N° 846 09/11/2023 Les manifestations de solidarité avec la Palestine se multiplient et montent en puissance dans le monde entier. La première exigence est bien sûr le cessez-le-feu, mais, de plus en plus, les mots d’ordre ne réclament pas seulement la paix, mais aussi le respect des droits du peuple palestinien, mettent en cause l’État colonisateur d’Israël et dénoncent le génocide qui se commet. De nombreux juifs proclament ce slogan « Not in our name ! » (Pas en notre nom) pour dénoncer le nettoyage ethnique et l’assassinat de 10.000 Palestiniens.
Mais, si la mobilisation grandit, c’est aussi parce que d’autres formes de réactions et de lutte apparaissent un peu partout. Nous en évoquons quelques-unes.
Rappels d’ambassadeurs, la mobilisation de certains États
Le Chili, la Colombie, le Honduras et la Turquie ont rappelé leur ambassadeur ou ambassadrice en Israël. La Jordanie et le Bahrein ont non seulement rappelé leur ambassadeur, mais prié l’ambassadeur d’Israël sur leur sol de ne plus revenir ou de quitter les lieux. Plus récemment, l’Afrique du Sud a rappelé non seulement son ambassadeur mais l’ensemble de ses diplomates en poste dans l’État colonialiste sioniste. Enfin, le régime progressiste de Bolivie a carrément rompu ses relations diplomatiques avec Israël.
Il faut évidemment apprécier différemment ces mesures en fonction des dirigeants de ces États. Si le dirigeant de gauche chilien, Boric, est proche du parti démocrate US, la population et en particulier la classe ouvrière chilienne a une longue tradition de solidarité avec la Palestine occupée. Les dirigeants jordaniens, bahreinis et turcs sont poussés également par leur peuple, même s’il faut ajouter, au moins pour Erdogan, une part d’opportunisme. Mais le fascisant président turc joue sur les deux tableaux en réprimant une manifestation à proximité d’une base militaire US et en ignorant le secrétaire d’État US en visite à Ankara. Et, en Afrique du Sud, la mémoire de l’apartheid pèse énormément.
Initiatives de travailleurs dans le monde après l’appel des syndicats palestiniens
Le 16 octobre dernier, dans leur appel aux travailleurs du monde entier, les syndicats palestiniens disaient : « Nos larmes ont tari, tout comme l’eau, la nourriture, l’essence et l’électricité à Gaza, la prison de deux millions d’âmes.
Il nous reste l’espoir ! L’espoir que notre peuple n’est pas seul contre l’occupation brutale et l’injustice israélienne ! Il nous reste l’espoir que les peuples, les syndicats militants du monde entier, la classe ouvrière mondiale se lèveront une fois de plus et défendront leurs frères et sœurs.
Contre les gouvernements qui écrasent leurs propres peuples et soutiennent l’État meurtrier d’Israël, exigez l’arrêt de tout soutien, de toute collaboration avec l’État meurtrier d’Israël. »
Appel entendu en Grande-Bretagne, puisque jeudi 26 octobre, plusieurs dizaines de syndicalistes anglais avaient bloqué les entrées d’une usine du géant de l’armement israélien Elbit Systems.
Certains syndicats de Belgique ont aussi répondu à cet appel. Dans un communiqué publié le 31 octobre, différents syndicats belges du secteur de la manutention signifient leur « refus de manutentionner du matériel militaire destiné à la guerre en Palestine ». Cela signifie qu’ils refusent d’embarquer ou de débarquer des armes à destination d’Israël, dans les ports comme dans les aéroports.
Le communiqué dénonce : « Alors qu’un génocide est en cours en Palestine, les travailleurs des différents aéroports de Belgique voient des armes partir vers des zones de guerre ». Sur cette base le texte appelle les membres des différents syndicats à « ne plus prendre en charge des vols qui acheminent du matériel militaire vers la Palestine/Israël ».
Des blocages du port de Gênes ont aussi eu lieu à l’appel des syndicats de base, qui existent depuis deux ans Aux États-Unis, à deux reprises des manifestants ont occupé des bateaux chargés d’armes pour Israël dans le port de Los Angeles. Plus au nord, les dockers ont organisé le blocage des ports d’Oakland, dans la baie de San Francisco et de Tacoma (État de Washington).
Le 4 novembre, le consul général d’Israël à New York se rend à Harvard pour parler de la « juste lutte d’Israël » et du fait que même une position neutre sur le conflit est de « l’antisémitisme ». A peine a-t-il commencé à parler que les étudiants se sont levés, brandissant des panneaux où était écrit « La colonisation est un crime de Guerre ». Ils ont ensuite quitté la salle en expliquant que c’était en signe de compassion pour les 4.000 enfants palestiniens tués.
Depuis le 6 novembre, des étudiantes et étudiants d’une université de Naples ("L’Orientale ", spécialisée dans l’étude des langues et civilisations orientales) ont pris le contrôle de leur université en occupant les locaux. Ils et elles souhaitent dénoncer la complicité et le silence des institutions et du gouvernement d’Italie. Leur action vise à rouvrir le débat au sein de l’université et à amener cette institution à prendre position. Dans un communiqué, ils affirment que « nous savons que notre université, comme d’autres dans le pays, entretient des relations de collaboration et d’échanges de recherches avec les universités israéliennes et l’industrie militaro-industrielle italienne. Nous ne voulons pas étudier dans une université complice des actions d’un gouvernement colonial et criminel comme Israël ». Leur mise en cause de l’attitude du gouvernement italien, dirigée par l’ultra-réactionnaire Georgia Meloni est d’autant plus virulente que celle-ci s’est rendue en Israël fin octobre et a signé une déclaration commune avec le fasciste Netanyahu qui dit, entre autres, que les attaques et le génocide de la Bande de Gaza font partie « d’une bataille entre les forces de la civilisation et les monstres barbares ».
