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N° 905 24/12/2024  En Corée du Sud, le 3 décembre 2024, tard dans la nuit, le président Yoon Suk-yeol a déclaré la mise en place de la loi martiale. 
L’armée a ensuite été déployée autour du parlement et partout dans le pays. 6 heures plus tard la loi martiale est levée sous la pression à la fois du parlement mais aussi de la rue. 
En effet, dès l’annonce de la mise en place de la loi martiale[1] un fort mouvement populaire s’est mis en place pour demander une levée immédiate de celle-ci. Devant le parlement sud-coréen des centaines de personnes se sont réunies pour protester contre la décision du président. 
Les membres du personnel du parlement n’étaient pas en reste puisque pour empêcher l’entrée illégale et inconstitutionnelle de soldats dans l’enceinte du parlement plusieurs barricades de fortunes ont été levées. Par la suite les soldats ont bouclé l’assemblée de l’extérieur, empêchant les parlementaires d’entrer dans l’enceinte. 
Certains de ces parlementaires ont été obligés d’escalader la grille d’entrée pour pouvoir assister au vote.[2]
Pour beaucoup, l’envoie de l’armée s’explique facilement pour le président car si les parlementaires votent contre la mise en place de la loi martiale, il est obligé de se plier à leurs volonté. Les empêcher d’entrer et de voter est donc le moyen le plus simple d’empêcher la levée de la loi. 
Il faut noter que dans le parlement sud-coréen aujourd’hui, la majorité est à l’opposition du parti présidentielle.
Selon le président Yoon Suk-Yeol, mettre en place la loi martiale aurait pour but de faciliter l’élimination des “ennemis de l'état” (“anti-state forces”), plus spécifiquement l’ennemi communiste (nord-coréen). Il y plus de chance que cette décision ait été prise pour permettre au président sud-coréen de garder une mainmise sur le pays qui était en train de lui échapper politiquement.
C’est d’ailleurs la première fois depuis les années 80 que le président a énoncé la mise en place de la loi martiale, rappelant les heures sombres du massacre de Gwangju[3]. Celui-ci avait pris place durant la répression d’un mouvement étudiant demandant la démocratisation de la Corée du Sud et la fin de la loi martiale énoncée en 1979, la répression militaire du gouvernement avait alors fait au moins une centaine de morts (et selon certains historiens entre 600 et 2300). 
Après le vote du parlement pour annuler la décision du président et repousser la loi martiale, deux autres votes ont eu lieu pour tenter de destituer le président. 
Le premier vote n’a rien donné mais le deuxième à aboutit, avec 204 votes pour la destitution et 85 contre. 
Dans ces votes pour la destitution, une douzaine viennent d’ailleurs directement du parti présidentiel, ce qui a permis au vote de passer.
Le président est entre autre interdit depuis le vote (le 14 décembre) de quitter le sol sud-coréen, et a fait des excuses publics par rapport à sa décision de mettre en place la loi martiale.[4]
Cette décision du Président  Yoon Suk-Yeol de mettre en place la loi martiale n'arrive pas dans un ciel serein et dans la plus exemplaire des démocraties en Asie. Si la Corée du Sud a connu un développement économique important dans les dernières décennies (figure 1), elle le doit à l'aide états-uniennes et à sa profonde intégration au commerce mondial avec une dominante des échanges avec les pays asiatiques et en premier lieu la Chine et les États-Unis[5].
PNB Core du sud
Figure 1 Évolution du PNB de 1953 à 2002[6]
Cette progression rapide a considérablement accru les inégalités au sein de la population, tandis que les libertés syndicales étaient et sont toujours bafouées et l'action syndicale durement réprimée. Le ralentissement de l'économie (figure 2) a conduit à une montée des luttes sociales, la plus médiatisée récemment  a été celle des salariés de chez Samsung[7].
PIB Coree du Sud
Figure 2 : évolution du PIB de la Corée du Sud de 1965 à 2023
Luttes sociales, luttes pour les libertés démocratiques et luttes pour la paix avec le refus de voir la Corée du Sud associée à l'escalade contre la République Démocratique de Corée, au nord et surtout contre la Chine au travers d'une participation à une alliance militaire, sur le modèle de l'OTAN,  emmenée par les États-Unis[8] qui veulent y associer aussi le Japon.
C'est cette situation qui remet en cause la politique d'alliance indéfectible avec les États-Unis qui considèrent la Corée du Sud comme une semi-colonie, qui a conduit à la défaite électorale du Parti Conservateur au détriment du Parti Démocratique aux dernière élections législatives de 2024[9].
Nous apportons notre soutien aux organisations syndicales et politiques qui se sont levées pour faire échec au coup d'état et luttent pour une réelle reconnaissance des droits des travailleurs et l'indépendance de la Corée du Sud du dominium états-uniens.