N° 877 13/06/2024 Le 8 juin, les media occidentaux ont titré sur la libération de quatre « otages » à Gaza. Ils ont publié des reportages sur l’accueil de ces otages, les montrant comme des personnes avec leurs affects et ceux de leurs proches, quand les Palestiniens sont toujours des nombres.
Tout est clair sur ce qui s’est passé le 8 juin : un massacre
En revanche, ces mêmes media, surtout en France, ont été bien discrets sur les dommages collatéraux de cette libération : l’armée a investi la zone surpeuplée du camp de Nuseirat en tirant sur tout ce qui bougeait. Le bilan est effroyable, il y a 210 morts et plusieurs centaines de blessés, femmes et enfants en grande majorité.
Les forces terrestres israéliennes se sont cachées à l’intérieur d’un camion utilisé pour la livraison d’aide humanitaire afin d’infiltrer le camp de réfugiés de Nuseirat le 8 juin, perpétrant un nouveau massacre de plus de 200 Palestiniens.
Le Dr Tanya Haj-Hassan, médecin en soins intensifs pédiatriques à Médecins sans frontières (MSF), a déclaré à Al Jazeera que l’hôpital Al-Awda : « est un véritable bain de sang... on dirait un abattoir. […] Il y a du sang partout. Beaucoup de gens ont perdu des membres. C’était tellement horrible ».
Des images diffusées par la chaîne de télévision Al Jazeera montrent le camion à l’intérieur de Nuseirat, accompagné de chars blindés.
« Un camion est arrivé, transportant de l’aide humanitaire et des vêtements, et soudain 10 soldats en sont sortis et m’ont tiré dessus, une fois dans la poitrine et deux fois dans les pieds. Les tirs d’artillerie ont commencé, et j’ai vu des dizaines de citoyens à terre, y compris des gens avec la tête coupée », a déclaré aux journalistes un Palestinien qui a survécu au massacre. Et il a poursuivi : « Le camion venait du port américain que l’occupation a établi sur la côte de Gaza ».
Les media israéliens ont confirmé que les troupes s’étaient cachées à l’intérieur d’un camion décrit comme étant utilisé pour la « livraison de mobilier ». « L’armée israélienne, y compris le Shin Bet et l’unité spéciale de lutte contre le terrorisme de la police israélienne, Yamam, ont utilisé un camion de livraison de mobilier comme couverture pour s’infiltrer dans la zone près de l’hôpital Al-Awda », a rapporté Israel Hayom dans les heures qui ont suivi l’opération sanglante qui a vu la libération de quatre captifs israéliens.
Le rôle des impérialistes états-uniens
Les « otages » ont été transportés jusqu’au ponton flottant construit par les États-Unis à l’aide du même camion. Et, par ailleurs, les autorités sanitaires de Gaza ont indiqué que plus de 200 Palestiniens, en majorité des femmes et des enfants, ont été tués au cours de l’opération lancée avec l’aide de l’armée américaine. « Nous confirmons ce qui a été révélé par les media américains et hébreux sur la participation américaine à l’opération criminelle qui a été menée aujourd’hui », a déclaré le Hamas dans un communiqué.
Nous avions déjà écrit sur les doutes que nous avions quand au rôle réel de ce port flottant soi-disant construit par l’armée US dans un but humanitaire. Au lieu de répandre la propagande de l’aide humanitaire arrivant par mer, qui ne pourra jamais être suffisante, les impérialistes dominants auraient pu exiger de leurs amis sionistes l’ouverture totale des points de passage au sud de Rafah et la libre circulation des camions humanitaires dans la Bande de Gaza. Mais, cela aurait voulu dire qu’ils ne mentaient pas sur le rôle réel de ce ponton. Or, il est désormais totalement clair qu’ils ont menti. Ce port mobile est utilisé pour débarquer des troupes US, afin qu’elles participent aux exactions et massacres perpétrés par l’armée d’occupation sioniste.
La complicité de l’impérialisme dominant avec les génocidaires ne consiste pas seulement à leur livre des armes, mais à participer à leurs côtés à des opérations sanglantes et génocidaires.
Dans la suite de son communiqué, le Hamas déclare que : « l’implication de Washington prouve une fois de plus le rôle complice de l’administration américaine et sa pleine participation aux crimes de guerre commis dans la bande de Gaza ».
« Nous ne cesserons pas de travailler tant que tous les otages ne seront pas rentrés chez eux et qu’un cessez-le-feu n’aura pas été conclu. Il est essentiel que cela se produise », a déclaré le président américain Joe Biden depuis la France, ce qui constitue un aveu de participation à un massacre. Et Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale, a ajouté, depuis Washington : « Les États-Unis soutiennent tous les tentatives de faire libérer les otages encore détenus par le Hamas, y compris les citoyens américains. Cela inclut les négociations en cours ou d’autres moyens ». Cela a le mérite de la clarté.
Le porte-parole de la branche armée du Hamas, les Brigades Al-Qassam, Abu Obeida, a déclaré plus tard dans la journée de samedi : « En commettant d’horribles massacres, l’ennemi a pu libérer certains de ses captifs, mais il en a aussi tué d’autres au cours de l’opération. L’opération représente un grand risque pour les captifs ennemis avec un impact dévastateur sur leurs conditions de vie ». Peu importe le prix à payer pour les captifs, Israël et les USA ont pour objectif de tuer, de répandre la terreur et de se prévaloir de soi-disant victoires. Mais, sans évoquer les captifs tués et en saluant leur première opération réussie de sauvetage de captifs après huit mois d’une guerre génocidaire, les responsables israéliens ont implicitement reconnu que d’autres actions de ce type avaient été lancées sans le même résultat « triomphal » (à part probablement, d’autres massacres).