Le 7 novembre, le syndicat majoritaire des dockers du port de Barcelone (OEPB) a décidé en assemblée de bloquer toute activité liée au transport de matériel de guerre à destination d'Israël.
En France, des débuts difficiles
Alors que ce ne fut le cas ni aux USA, ni au Royaume Uni, ni en Belgique, en Italie ou en Espagne, les travailleurs de France voulant exprimer leur solidarité avec les Palestiniens ont subi censure et répression. Ce fut un obstacle objectif à la mobilisation. Encore aujourd’hui, nombre de syndicalistes n’osent pas s’aventurer sur le terrain de la mobilisation ou de la dénonciation de l’État colonialiste sioniste par crainte de la répression, qu’elle soit policière ou judiciaire.
Par ailleurs, le gouvernement et les media véhicules de l’idéologie dominante utilisent de manière nauséabonde l’antisémitisme. Nous citons, à ce propos, les paroles de Michèle Sibony, porte-parole de l’UJFP (Union Juive Française pour la Paix) ; « Comment construire un contre-feu, qui empêche l’attention de se porter vers les plus de 10.000 Palestiniens tués par l’armée israélienne à Gaza, les bombardements d’écoles, d’hôpitaux, de camps de réfugiés, la destruction totale des villes et villages ramenés au ground zero ? En France, et en Europe, le meilleur contre-feu pour détourner l’attention de ce qui se passe en Palestine, ce sont les juifs français – tout prêts pour certains d’entre eux à se prêter au rôle qu’on leur réserve – Et si ça provoque des morts, eh bien ce sera comme pour les otages israéliens considérés par leur gouvernement : à passer par pertes et profits… L’antisémitisme comme toutes les autres formes de racisme, n’est pas une essence, il n’est inscrit dans l’ADN de personne, en revanche il se stimule, il se provoque, il se fabrique … la responsabilité de ceux qui gouvernent un pays, et de ceux qui détiennent les clés de tous les grands media est directement engagée dans ce processus. Et les prises de position idéologiques de ce gouvernement produisent des effets dans le réel. »
Les travailleurs voulant répondre à l’appel des syndicalistes palestiniens se heurtent à un troisième obstacle : les positions des organisations politiques de gauche et l’obligation des torts partagés, exprimée avec ou sans le concept plus que douteux de "terrorisme", l’obligation préalable de condamner qui mène forcément à l’idée force du discours dominant : Israël est une victime, qui a le droit de se défendre. Tant qu’on en reste à cette idée de torts partagés : « Il y a des massacres dans les deux camps. » on ne sort pas du discours dominant, on ne contextualise pas, on a une vision fausse de ce qui se passe.
Le discours dominant a désormais du plomb dans l’aile
Le Parti Révolutionnaire Communistes a contribué et contribue toujours à déchirer le rideau opaque de ce discours dominant, relayé par l’ensemble des media. Inlassablement, nous avons dit et nous disons qu’Israël n’est pas une victime, mais un occupant, un État colonisateur, qui pratique l’apartheid et ne saurait en aucun cas être mis sur le même plan que le peuple colonisé.
Et, peu à peu, le rideau se déchire. De plus en plus de travailleurs prennent conscience de la réalité de la situation, du fait que Netanyahu et l’État sioniste se livrent à un génocide et veulent tout simplement débarrasser des Palestiniens le territoire correspondant au mythique « Grand Israël ». Le mot d’ordre le plus repris lors de la manifestation parisienne du 4 novembre était : « Gaza, Gaza, Paris est avec toi ! ».
Les tenants de la « solution à deux États » ont de plus en plus de mal à brouiller les pistes, en invoquant leur paix illusoire dont tout le monde peut mesurer qu’elle n’a jamais été mise en place et que jamais les dirigeants impérialistes ne poseront un État palestinien à côté de l’État sioniste.
Certes le pouvoir met toujours des bâtons dans les roues, via les préfets ou la justice de classe, mais le temps des interdictions globales de manifester est révolu. Il reste encore la criminalisation de la défense de la Palestine, mais le rapport de force est en train de changer. Les manifestations sont plus nombreuses et plus importantes, les revendications dépassent largement le discours des torts partagés. La journée du 4 novembre a été un réel succès.
Et de nouvelles formes d’action sont envisagées. Nous n’en sommes pas encore au blocage des ports et aéroports, qui devrait pourtant être envisagé car, en France, 111 millions d’euros d’armes ont été livrées à l’État d’Israël depuis 2017. Mais, à l’issue de la manifestation marseillaise, dimanche 5 novembre, le secrétaire-général de l’Union Départementale CGT des Bouches-du-Rhône a indiqué que son organisation allait désormais prendre pour cible les entreprises françaises qui commercent avec Israël. Là encore, voilà une piste qui mériterait d’être suivie.
Le Parti Révolutionnaire Communistes soutient et soutiendra toutes ces initiatives et les autres, tout ce qui permettra de faire pression directement ou indirectement sur l’État sioniste. Nous continuerons à donner des clés pour comprendre la situation, face aux brouillages divers.
Vive la lutte du peuple de Palestine !