de la guerre de 1870/1871.

La troisième raison est essentielle. Le peuple algérien, ainsi que le peuple vietnamien, ont mené une lutte de libération nationale victorieuse. Pour les autres Etats issus des structures coloniales françaises, la décolonisation a pris d'autres formes, soit

      ⁎ celle du Rassemblement Démocratique Africain dirigé par F. Houphouët-Boigny qui laissait toute la place à l’ancienne puissance        coloniale et ne faisait que changer la forme de la colonisation « Vive l’Afrique noire, Vive l’Union des Africains, Vive l’Union française des peuples démocratique,

ou

         celle de Sékou Touré : La Guinée, qui a voté non au référendum du 28 septembre 1958 qui instituait la création de la « Communauté franco-africaine », la réponse était claire : « Nous ne renoncerons pas et nous ne renoncerons jamais à notre droit légitime et naturel à l’indépendance…Nous préférons la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage »

Les luttes pour l'indépendance nationale se sont heurtées partout aux violentes répressions des puissances colonisatrices. Pour la France, ce fut le cas au Cameroun et à Madagascar où entre mars 1947 décembre 1948 la répression fit plus de 80.000 morts reconnus officiellement, sans compter les blessés, les personnes arrêtées, les torturés.

Comme l’affirme Alain Ruscio « La guerre d’Algérie n’a pas commencé le 1er novembre 1954 »

" C’est par cette affirmation, en apparence paradoxale, qu’il faut aborder cet événement majeur du XXe siècle. En réalité, c’est de la conquête de 1830 qu’il faut partir pour comprendre l’accumulation qui a conduit à la guerre de 1954-1962. En fait, le peuple algérien n’a cessé de souffrir de la situation coloniale. Face à cela, les résistances n’ont jamais cessé, que ce soit sous la forme d’une première guerre, menée par l’Émir Abd-el-Kader jusqu’en 1847, ou des insurrections nombreuses, enfin sous la forme de mobilisations politiques nationalistes, que ce soit au sein de la population immigrée en France ou sur place. L’insurrection n’a pas surgi, en effet, comme un coup de tonnerre dans un ciel serein. En novembre 1954 et dans les années qui ont suivi, la seule réponse trouvée par les autorités fut la répression la plus violente. Il s’en suivit une guerre de plus de 7 années, meurtrière pour le peuple algérien, mais qui affecta également la population française"

Guerre meurtrière pour le peuple algérien, je rappellerai le déplacement de masse des populations par l’armée française – plus de 2 millions- parquées dans des « camps de regroupement » sans logements et sans ressources, l’impossibilité de maintenir une hygiène minimale et la malnutrition causèrent des ravages. Il y avait chaque jour des morts, et particulièrement parmi les enfants dont la mortalité a atteint 50%.

La guerre d'Algérie, à la suite de la défaite de l'impérialisme français en Indochine en 1954, a marqué un tournant dans la stratégie de domination de la classe dirigeante en France, sur fond d'affaiblissement de la France dans un monde dominé par l'impérialisme des États-Unis en lutte contre l'ennemi que constituait l'URSS.

Cela s’est traduit par le coup d'État de De Gaulle en 1958 qui a été marqué par un recul des libertés démocratiques, le renforcement du caractère monopoliste du capitalisme et l'accentuation de la guerre et de la répression contre le peuple algérien.

Je pense que dans les interventions et le débat qui vont suivre, ces questions seront largement abordées mieux que je ne pourrais le faire dans cette brève introduction.

Les intérêts de la France impérialiste en Algérie

Jusqu'au bout, par tous les moyens et par une répression meurtrière, le pouvoir en France tenta d'empêcher le processus d'indépendance d'aller jusqu'à son terme.

La découverte de gisements de gaz et de pétrole, les terrains d'expérimentation des armes nucléaires dans le Sahara algérien étaient de puissants leviers économiques et géopolitiques pour tenter de limiter l'indépendance de l'Algérie, y compris en organisant sa partition ce qui aurait laissé à la puissance colonisatrice un droit d'ingérence politique, économique et militaire.

C'est la résolution et la lutte des dirigeants et du peuple algériens qui ont permis de surmonter ces derniers obstacles, y compris lors des négociations d'Évian, à une indépendance pleine et entière que nous saluons aujourd'hui.

