Gantry 5

 

N° 892 25/09/2024  La Présidente de la Commission européenne a présenté la liste des 26 commissaires qui seront intronisés définitivement après un grand oral devant les députés de l’Union européenne. Parmi ces derniers, 6 sont désignés comme vice-président exécutif.
Politiquement, la composition de cette commission est très majoritaire conservatrice avec 12 commissaires issus du PPE et 5 de Renew (libéraux) et une sociale-démocrate. Ce qui n’est pas tout à fait conforme à celle du Parlement européen dans lequel l’équilibre gauche/droite (y compris extrême-droite) est de 48%/52% mais traduit une alliance de fait de l'ensemble des forces politiques ouvertement favorables aux intérêts capitalistes et au cheminement vers une Europe fédérale. Mais ce sont les gouvernements européens en place qui proposent les candidats pour les mandats de commissaire et hormis l’Espagne dirigée par un gouvernement social-démocrate, les gouvernements européens sont composés d’alliances variés aux contours assez indéfinis mais ne les rangeant pas sans réserve à gauche[1]. En définitive, il en ressort que la démocratie européenne est assez illisible puisque le choix des électeurs pour les élections européennes n’a que peu d’influence sur la composition de « l’exécutif » européen.
Et c’est ainsi que l’extrême-droite italienne est représentée au sein de cette commission et son représentant – vice-président – prend le portefeuille des dossiers « cohésion et réforme ».
Mme Ribera, ancienne ministre de la transition écologique du gouvernement espagnol de M. Sanchez (PSOE), prendra en charge le domaine « transition propre, juste et compétitive » (sic). Elle aura notamment à veiller aux règles de la concurrence et à les aménager (ouvrir la possibilité des aides d’Etat dans le cadre de la fameuse transition). Cette nomination n’est pas anodine puisque Mme Ribeira n’est pas favorable au nucléaire, tout comme son nouveau collègue danois en charge de l’énergie.
Comme promis, Mme Von der Layen a nommé un commissaire à la défense et l’espace (un ancien Premier ministre lituanien), une innovation lourde de sens, en ligne avec la volonté affichée de restructurer l’industrie d’armement européenne.
Enfin, le portefeuille des « affaires étrangères » est confié à la Première ministre estonienne au lieu et place de M. Borrel, qui s’est distingué en accusant Israël d’avoir encouragé au développement du Hamas. Il faut s’attendre de la part de la nouvelle responsable européenne (libérale) à plus de retenue et une focalisation sur le conflit russo-ukrainien. Et ce d’autant plus que, s’agissant de l’ancienne première ministre de l’Estonie, l’étiquette libérale peut être trompeuse. L’Estonie est aujourd’hui le pays le plus infiltré par l’idéologie nazie de tout le continent. Depuis des décennies, les anciens du groupe fasciste local, les « Frères de la Forêt », qui ont combattu l’Armée rouge, sont élevés par les dirigeants successifs au rang de héros, les anciens Waffen SS touchent une pension de retraite, laquelle a été supprimée aux anciens de l’Armée rouge, qui a libéré le pays du joug nazi.
Le commissaire français sera donc M. Séjourné, ministre des Affaires étrangères du gouvernement démissionnaire, en lieu et place de M. Breton, pourtant nominé dans un premier temps par l’Elysée. Il semblerait que la Présidente de la Commission ait demandé au Président de la République un autre candidat. M. Séjourné s’attèlera à la prospérité (sic !) et à la stratégie industrielle.
La nouvelle équipe de la Commission européenne devrait poursuivre son agenda au service des intérêts du capital, lui ménageant les règles nécessaires pour faciliter l’accumulation dans les territoires européens. Pour autant, la concurrence est très rude avec les autres capitalistes extra-européens et singulièrement nord-américain, qui sous couvert de la défense des démocraties, pousse à évincer l’adversaire chinois du paysage industriel européen.
Derrière les enjeux de la réindustrialisation ou pour l’Allemagne et l’Italie d’un début de désindustrialisation sous fond de crise démographique aigüe, se pose la question de la stratégie du capital industriel à base européenne, prêt à se redéployer vers des zones géographiques encore plus accueillante (Etats-Unis, Chine toujours et encore…). Les industriels allemands ferment des sites (Audi), les entreprises moyennes allemandes à capital familial se vendent à des acquéreurs extra européen (Viessmann acquis par l’américain Carrier), ils développent des méga projets loin de l’Europe (BASF, unité de production chimique – 10 milliards d’euros - en Chine), se précipitent pour bénéficier de la générosité des Etats-Unis (Inflation recovery act de l’administration Biden) comme Volkswagen.
Il est savoureux au passage de constater que l’une des raisons de la fuite du capital industriel à base européenne serait le coût de l’énergie dans l’Union européenne malgré les promesses, - non tenues - de baisse des prix de l’énergie, d’une libéralisation complète du secteur, dont il était fervent partisan.
Le Capital ne connaît pas les frontières et il est autrement plus mobile que le Travail. Et il est clair que le monde du Travail n’a rien à attendre d’une Commission européenne et plus généralement des institutions européennes qui, après avoir mis en concurrence les travailleurs de l’Union, vont s’efforcer de répondre aux exigences du Capital. Ce sera le boulot de M. Séjourné, le libéral, et de Mme Ribeira, la sociale-démocrate, dans une convergence de type très germanique.
[1] Sans entrer dans le débat de ce que recouvre ce terme, par ailleurs…
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