N° 883 24/07/20234 Petit retour en arrière
Cette nouvelle présidente n’était alors connue que dans son pays… et très défavorablement. Ainsi, était commentée sa nomination dans le journal Die Welt : "il n'y a plus guère de doute sur la raison véritable qui a poussé Ursula Von der Leyen à fuir à Bruxelles " résume le chef du service investigation du journal pour qui l'ex-cheffe de la Bundeswehr est bien coupable d'avoir laissé ces "oiseaux parasites que sont les consultants privés faire leur nid au ministère de la Défense", d'avoir donné les clés de la Défense nationale, à travers ces lobbyistes, aux intérêts des grandes compagnies du secteur de l'armement en particulier.
En clair, celle qui était présentée comme une possible successeuse à Mme Merkel, a dû précipitamment rendre son mandat de ministre de la Défense, ministre objet d’une enquête parlementaire.
Le gouvernement allemand offre pour prendre la direction de la Commission européenne son ministre le plus impopulaire, éclaboussée par une sombre affaire de favoritisme et de corruption. C’est dire le rapport du pouvoir allemand à l’institution européenne.
Le bilan de Mme Van der Layen
Il est difficile de mettre une quelconque action au crédit de la Présidente de la Commission européenne puisque justement elle dirige une institution de défense des intérêts du capital.
Elle mériterait pourtant une mention spéciale pour sa gestion toute personnelle de la crise de la Covid. Après bien des controverses, les députés européens, enfin les plus curieux, ont pu avoir accès aux contrats passés avec « Big Pharma » par la Commission ou Mme Van der Layen, mais apparamment avec interdiction de prendre des notes et encore moins des photographies. Et puis bien sûr, comment oublier ses prises de position dans le conflit russo-ukrainien : elles ont surpris certains qui se demandaient si la Présidente de la Commission n’allait pas déclarer la guerre à la Russie au nom de toute l’Union européenne.
Bref, une vraie femme de combat que cette Mme Van der Layen, aussi bien contre les virus malfaisants que la horde des Huns et ses amis de l’industrie pharmaceutique et ceux de l’armement (voir plus haut) n’ont qu’à se féliciter de la présence de cette Walkyrie à la tête de la Commission européenne.
Van der Layen II
Mme Van der Layen a annoncé à Berlin en février 2024 qu’elle briguerai un deuxième mandat, avec le soutien de son parti (le CDU, conservateur). Les chefs d’État des 27 pays membres de l’Union européenne ont confirmé en juin la candidature de Mme Van der Layen, en même temps que la Première ministre estonienne au poste de cheffe de la diplomatie européenne et d’un socialiste portugais à la tête du Conseil européen. Le Parlement européen devait confirmer ces décisions.
Mme Van der Layen a présenté un programme pour convaincre les députés dans lequel il y en avait un peu pour tout le monde avec une insistance particulière au sujet de le transition écologique et… militaire puisqu’elle a suggéré la création d’un Commissaire à la Défense (décidément !).
Finalement, la sortante a recueilli 401 voix favorables (360 requis) contre 284 défavorables et 15 abstentions. Le scrutin s’est déroulé à bulletins secrets sur la demande du LR et Mme Van der Layen n’a pas fait le plein de voix des groupes parlementaires ralliés officiellement à sa cause (les conservateurs du PPE, les sociaux-démocrates et Renouveler l’Europe, extension de la macronie). Si les consignes de vote avaient été respectées, elle aurait pu compter sur 443 voix. La défection « officielle » des LR français et de quelques sociaux-démocrates a été compensée par les suffrages apportés par les Verts (non français).
Une élection à l’image de l’idéal politique du capital
Au-delà du personnage-controversé - de Mme Van der Layen, cette démocrassouille européenne a la vertu de faire paraître au grand jour un idéal politique : celui du consensus sur le fond et de débats contradictoires sur la forme. Sociaux-démocrates et conservateurs s’entendent parfaitement pour le casting politique d’une institution, aujourd’hui pièce maîtresse du maintien de l’emprise du capital sur les politiques nationales. Les Verts (essentiellement allemands) s’amadouent avec quelques promesses de programmes environnementalistes, ils estiment qu’ils « ont pesé dans sa feuille de route » et certains observateurs ont été fort impressionnés par l’implication de la direction nationale des verts allemands pour gagner à la candidate les voix de leurs propres élus.
D’un point de vue français, il est notable que les positions au Parlement européen des membres dudit Nouveau Front Populaire sont très contrastées avec celles affichées au Parlement français. Parce que, quand même, une partie du nouveau front populaire a bel et bien voté pour Mme Van der Layen et d’autres sont quand même venus la féliciter.
Avec de telles inconséquences, comment le monde du travail peut-il encore accorder sa confiance ? Le capital, de son côté, peut continuer à développer ses plans.