N° 879 25/06/2024 Une réunion en Suisse
Le « sommet pour la paix en Ukraine » qui s’est tenu, les 15 et 16 juin 2024, à Bürgenstock, en Suisse est terminé. Malgré les espoirs investis par Kiev dans l’événement, seul un écho déformé et inaudible des idées initialement formulées en dix points par le président ukrainien Zelensky, il y a des mois, a vu le jour.
Les invitations au « sommet pour la paix » ont été envoyées par son organisatrice, la Suisse, à plus de 160 pays, avec l’espoir de fédérer la « majorité mondiale » derrière les positions de Zelensky. Le but manifeste était d’organiser un large isolement de la Russie et de rassembler un grand nombre d’États derrière la bannière de l’OTAN.
Tout au long du processus d’organisation de l’événement, des signes inquiétants sont apparus et tout semblait indiquer que l’ampleur escomptée du sommet serait sensiblement différente de celle escomptée par Kiev. Les espoirs se sont heurtés à une réalité : près de la moitié des pays visés ont, tout simplement, ignoré l’invitation. Ils l’ont ignorée malgré l’insistance et la pression exercées par les pouvoirs occidentaux sur eux.
Finalement, seuls 92 pays, dont 1/3 membres de l’OTAN et 1/3 des pays-satellites direct de l’OTAN, ont envoyé leurs représentants en Suisse. Cela étant, une partie non négligeable de pays n’était pas représentée par les chefs d’Etat ou de gouvernement, mais par ceux dont les fonctions paraissent parfois presque anecdotiques, vu le cadre et le niveau espéré de la discussion. Notamment, au lieu de son premier ministre, l’Australie a envoyé au « sommet » de Bürgenstock son ministre du système d’assurance des personnes handicapées – une personne plus ou moins inconnue même en Australie. Officiellement, dans le langage diplomatique, ne sont qualifiés de « sommet » que des réunions internationales de chefs d’Etat et/ou de gouvernement.
Le président colombien Gustavo Petro qui a initialement prévu d’être présent au « sommet » pour la paix sur l’Ukraine, et qui a, finalement, refusé de s’y rendre comme tant d’autres, a clairement formulé la position de tous les « absents » : la conférence, organisée pour discuter uniquement de l’initiative proposée par Kiev, ne permet aucune discussion libre pouvant mener à une conclusion qui ne serait pas celle prédéterminée avant même le début de l’évènement. « C’est le droit international qui doit être restauré et approfondi, et non la création de blocs pour faire la guerre », a conclu Petro en mettant bien en évidence les réels objectifs de la réunion en Suisse.
L’absence de la Russie
Dès l’annonce par Kiev de l’idée de l’organisation d’un sommet pour la paix – et ceci avec le refus catégorique de la présence de la Russie – il était déjà clair qu’il s’agirait principalement d’une réunion de plus du camp « atlantiste » accompagnée des pays-vassaux qui n’auront aucun droit d’exprimer une position qui ne serait pas celle prescrite par les puissances étrangères qui les dominent.
De même, de toute évidence et connu d’avance, toute réunion « pour la paix » sans la présence du protagoniste ne donnera strictement aucun résultat qui ferait approcher le jour de la cessation du conflit armé en Ukraine.
Sans attendre la suite de la mise en scène, Moscou a qualifié cette initiative de Kiev de farce qui n’aura pas la moindre incidence sur les combats.
Les réels objectifs de Kiev dans l’organisation du « sommet pour la paix » n’ont jamais été autres que la condamnation par la majorité mondiale de la Fédération de Russie. Force est de dire que l’objectif a échoué. Constatant en temps réel le grand échec dans la démarche de Kiev et en faisant une tentative de l’atténuer, les hauts représentant du bloc atlantiste ont commencé à parler de la nécessité d’une nouvelle conférence pour la paix, cette fois-ci en présence des représentants de Moscou. Notamment, dans la soirée de la première journée de réunion, le 15 juin, la présidente suisse Viola Amherd, a qualifié d’impensable l’intention de Kiev de négocier un accord de paix sans la participation de la Russie : « Nous comprenons bien qu’un processus de paix sans la Russie est impensable. Une solution à long terme doit inclure les deux parties ».
La montagne a accouché d’une souris
Pour le pouvoir ukrainien, le seul objectif qui valait réellement la peine d’organiser un « sommet sur la paix en Ukraine » était celui que Zelenski a exposé au début du processus de l’organisation de l’événement : réunir les chefs d’Etat et de gouvernement de la majeure partie des pays de la planète et leur faire signer à l’unanimité une déclaration de forte condamnation de la Russie et l’appel du monde à la Russie de quitter les territoires considérés comme ukrainiens depuis 1991.
Sur les dix points que la partie ukrainienne a voulu traiter durant la réunion et inclure dans la résolution antirusse qui devait en résulter, seuls trois les plus neutres vis-à-vis de la Russie ont été acceptés et retenus en discussion par les participants. Kiev, épaulé par les pays de l’OTAN, a dû accepter cette grave régression dans ses espérances, faute de quoi un rejet de l’ensemble de l’initiative par de rares pays-participants réputés être indépendants de l’Occident aurait pu survenir.
