N° 948 23/10/2025 À Madagascar, depuis fin septembre, la rue est envahie par les manifestants protestant contre le régime réactionnaire du président Andry Rajoelina.
La contestation initiée fin septembre par la jeunesse mécontente des coupures récurrentes d’eau et d’électricité, s’est généralisée. Les manifestations, organisées par le collectif de jeunes Génération Z, comme au Maroc, dans la capitale Antananarivo, ont rapidement rassemblé des Malgaches de toutes générations. Les revendications ne se limitaient pas à l’accès aux services essentiels, mais incluaient également l’amélioration des conditions de vie et la lutte contre la corruption. Plus de 80 % des Malgaches vivent sous le seuil de pauvreté, accentuant ainsi la portée et l’intensité des protestations.
Rajoelina a tenté de s’en sortir en sacrifiant un fusible : il a dissout son gouvernement. Personne n’a été dupe et les manifestations ont continué. Les manifestations ont été brutalement réprimées, causant la mort de 22 personnes.
La situation a basculé le samedi 11 octobre lorsque l’unité militaire Capsat (Corps d'Armée des Personnels et des Services Administratifs et Techniques) a appelé à la désobéissance civile et est entrée en mutinerie en rejoignant les manifestants et en les aidant à gagner la place du 13 mai que ceux-ci essayaient d'atteindre depuis le début des manifestations. Le lendemain (le 12 octobre) le CAPSAT a annoncé prendre le contrôle de l'armée tandis que le président, d’abord réfugié chez son protecteur néocolonial, à l’ambassade de France, était exfiltré par un avion de l’armée de l’air française et est réfugié depuis en France.
Deux jours après, le 14 octobre, l’Assemblée nationale a voté la destitution d’Andry Rajoelina, un événement marquant, d’autant que ce dernier avait récemment annoncé la dissolution de cette institution. Le colonel du CAPSAT, Michaël Randrianirina, est nommé chef d'Etat par la haute cour constitutionnelle. Un « conseil de défense nationale de transition »est mis en place pour accompagner le nouveau président et le gouvernement transitoire. Il annonce le jour même la dissolution du Sénat et de la haute cour constitutionnelle puis est investi le 17 octobre
Concernant les manifestants ayant contribué à ce bouleversement, le départ de Rajoelina est une victoire. La situation reste ouverte. L’intervention de l’armée, surtout en Afrique, n’est pas forcément, en soi une mauvaise chose, même si, c’est cette armée (mais pas les mêmes unités), qui avait installé les amis de Rajoelina au pouvoir en 2009 après des manifestations exigeant le renversement du président d’alors, Marc Ravalomanana.
Un signe intéressant vient de la réaction de l’Union Africaine, animée par des États dont la sympathie envers les impérialistes ne fait pas mystère. Elle a suspendu Madagascar, comme elle l’avait fait pour la Guinée, le Mali, le Burkina Faso et le Niger où les prises de pouvoir des militaires se sont appuyées sur la contestation générale de la puissance coloniale française, mais pas pour le Gabon, où la prise de pouvoir des militaires ne signifiait qu’une révolution de palais, la nécessité de se débarrasser de l’encombrante famille Bongo où les liens avec la puissance tutélaire française sont maintenus.
La ligne défendue par l’UA est celle de la démocratie bourgeoise importée par les puissances impérialistes occidentales. Le recours à la prise du pouvoir par le peuple ou par l’armée, dès lors que des motifs anticoloniaux sont avancés, est condamné par principe. Or, s’il y a bien une leçon à retenir de ce qui se passe à Madagascar, c’est que l’élection au suffrage universel ne donne aucune légitimité à ceux qui en bénéficient sans contrôle des travailleurs et du peuple. C’est une chose qui ne concerne pas que l’Afrique, et les bonnes âmes de gauche, en France, qui nous parlent des valeurs démocratiques, en encensant la démocratie bourgeoise avec l’Union européenne, censée être porteuse de ces valeurs, devraient méditer là-dessus.
Si l’on peut considérer la chute de Rajoelina comme une première victoire, il faut attendre pour savoir ce que sera la suite. La mobilisation ne faiblit pas.
Comme au Népal ou au Maroc, les conditions de vie sans changement, le déficit de services publics, la répression ont lancé la jeunesse, puis les travailleurs dans la rue pour obtenir que leur État se préoccupe de la misère au lieu de gérer gentiment au service d’une classe bourgeoise corrompue et pour le plus grand bonheur des multinationales françaises (en Afrique) ou chinoises (au Népal). Ces mouvements portent en eux des germes de Révolution. Nul doute que rien n’est terminé et que les travailleurs conscients de la nécessité de renverser leur société capitaliste sont toujours vigilants et prêts à relancer la machine. Le Parti Révolutionnaire Communistes est pleinement solidaire de ces luttes !