L'Algérie indépendante dans un monde dominé par le système impérialiste

L'indépendance de l'Algérie acquise au prix d'immenses sacrifices de son peuple, n'a pas résolu par un coup de baguette magique, les questions cruciales auxquelles elle devait faire face avec les graves séquelles de la colonisation, du sous-développement de son économie, du manque de cadres et de structures administratives.

C'est dans le contexte des affrontements de l'alliance impérialiste dominée par les États-Unis contre l'URSS et la volonté de l'ancienne puissance coloniale d'y maintenir les intérêts des sociétés capitalistes françaises qu'elle a dû évoluer.

Aujourd'hui après la disparition de l'URSS, alors que le capitalisme domine le monde, les pressions exercées sur l'Algérie sont encore plus fortes et le pouvoir aux mains de dirigeants corrompus fragilise la résistance du pays aux pressions de l'impérialisme.

Cela nous renvoie à une question décisive : celle de l'impérialisme aujourd'hui et de la lutte nationale et internationale pour le renversement du système capitaliste.

L'impérialisme

Pour asseoir son mode de production le capitalisme s’est appuyée sur une idéologie construite autour de l’illusion de liberté et de modernité. La liberté de commerce et d’industrie, l’accumulation du capital qui s’en est suivie, a poussé à la conquête de territoires de plus en plus vastes et de plus en plus éloignés, à la recherche de matières premières, de nouveaux marchés et de nouvelle main-d’œuvre... la concurrence entre les Etats qui en a résulté a conduit à un partage du monde. Ce fut l’ère du colonialisme : comme l’écrit Lénine dans l’Impérialisme stade suprême du capitalisme, « le colonialisme est un moyen de développement du capitalisme dans le cadre de son développement impérialiste ».

Aujourd'hui, l'impérialisme recouvre des réalités différentes.

Depuis le début du XXe siècle et après deux guerres mondiales impérialistes, la domination des monopoles, la fusion du capital financier et du capital industriel, la mondialisation capitaliste avec les processus de délocalisation de la production, se sont développés et approfondis. Pour Lénine « L’impérialisme est le capitalisme arrivé à un stade de développement où s’est affirmé la domination des monopoles et du capital financier où l’exportation des capitaux a acquis une importance de premier plan où le partage du monde a commencé avec les trusts internationaux et ou s’est achevé le partage de tout le globe entre les grands pays capitalistes ». Cette définition est toujours d’actualité, même si l'on en est plus au partage colonial du monde, les multinationales ont remplacé les monopoles, elles recherchent une nouvelle main d’œuvre, abondante et moins chère et des nouveaux marchés plus vastes. La concurrence entre les impérialismes s’aiguise. Les capitalistes des pays dominants cherchent à étendre leurs sphères d’influence pour s’approprier les ressources naturelles, les voies de communications matérielles et immatérielles, la force de travail et les marchés quitte à s’affronter militairement pour accroître les profits. Tout montre qu’une nouvelle étape grosse de dangers est franchie, y compris celui d’une guerre internationale, et ceci du fait même de la concurrence acharnée que se livrent les impérialismes.

En guise de conclusion

Depuis la mort de Houari Boumediene, avec l’éviction de Mohamed Yahiaoui, l’arrivée au pouvoir de Chadli Bendjedid, malgré le court passage au pouvoir, au début des années 90 de Mohamed Boudiaf puis d’Ali Kafi, l’Algérie n’a plus grand-chose à voir avec ce qu’elle était, réellement, et symboliquement auprès de tous les peuples du Tiers Monde dans sa lutte de libération nationale et au moment de l'indépendance. Les gouvernements aux ordres du capitalisme contrôlent le pays de manière ininterrompue depuis Chadli Bendjedid, sauf pendant l’intermède Boudiaf-Kafi.

Pour autant, soixante ans après, il reste des traces fortes de l’héritage de ceux des combattants du FLN qui voulaient la Révolution, et des combattants du PCA.

Il reste des traces de l’héritage de la période à caractère socialiste sous Houari Boumediene. Le mouvement du Hirak l’a montré.

Dans cette initiative et ce débat, nous voulons rendre encore une fois hommage à tous les combattants de l'indépendance de l'Algérie et apporter notre soutien internationaliste aux forces qui en Algérie, au milieu de difficultés immenses, n'ont pas renoncé et se battent pour une Algérie démocratique, sociale au service de son peuple.

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