Quand aux bonnes âmes qui nous parlent de Netanyahu d’extrême-droite comme seul et unique responsable, elles feraient bien de nous expliquer pourquoi l’annonce de ce massacre a causé le report de la démission du chef de l’opposition, Benny Gantz, du gouvernement d’union nationale de Netanyahu.
Le « travail » des journalistes occidentaux
Un journaliste qui a envie d’effectuer son travail sans nécessairement reprendre les éléments de langage d’une armée génocidaire, peut obtenir aisément les images de ce carnage. Il y verrait des dizaines de corps dans les rues, des voitures et des bâtiments qui brûlent, des mares de sang à l’entrée du seul hôpital encore en état d’un peu fonctionner. Il peut avoir, comme les organisations sanitaires ou de solidarité avec la Palestine dans le monde, les témoignages d’une population civile terrorisée, n’ayant aucun endroit où s’abriter, sans défense et essayant de sauver les blessés. La compassion des media dominants et des dirigeants du monde occidental est décidément à géométrie variable. On s’émeut du sort des soi-disant otages, mais pas grand-chose ou rien quand l’armée israélienne massacre plus de 170 réfugiés dans un camp le 26 mai, une soixantaine dans une école de l’UNRWA le 6 juin et que plus de 200 civils viennent d’être assassinés sous nos yeux.
Nos media ont également fièrement déclaré que « les otages étaient en bonne santé ». Tiens donc, malgré la famine et le manque d’eau à Gaza, ils ont pu manger et se laver ? Alors que leurs geôliers sont des « terroristes » qui sont morts sans les exécuter ?
En revanche, nos « journalistes » sont beaucoup moins diserts sur le sort des prisonniers palestiniens et la pratique de la torture par celles et ceux qui les détiennent. Les prisonniers palestiniens en Israël sont-ils aussi bien traités ? Marwan Barghouti a été sévèrement battu. Walid Daqqa est mort le 7 avril dernier après 39 ans de détention et un cancer non soigné.
Les « journalistes » occidentaux pourraient enquêter sur le « Guantanamo israélien ». La prison de Sde Teiman en plein désert à 30 km de Gaza est un lieu de torture, d’humiliations, de passages à tabac. Des images de prisonniers attachés les yeux bandés pendant des jours ont été publiées. Ça intéresse peu ou pas du tout nos media. Il est vrai que l’État sioniste est une « démocratie ».
Dans un communiqué récent dénonçant ce massacre, l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP), évoque la situation en Cisjordanie. « Pendant ce temps, en Cisjordanie, les agressions quotidiennes contre la population civile perpétrées conjointement par l’armée et les colons se multiplient. En réaction, le gouvernement des États-Unis, celui qui arme les génocidaires et empêche leur condamnation au Conseil de Sécurité, vient de déclarer "terroriste" le groupe palestinien "La Fosse aux Lions" […]. Ce groupe s’attaque à des colonies déclarées illégales selon le Droit international. »
En conclusion
Le Parti Révolutionnaire Communistes dénonce le massacre de la population civile palestinienne. Les media et les gouvernements qui criminalisent la résistance palestinienne et ferment les yeux sur les meurtres quotidiens perpétrés par l’armée sioniste sont objectivement complices du génocide en cours.
Malgré tous ces moyens déployés pour faire taire la solidarité avec les Palestiniens, malgré une « information » verrouillée, personne, ni media, ni gouvernement occidental ne peut empêcher les travailleurs, la jeunesse, les peuples de savoir que la population de Gaza subit un génocide et de comprendre que la nature coloniale de l’État sioniste explique ce génocide et implique qu’il ne peut être partie prenante d’aucune véritable paix, il en est l’obstacle principal.
Bien sûr nous sommes pour la paix, mais une paix juste anticoloniale, pas la paix coloniale des accords d’Oslo. S’il est urgent et fondamental de réclamer un cessez-le-feu immédiat et permanent, de même que l’accès libre aux humanitaires dans toute la Bande de Gaza, ou encore le retrait total des forces d’occupation de l’enclave, cela ne saurait suffire.
Une paix juste, c’est le démantèlement des colonies, le retour des réfugiés et un Etat palestinien réellement indépendant. Ce qui empêche une telle paix c’est l’existence d’un Etat colonial. Les travailleurs d’Israël ne peuvent être libres s’ils ne rompent pas avec le sionisme, s’ils continuent de se trouver objectivement dans le camp des colonisateurs. La solidarité avec la Palestine ne peut se contenter de phrases générales sur la paix. Il faut un Etat où les anciens colonisateurs et les anciens colonisés puissent vivre ensemble, en l’occurrence, un Etat palestinien.
C'est pourquoi, le Parti Révolutionnaire Communistes entend, malgré les obstacles, continuer de rassembler tous ceux qui veulent un cessez le feu immédiat pour que cesse le massacre des Palestiniens et se prononcent pour la paix. Pour nous, cela passe par le soutien aux revendications fondamentales du mouvement de libération nationale palestinien : fin immédiate de l'agression militaire sioniste, droit au retour des réfugiés et formation d'un État palestinien sur le territoire de la Palestine mandataire.