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N° 813 23/03/2023 Les 3, 4 et 5 mars s’est tenue à Caracas (Venezuela) la troisième réunion de la "Plate-forme mondiale anti-impérialiste", après celles de Paris (octobre 2022) et Belgrade (décembre 2022). De quoi s’agit-il ?

Cette organisation, qui est née après le début de la guerre en Ukraine, regroupe des organisations diverses. Certaines sont totalement inexistantes comme deux organisations grecques, le "Collectif de lutte pour l'unification révolutionnaire de l'humanité" et la "Plateforme pour l'indépendance". D’autres, comme "L’Avant-Garde Espagnole" représentent des positions ultra-nationalistes. Était présent, bien sûr, en tant qu’organisateur le Parti Socialiste Unifié du Venezuela (PSUV), parti du président Maduro, qui n’est, comme son nom l’indique, pas un parti communiste, mais est considéré comme un parti progressiste du fait de l’héritage de Chavez. Enfin, pour la plupart, les organisations présentes se réclament du mouvement communiste.
Les participants défendent l’idée qu’être anti-impérialiste signifierait être dans le "camp" de la Russie et de la Chine. Le Parti Communiste du Mexique, dont nous partageons les positions, dit les choses ainsi dans une déclaration sur cette conférence : « Bien que le mot "anti-impérialiste" soit dans son nom, son objectif est de convaincre la classe ouvrière de prendre parti pour le bloc impérialiste de la Chine et de la Russie face à une guerre imminente à Taiwan et en Corée du Sud ».

Des arguments fallacieux
Quand on étudie deux des déclarations de la plateforme, l’une consacrée à la contribution de l’Amérique latine à la lutte impérialiste, l’autre générale, on est frappé par le côté spécieux de l’argumentation s’appuyant sur des anachronismes.
Ainsi est fait plusieurs fois référence à la « doctrine Monroe » du président des Etats-Unis de 1817 à 1824 qui, sous prétexte de combattre la colonisation de l’Amérique par les puissances européennes, indique la volonté des USA de dominer le continent. Que la main pesante de l’Oncle Sam soit toujours présente aujourd’hui en Amérique latine est certain. Que la puissance impérialiste dominante veuille encore et toujours tout y régenter, bien sûr. Nous l’avons encore vu avec le renversement d’Evo Moralès en Bolivie et celui, plus récent du président péruvien Pedro Castillo. Nous sommes totalement solidaires des travailleurs et des peuples d’Amérique dans leur lutte contre l’impérialisme US. Mais cette focalisation donne à penser que le seul pays impérialiste en Amérique serait les USA, et, en filigrane, que la puissance impérialiste serait le seul bloc autour des USA.
La déclaration finale s’appuie sur une déclaration de Che Guevarra à propos de la résistance vietnamienne à l’oppresseur US : « Quel avenir lumineux s’ouvrirait à nous si deux, trois ou plusieurs Viêt-nam fleurissaient dans le monde entier, avec leurs coups répétés contre l’impérialisme, l’obligeant à disperser ses forces sous l’attaque ! ». Mais l’argument est fallacieux, car il compare deux situations totalement différentes : l’actuelle où les puissances impérialistes dominent le monde et celle des années 60 où un tiers de l’Humanité (et notamment l’URSS) échappait à la société capitaliste et à son stade impérialiste.

