N° 880 03/07/2024 Gaza survit et résiste, malgré l’horreur
Une situation catastrophique hors des feux de la rampe
Dans ces temps d’élections, il est bien commode pour nos media, publics ou tenus par des grands capitalistes prosionistes comme LCI, de ne plus parler du massacre de Gaza, ce qui ne les empêche pas de gloser sur l’antisémitisme supposé de certains défenseurs apparents ou réels de la cause palestinienne. Cela ne change pas grand-chose, car ils n’en parlaient guère avant la séquence « dissolution ».
Pourtant, nous nous en doutons tous, la situation empire jour après jour, heure après heure. La situation humanitaire dans la bande de Gaza est catastrophique.
Lors d’un point sur la situation humanitaire à Gaza, en visioconférence avec la salle de presse des Nations unies à Genève, Louise Wateridge, porte-parole de l’agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), de retour dans l'enclave après quatre semaines d’absence, a affirmé ce 28 juin que « la situation s’était considérablement détériorée » et que les conditions de vie étaient « extrêmement désastreuses ». Elle a évoqué un « retour en enfer ».
« On entend les bombardements du nord, du centre et du sud… Gaza est désormais un véritable enfer sur terre, il fait très chaud… Les déchets s’accumulent partout, les gens vivent sous des bâches en plastique sous de fortes températures », a-t-elle signalé.
« La bande de Gaza est détruite […] Il n'y a pas d'eau, pas d'assainissement, pas de nourriture. Et à présent, les gens vivent de nouveau dans ces bâtiments qui sont des coquilles vides » déclare l’employée de l’ONU, choquée à son retour à Khan Younès.
L’aide humanitaire freinée
« Les gens dans le besoin sont désespérés. Il y a très peu de camions d’aide [...]. La situation à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui nécessite plus d'aide, plus de nourriture et plus de médicaments ».
La chargée de mission a souligné la difficulté de la mission pour les travailleurs humanitaires de l’UNRWA. « Nous n'avons pas de carburant, nous ne pouvons aller nulle part », a-t-elle constaté.
Louise Wateridge a déclaré que l’insécurité alimentaire sur le territoire avait un effet visible sur la population, disant son entourage sur place « méconnaissable » : « on commence à vieillir, on a l'air en mauvaise santé, on change de couleur de peau quand on a un accès irrégulier à la nourriture pendant si longtemps ».
Cette nouvelle phase du conflit palestinien a vu l'embargo, les frappes et les tirs israéliens faire déjà 38 000 morts et 86 000 blessés à Gaza au dernier décompte du ministère de la Santé de Gaza.
Malgré tout, la résistance
Le génocide se poursuit donc, et il est de plus en plus difficile de trouver les mots pour le décrire, le qualifier. Le peuple palestinien fait l’admiration du monde entier par son endurance et sa capacité à résister. Les gens de Gaza sont toujours là, debout. Le drapeau palestinien est un symbole de la liberté des peuples, de la résistance au colonialisme et à l’oppression impérialiste.
L’État sioniste n’est pourtant pas au bout de sa tâche, loin de là. Certes, son objectif non assumé, détruire la Bande de Gaza, est en bonne voie. Netanyahu a bombardé des civils Palestiniens et détruit les infrastructures sociales et culturelles (zones résidentielles, hôpitaux, centres de santé, écoles et universités, mosquées, églises, etc.) durant huit mois ! Plus 37 500 Palestiniens sont morts dont 75% sont des femmes et des enfants (21 000 enfants disparus). Il a éliminé beaucoup de journalistes, du personnel médical, des employés de l’ONU ou des humanitaires, les camions d’aide sont vidés avant d’entrer ou détruits par des colons, bref ce deuxième objectif, installer la famine est également en bonne voie. Mais les Palestiniens de Gaza résistent, le troisième objectif réel, qui est de les chasser, de leur faire vivre une vie tellement terrible qu’ils fuiront en Egypte, même s’ils savent qu’ils ne reviendront pas, celui-là est loin d’être atteint. Quand-aux objectifs officiels « libérer les otages » et « éradiquer le Hamas », nous en sommes très loin. La libération des « otages » n’a jamais été un but pour le gouvernement de l’État sioniste, sauf si c’est prétexte à tuer 160 Palestiniens. Quand-à la Résistance palestinienne, elle se réinstalle peu à peu dans le nord de Gaza.
Le Sionisme en fin de vie ? Le point de vue d’Ilan Pappé
L’historien israélien Ilan Pappé, exilé en Grande Bretagne, est l’auteur d’un ouvrage fondamental sur la Nakba de 1948 intitulé « Le nettoyage ethnique de la Palestine ». Il y a quelques jours, il a écrit et publié un texte intitulé « l’effondrement du sionisme » ; il y relève tout un tas d’indicateurs qui, selon lui, annoncent la fin du projet sioniste, projet colonial qui n’a pu se maintenir que par la violence.
