N° 950 03//11/2025 Interview de Mohamed Ali Zerouali ; représentant du Front Polisario en France
Question 1 :
L'Onu vient de voter une résolution concernant le Sahara Occidental. Si l'on en croit les media elle serait un soutien au plan marocain qui n'est autre qu'une annexion pure et simple faisant fi des droits reconnus du peuple Saharaoui. Qu'en est-il exactement ?

M. A. Zerouali
Le 31 octobre 2025, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2797 (2025), qui prolonge le mandat de la MINURSO jusqu’au 31 octobre 2026. Cette décision ne modifie en rien la nature ni la mission de la MINURSO, établie en 1991 pour organiser un référendum d’autodétermination permettant au peuple sahraoui de choisir librement son avenir. La résolution fait mention de la proposition marocaine d’autonomie, mais sans la reconnaître, la légitimer ni l’imposer comme solution. Il s’agit d’une référence de forme, sans valeur normative, qui n’engage aucune des parties à la considérer comme option exclusive. Le texte réaffirme le principe fondamental du droit à l’autodétermination, conformément à la résolution 1514 de l’Assemblée générale, et prolonge simplement la mission onusienne, reportant toute décision politique majeure à 2026. Autrement dit, le Conseil n’a pas tranché sur le fond du conflit, mais a maintenu le statu quo en prolongeant le mandat de la MINURSO.
Question 2 :
Si, comme tu l'expliques, cette résolution n'est pas ce dont les media se font l'écho, elle donne donc des marges de manoeuvre à la lutte du peuple sahraoui pour sa lutte de libération nationale. Comment se positionne le Front Polisario par rapport à cette résolution ?
M. A. Zerouali
Le Front Polisario réaffirme son attachement inaliénable au droit du peuple sahraoui à l’autodétermination et à l’indépendance, tel que consacré par la légalité internationale.
Toutefois, nous considérons que certains éléments de cette résolution s’éloignent dangereusement des principes fondateurs du processus onusien de décolonisation. En omettant de rappeler avec fermeté le cadre juridique du conflit — celui d’un territoire non autonome en attente de décolonisation —, la résolution risque de compromettre la crédibilité et la cohérence du processus de paix parrainé par les Nations unies.
Le Front Polisario demeure pleinement disposé à coopérer de manière constructive avec les efforts de l’ONU, mais refuse de participer à tout processus qui chercherait à légitimer l’occupation marocaine ou à nier au peuple sahraoui son droit imprescriptible à l’autodétermination.
Question 3 :
Jusqu'à présent, malgré de nombreuses résolutions de l'ONU favorables au droit à l'autodétermination du peuple saharaoui, aucune pression n'a été exercée sur le Maroc pour le contraindre à les respecter. Pourquoi cette situation ?
M. A. Zerouali
Il faut constater que les grandes puissances ont souvent instrumentalisé les Nations unies pour servir leurs propres intérêts géopolitiques. Le Maroc a su tirer parti de ces rapports de force, en bénéficiant du soutien politique et diplomatique de certains membres influents du Conseil de sécurité.
Par ailleurs, en normalisant ses relations avec Israël, le Maroc a lié son destin diplomatique à celui de Washington et de Paris, acceptant des compromis politiques et moraux en échange d’un appui sur la scène internationale. Cette dépendance mutuelle a réduit la volonté réelle de ces puissances d’exercer une pression effective sur le Maroc.
Le régime marocain déploie également une stratégie de communication et de propagande visant à présenter de prétendus succès diplomatiques, alors qu’il s’agit souvent de simples effets d’annonce. Cela contribue à affaiblir la perception du conflit et à retarder les mesures concrètes nécessaires à sa résolution.
En définitive, les résolutions, sans volonté politique d’application, demeurent des textes sans effet, et le processus de décolonisation du Sahara occidental continue de stagner.
Question 4 :
Dans cette affaire, les États-unis et les puissances occidentales, dont la France, soutiennent le régime marocain dans sa volonté d'annexion. Est-ce en rapport avec le fait que le Maroc est un allié d'Israël dans sa volonté de liquider la résistance palestinienne ?
M. A. Zerouali
Il existe effectivement un lien direct entre la normalisation des relations entre le Maroc et Israël et le soutien accru que certaines puissances occidentales, notamment les États-Unis et la France, accordent au Maroc.
Dans le cadre de cette normalisation, le Maroc a consenti des concessions politiques importantes à Washington et à Paris afin d’obtenir des contreparties diplomatiques, notamment sur la question du Sahara occidental.
Ce rapprochement s’inscrit dans une logique régionale plus large, où le Maroc aligne sa politique étrangère sur celle d’Israël et de ses alliés, au détriment de la solidarité historique avec le peuple palestinien.
Ainsi, le soutien occidental au Maroc n’est pas déconnecté de cette dynamique : il reflète une convergence d’intérêts géopolitiques qui, malheureusement, se fait au détriment du droit international et des principes de décolonisation.
Ainsi, le soutien occidental au Maroc n’est pas déconnecté de cette dynamique : il reflète une convergence d’intérêts géopolitiques qui, malheureusement, se fait au détriment du droit international et des principes de décolonisation.