Une fois le « sommet » terminé – le « Communiqué commun concernant le cadre de paix » a vu le jour. Malgré le grand sacrifice des 2/3 des principaux points du programme ukrainien, 12 pays sur les 92 pays présents en Suisse – l’Afrique du Sud, le Brésil, l’Inde, l’Indonésie, l’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis, la Thaïlande, la Libye, le Mexique, l’Arménie, Bahreïn et le Vatican – ont refusé de le signer.
En parlant des 80 pays-signataires, il est également nécessaire de relativiser la représentativité mondiale de ces Etats, dont le rôle principal de toute une partie sur le « sommet » était de faire nombre. Sur l’ensemble des 80 pays en question, plus du quart ne sont que de très petits pays dont la totalité des populations est inférieure, par exemple, à 10% de la population d’un seul pays, tel que le Brésil. Les cinq plus petits pays-signataires du communiqué : Andorre, Liechtenstein, Monaco, Palau et Saint-Marin totalisent globalement une population, dont le chiffre est inférieur à 1,5% de la population de la seule ville de Moscou.
Ne voulant pas se ridiculiser, non seulement le président américain Joe Biden a refusé de participer au prétendu « sommet » pour la paix en Ukraine, mais même sa vice-présidente Kamala Harris, envoyée en Suisse pour y faire de la figuration, a pris ses dispositions pour le quitter seulement quelques heures après son début, en faisant comprendre que des affaires plus importantes l’attendaient à Washington.
En résumé
Comment peut-on résumer les résultats de la réunion sur la paix qui s’est tenue à Bürgenstock ? Voici ce qu’en disent des habitants de la ville où elle s’est tenue, recueillies par la journaliste Aylin Erol du média suisse Watson : « C’est des conneries ! » disent les uns ; « la Russie ne viendra pas. Qu’est-ce que tout cela apporte alors ? », disent les autres en rajoutant : « Rien, si ce n’est encore plus de touristes riches qui prendront d’assaut le Bürgenstock à l’avenir ».
La tentative d’entraîner des pays émergents dans une coalition contre la Russie, qui était le but de Zelensky, a échoué. Ce « sommet » aura donc été un non-événement.
Plus inquiétant
Il y a fort à parier que les stratèges politiques occidentaux avaient prévu cet échec. L’OTAN ne compte plus beaucoup sur l’armée ukrainienne, mais n’a absolument pas l’intention de faire cesser le conflit, au contraire, elle s’engage dans une fuite en avant.
Des drones ukrainiens ont frappé les radars russes destinés à repérer des attaques éventuelles de missiles balistiques ennemis, à 1500 et 1800 km de la frontière ukrainienne. Même la Maison blanche se dit préoccupée car il s'agit d'un élément essentiel de la dissuasion nucléaire russe, comment imaginer que de telles frappes aient été lancées sans que le Pentagone ne soit au courant. Et comment éviter alors que les Russes n'y voient les préparatifs d'une action hostile à venir ? Il est clair que les Russes ne se privent pas de bombarder systématiquement le territoire ukrainien alors pourquoi les Ukrainiens ne riposteraient-ils pas ?
Mais ces radars-là ne sont pas directement impliqués dans l'opération en cours. Alors, on cherche à tester les étapes de la prochaine escalade nucléaire ?
En Conclusion
Depuis le début, le Parti Révolutionnaire Communistes a dénoncé la guerre que les puissances impérialistes se livrent sur le sol de l’Ukraine. Le bloc impérialiste occidental affronte, de plus en plus directement, un autre bloc impérialiste, qui comprend notamment la Russie et la Chine.
Dire cela n’est pas cacher qu’il y a des nazis en Ukraine, qu’on les célèbre dans les pays impérialistes occidentaux, qu’il y a des tas d’avenues Bandera en Ukraine, mais que ce n’est pas Poutine qui règlera cette question. La fin de l’URSS est la principale cause de cet affrontement, et Poutine y a pris sa part. Ensuite, il parle au nom des capitalistes russes, pas des peuples qui ont combattu le nazisme.
La Russie, pour nous, ne combat pas pour un monde multipolaire qui n’existe pas et n’existera pas en-dehors du socialisme, mais pour s’approprier des richesses, pour prendre sa part du gâteau que les Occidentaux ne veulent pas lui laisser.
L’escalade annoncée notamment par Macron, relève de la rodomontade, mais pas seulement. On sait que des militaires de l’UE (dont probablement des Français) sont sur place depuis longtemps. Il faut bien pallier les manques de l’armée ukrainienne démoralisée et incapable d’utiliser certains équipements. L’épisode des radars, dont nous parlons plus haut montre que l’OTAN teste les ripostes possibles de la Russie. Un test qui peut se révéler catastrophique contre une puissance nucléaire de premier ordre.
Au contraire, le Parti Révolutionnaire Communistes plaide pour le cessez-le feu et de vraies négociations, pas comme la pantalonnade de Suisse. Et, pour qu’il y ait négociation réelle, il faudrait d’abord que la Russie soit présente, ensuite que ce soient des États neutres, et non de l’OTAN, qui parrainent ces négociations.
La seule manière d’arrêter la boucherie, c’est de combattre l’impérialisme, c’est-à-dire ne pas choisir de camps dans une guerre impérialiste. « On croit mourir pour la patrie, on meurt pour les industriels. » disait Anatole France, à propos d’un sommet des guerres impérialistes, la première guerre mondiale.