Le texte commence par cette phrase « L’assaut du Hamas du 7 octobre peut être comparé à un tremblement de terre qui frappe un vieux bâtiment. », qui signifie que les choses étaient déjà en cours avant la contre-attaque de la Résistance palestinienne.
Une société fracturée en Israël
C’est le premier indicateur que relève Ilan Pappé. La société israélienne est aujourd’hui séparée en deux camps, qui recouvrent notamment le clivage entre laïques et religieux.
Pappé explicite le premier camp comme celui des partisans de l’État d’Israël et le définit ainsi : « Il est composé de juifs européens et de leurs descendants, plus laïques et libéraux. Ils appartiennent pour la plupart, mais pas exclusivement, à la classe moyenne. Ils ont contribué à la création de l’État en 1948 et sont restés hégémoniques en son sein jusqu’à la fin du siècle dernier. Qu’on ne s’y trompe pas, leur défense des “valeurs démocratiques libérales” n’affecte en rien leur engagement en faveur du système d’apartheid imposé, de diverses manières, à tous les Palestiniens qui vivent entre le Jourdain et la mer Méditerranée. Leur souhait fondamental est que les citoyens juifs vivent dans une société démocratique et pluraliste dont les Arabes sont exclus. ».
Quand au second camp, qu’il explicite comme celui des partisans de l’État de Judée, voici comment il le définit : « Il s’est développé parmi les colons de la Cisjordanie occupée. Il bénéficie d’un soutien croissant dans le pays et constitue la base électorale qui a assuré la victoire de Netanyahou aux élections de novembre 2022. Son influence dans les hautes sphères de l’armée et des services de sécurité israéliens croît de manière exponentielle. L’État de Judée souhaite qu’Israël devienne une théocratie qui s’étende sur l’ensemble de la Palestine historique. Pour ce faire, il est déterminé à réduire le nombre de Palestiniens au strict minimum et envisage la construction d’un troisième temple à la place d’al-Aqsa. Ses membres pensent que cela leur permettra de renouer avec l’âge d’or des royaumes bibliques. Pour eux, les juifs laïques sont aussi hérétiques que les Palestiniens s’ils refusent de s’associer à cette entreprise. ».
Les deux camps ont commencé à s’affronter violemment avant le 7 octobre. Pendant les premières semaines qui ont suivi l’assaut, ils ont semblé oublier leurs différences face à un ennemi commun. Mais ce n’était qu’une illusion. Les combats de rue ont repris et on voit mal ce qui pourrait permettre une réconciliation. Et Ilan Pappé conclut ainsi son chapitre : « L’issue la plus probable se déroule déjà sous nos yeux. Plus d’un demi-million d’Israéliens, représentant l’État d’Israël, ont quitté le pays depuis octobre, signe que ce pays est en train d’être englouti par l’État de Judée. Il s’agit pourtant d’un projet politique que le monde arabe, et peut-être même le monde dans son ensemble, ne tolérera pas à long terme. ».
Les autres indicateurs de la fin prochaine du sionisme
Ilan Pappé relève d’autres indicateurs : la crise économique dans le pays, particulièrement aigüe et encore plus de plus le début des épisodes guerriers ; l’isolement international croissant de l’État sioniste dans le monde ; la solidarité de la jeunesse juive dans le monde, notamment le retournement des communautés juives aux USA, de plus en plus favorables à la Palestine ; une armée en difficulté.
Sur ce dernier sujet, voici ce que dit, entre autres, l’historien : « Plus que jamais, le projet sioniste dépend de la livraison rapide d’énormes quantités de fournitures par les États-Unis. Sans cela, il ne pourrait même pas combattre une petite armée de guérilla dans le sud. ». Et encore : « Le sentiment d’impréparation et d’incapacité d’Israël à se défendre est aujourd’hui largement répandu au sein de la population juive du pays. Cela a conduit à une forte pression pour supprimer l’exemption militaire dont bénéficient les juifs ultra-orthodoxes – en place depuis 1948 – et commencer à les enrôler par milliers. Cela ne changera pas grand-chose sur le champ de bataille, mais cela reflète l’ampleur du pessimisme à l’égard de l’armée, qui a, à son tour, aggravé les divisions politiques au sein d’Israël. ».