L’affirmation de l’existence d’un seul bloc impérialiste
Dans les faits, les membres de la plateforme tentent de réduire les causes des guerres actuelles à une « poussée » de l'impérialisme américain pour maintenir son hégémonie ; tout en cachant les réelles contradictions qui existent entre les principales économies du monde pour le contrôle des ressources naturelles, des moyens de communications, de la force de travail, des positions géostratégiques ou des institutions financières locales. Ainsi, il n’est fait mention à aucun moment de l’enjeu économique de l’Ukraine ou de l’Afrique.
Cela ressemble étrangement aux justifications des partis socialistes à la veille de la Première Guerre Mondiale, qui parlaient de l’agressivité de la puissance française ou allemande en oubliant les enjeux économiques. Cela a servi de justification à leur soutien à leurs bourgeoisies respectives en 14/18.
En fait, il s’agit de justifier la guerre en maintenant les zones d'influence des pays capitalistes comme la Russie ou la Chine, sous le manteau de la "libération nationale". La manœuvre idéologique pour arriver à ces conclusions dangereuses consiste à nier le caractère impérialiste de la Chine et de la Russie. Puisqu'il n'est pas possible de cacher leur caractère capitaliste, il est nié que la deuxième et la onzième plus grandes économies du monde, avec un Capital financier et un Capital industriel indistincts et des monopoles de transport, de commerce et d'énergie très solides, soient impérialistes.
La déclaration finale de Caracas évoque « les gouvernements anti-impérialistes de Russie, de Chine, de RPDC et d’Iran ». Plus loin, elle indique que « Comprendre la nécessité d’une unité maximale contre l’impérialisme, c’est ce qui a motivé le Brésil à se joindre à la formation de l’alliance des Brics, qui se trouve aujourd’hui au centre d’un nouvel ordre mondial qui peine à naître. » Cela signifie que le Brésil non plus n’est pas une puissance capitaliste qui pèse en Amérique du Sud. Pour le Parti Révolutionnaire Communistes, les BRICS forment un bloc de puissances capitalistes rivales du bloc USA-UE et non une alliance anti-impérialiste.
Déjà, dans le communiqué de Paris de la plateforme, il était affirmé que ces pays « ne vivent pas de la surexploitation ou du pillage du monde », comme si la classe ouvrière des pays appartenant à la Communauté des États indépendants, sans parler de la Russie et de la Chine elle-même, ne faisaient pas partie du monde, ou la politique sauvage d'exportation des capitaux chinois vers l'Afrique était inexistante.
La Plateforme sert objectivement à introduire l'idée néfaste de prendre parti pour un camp impérialiste dans la guerre dont le premier scénario est en Ukraine et qui risque de s'étendre et se généraliser. Voici ce que contient la déclaration générale de Caracas à propos de la guerre en Ukraine : « Camarades, le déclenchement de la guerre en Ukraine a tracé une ligne à travers le monde et clarifié la question de savoir qui se tient aux côtés de qui pour tous ceux qui veulent le voir. Il est temps que tous ceux qui aspirent à la liberté fassent savoir aux peuples que nous avons un camp dans cette guerre que les impérialistes mènent pour préserver leur position de maîtres de notre monde souffrant et pour maintenir le reste d’entre nous dans l’état d’esclaves. » Le Parti Communiste Mexicain en tire, à juste titre, cette conclusion dans son communiqué : « Il n'y a pas de place pour une politique anti-impérialiste, lorsqu'elle cherche à se subordonner à un pôle impérialiste, et non à combattre l'impérialisme à sa racine, en tant que phase supérieure du capitalisme. »

La question des Bourgeoisies capitalistes nationales
Le choix des partis de la Deuxième Internationale, il y a 100 ans, l'unité avec les opportunistes, signifiait la subordination de la classe ouvrière à "ses" capitalistes nationaux et l'alliance avec eux pour opprimer d'autres nations. Aujourd’hui c’est la même chose pour les partis des pays impérialistes, mais pour les autres s’y ajoutent une soumission de "leurs" capitalistes compradores à d’autres puissances impérialistes que les USA, la France ou l’Allemagne.
Nous en arrivons à la question de l’alliance entre la classe ouvrière et la Bourgeoisie nationale anticolonialiste. Cette alliance ne peut être que ponctuelle ; on a vu dans l’histoire de la décolonisation, comment même cette Bourgeoisie nationale peut se débarrasser de sa classe ouvrière, comme en 1976 en Irak ou après la mort de Boumediene en Algérie. Or, l’état d’esprit de la plateforme est d’ériger les pays « progressistes » en alliés indéfectibles. C’est notamment le cas du Venezuela.
Or de Chavez à Maduro, de l’eau a coulé sous les ponts. La mariée n’est plus si belle depuis que Maduro passe des alliances avec d’autres franges de la Bourgeoisie capitaliste, essaie de renouer les liens avec les USA. Dans ce cadre, le PSUV attaque vivement le Parti Communiste du Venezuela, qui ne veut pas se soumettre. Par ailleurs la CUT, centrale syndicale du Venezuela, adhérente à la FSM est de plus en plus critique envers le gouvernement du Venezuela et le parti au pouvoir, le PSUV. Voici un extrait d’une déclaration de son secrétaire-général, dans une réunion de la FSM : « Au Venezuela, la réalité du capitalisme dépendant et d'un modèle d'accumulation basé sur les rentes pétrolières n'a pas été surmontée dans la période du processus progressiste bolivarien qui a commencé avec le président Chávez et l'Assemblée constituante de 1999, avec des avancées importantes en matière de droits sociaux et du travail. Maintenant, avec le gouvernement du président Maduro, il s'est dégradé en un processus régressif et réactionnaire, bien que manipulant avec une rhétorique pseudo-révolutionnaire qui n'a aucune correspondance avec les politiques publiques qui sont menées, ni avec la conduite et le mode de vie de la haute bureaucratie d’État. »

Conclusion
Pour le Parti Révolutionnaire Communistes, il est clair qu'une telle "plate-forme anti-impérialiste" est une opération utile pour blanchir l'une des parties des pays capitalistes participant à la guerre impérialiste actuelle et semer la confusion parmi le prolétariat international, tout autant que ceux qui cherchent à blanchir les États-Unis, l'OTAN ou le gouvernement Zelensky. Nous avons exprimé clairement ce point de vue dans une déclaration commune de 44 partis communistes au plan international.