Enfin, le dernier indicateur relevé par Ilan Pappé est la jeune génération des Palestiniens. Citons encore ce qu’il dit à ce sujet : « Le dernier indicateur est le regain d’énergie de la jeune génération de Palestiniens. Elle est beaucoup plus unie, connectée organiquement et lucide sur ses perspectives que l’élite politique palestinienne. », et, en conclusion de son chapitre, « Seule l’action des Palestiniens peut nous faire avancer dans la bonne direction. Je pense que, tôt ou tard, une fusion explosive de ces indicateurs aboutira à la destruction du projet sioniste en Palestine. Lorsque ce sera le cas, nous devons espérer qu’un solide mouvement de libération sera là pour combler le vide. ».
La conclusion d’Ilan Pappé
En voici deux larges extraits : « Pendant plus de 56 ans, ce que l’on a appelé le “processus de paix” – un processus qui n’a mené nulle part – était en fait une série d’initiatives israélo-américaines auxquelles les Palestiniens étaient invités à réagir. Aujourd’hui, la “paix” doit être remplacée par la décolonisation et les Palestiniens doivent pouvoir exprimer leur vision de la région, les Israéliens étant invités à réagir. Ce serait la première fois, au moins depuis de nombreuses décennies, que le mouvement palestinien prendrait l’initiative d’exposer ses propositions pour une Palestine postcoloniale et non sioniste (ou quel que soit le nom de la nouvelle entité). » ; et « Que l’on se réjouisse de cette idée ou qu’on la redoute, l’effondrement d’Israël est devenu prévisible. Cette éventualité devrait inspirer la conversation à long terme sur l’avenir de la région. Elle s’imposera au fur et à mesure que les gens réaliseront que la tentative séculaire, menée par la Grande-Bretagne puis par les États-Unis, d’imposer un État juif dans un pays arabe touche lentement à sa fin. Cette tentative a suffisamment réussi pour créer une société de millions de colons, dont beaucoup appartiennent aujourd’hui à la deuxième ou à la troisième génération. Mais leur présence dépend toujours, comme c’était le cas à leur arrivée, de leur capacité à imposer violemment leur volonté à des millions d’autochtones qui n’ont jamais abandonné leur lutte pour l’autodétermination et la liberté dans leur patrie. Dans les décennies à venir, les colons devront se départir de cette approche et montrer leur volonté de vivre en tant que citoyens égaux dans une Palestine libérée et décolonisée. ».
En conclusion
Le Parti Révolutionnaire Communistes dénonce le massacre de la population civile palestinienne. Les media et les gouvernements qui criminalisent la résistance palestinienne et ferment les yeux sur les meurtres quotidiens perpétrés par l’armée sioniste sont objectivement complices du génocide en cours.
Malgré tous ces moyens déployés pour faire taire la solidarité avec les Palestiniens, malgré une « information » verrouillée, personne, ni media, ni gouvernement occidental ne peut empêcher les travailleurs, la jeunesse, les peuples de savoir que la population de Gaza subit un génocide et de comprendre que la nature coloniale de l’État sioniste explique ce génocide et implique qu’il ne peut être partie prenante d’aucune véritable paix, il en est l’obstacle principal.
Dans ce cadre, le Parti Révolutionnaire Communistes se retrouve fortement dans ce texte d’Ilan Pappé et spécialement dans sa conclusion. Si le chemin est long vers la décolonisation, c’est le seul à emprunter pour quiconque veut vraiment la paix en Palestine. Être pour la paix, c’est être pour une paix juste anticoloniale, pas la paix coloniale des accords d’Oslo. S’il est urgent et fondamental de réclamer un cessez-le-feu immédiat et permanent, de même que l’accès libre aux humanitaires dans toute la Bande de Gaza, ou encore le retrait total des forces d’occupation de l’enclave, cela ne saurait suffire.
Une paix juste, c’est le démantèlement des colonies, le retour des réfugiés et un Etat palestinien réellement indépendant. Ce qui empêche une telle paix c’est l’existence d’un Etat colonial. Les travailleurs d’Israël ne peuvent être libres s’ils ne rompent pas avec le sionisme, s’ils continuent de se trouver objectivement dans le camp des colonisateurs. La solidarité avec la Palestine ne peut se contenter de phrases générales sur la paix. Il faut un Etat où les anciens colonisateurs et les anciens colonisés puissent vivre ensemble, en l’occurrence, un Etat palestinien.
C'est pourquoi, le Parti Révolutionnaire Communistes entend, malgré les obstacles, continuer de rassembler tous ceux qui veulent un cessez le feu immédiat pour que cesse le massacre des Palestiniens et se prononcent pour la paix. Pour nous, cela passe par le soutien aux revendications fondamentales du mouvement de libération nationale palestinien : fin immédiate de l'agression militaire sioniste, droit au retour des réfugiés et formation d'un État palestinien sur le territoire de la Palestine mandataire.