N° 907 09/01/2025 Si, depuis quelques temps, les vidéos qui nous viennent de Gaza, y compris celles publiées par les soldats d’occupation, et les déclarations des uns et des autres justifiant le massacre des Palestiniens laissent peu de doute sur la nature des événements qui se produisent dans la Bande de Gaza, un génocide, il n’en est pas tout-à-fait de même pour les buts réels des sionistes dans ce massacre.
Que le génocide soit un but est acquis, mais quoi d’autre ? L’État sioniste n’évoque quasiment plus « l’éradication du Hamas » ; sur les réseaux sociaux ses tenants militants se contentent de dire : « Que le Hamas rende les otages et la guerre s’arrêtera ! », chose que, d’ailleurs, Netanyahu et sa bande se gardent bien de répéter. Les dernières palinodies autour d’un soi-disant cessez-le-feu négocié en Egypte montrent une nouvelle fois que les sionistes ne veulent pas de l’arrêt des combats.
La Résistance est toujours active, y compris dans le Nord de la Bande de Gaza où les sionistes détruisent définitivement les hôpitaux, arrêtent ou tuent les médecins, éliminent les journalistes et où les combats se déroulent au sol. On ne connaît pas une journée sans qu’un char Merkava soit détruit, des tirs de missiles depuis le Nord ont lieu régulièrement.
Quand-aux captifs de Gaza, quiconque regarde la situation avec un peu d’objectivité sait bien que c’est le cadet des soucis de Netanyahu, et ce, depuis le début du génocide. Pour les sionistes qui dirigent, la mort des captifs n’est qu’un dommage collatéral ; en décembre 2023 ils ont tué trois otages portant un drapeau blanc, le tireur n'avait pas reconnu le tissu blanc, respectant l'ordre de tirer sur tous les hommes de plus de 15 ans qui s'approchaient d'eux.
Même si le résultat n’est pas atteint pour le moment, il est de plus en plus clair que le but premier de l’État colonial sioniste est de faire du Nord de Gaza un No man’s land pour l’occuper ensuite. Dans les endroits qu’ils occupent, les soldats d’invasion sont passés du bombardement aérien aux explosions au sol, ils rasent tout, à grand renfort de bulldozers. Plus d’hôpitaux, plus d’écoles, plus d’immeubles d’habitation, il faut rayer la mémoire de Gaza, il faut faire disparaître les preuves, tout autant celles d’une vie antérieure que des exactions perpétrées.
Le corollaire, c’est de pousser la population vers le Centre et le Sud de la Bande, car il faut vider le Nord de tous ses habitants actuels. Il s’agit de détruire complètement Beit Lahia, Beit Hanoun et Jabalya, notamment le camp de Jabalya, haut lieu de la Résistance. C’est à Beit Lahia, l’endroit le plus au nord de la Bande de Gaza, que se trouve l’hôpital indonésien, aujourd’hui cerné par les forces d’occupation et les ruines de l’hôpital Kamal Adwan que les sionistes ont brûlé après avoir kidnappé le personnel soignant. Pourtant, des Palestiniens continuent de vivre dans cette zone. Leur courage force l’admiration.
Un but à plus long terme : en finir avec la question palestinienne
La volonté évidente de mettre la main sur Gaza Nord et d’y réinstaller des colonies cache mal le fait que c’est toute la Bande de Gaza qu’Israël veut annexer. Les occupants colons ne seraient pas en sécurité si une partie de la Bande de Gaza, même cernée, affamée, privée de soins subsistait. Personne ne peut croire que de tels massacres aient pu être perpétrés sans déclencher des idées de résistance. La neutralisation du Nord de Gaza n’est, pour le colonisateur, qu’une étape.
En Cisjordanie aussi, la pieuvre coloniale étend ses tentacules. Entre les préemptions de l’État colonial, les destructions de maisons et prises sauvages de terres des colons, l’occupation coloniale gagne de plus en plus de terrain. Les sionistes utilisent la stratégie du léopard : ajouter des taches ici et là jusqu’à occuper l’ensemble du territoire en tuant ou chassant les autochtones. Rien de nouveau sous le soleil, c’est la stratégie des sionistes depuis les premiers temps du mandat britannique. Nous pouvons désormais compter plus de 700.000 colons en Cisjordanie.
Deux zones sont les plus visées dans l’immédiat : d’abord, la vallée du Jourdain, pour la richesse de ses terres et comme tête de pont pour s’étendre en Jordanie. Ne croyons pas que l’occupation d’un quart au moins du territoire syrien par l’armée d’occupation sioniste soit une fin ; nos colonialistes génocidaires comptent bien s’étendre ailleurs. Comme pion avancé des impérialistes occidentaux, comme instrument de division du monde arabe et de contrôle des richesses du sol, c’est leur mission de « prolongement organique de l’impérialisme occidental ».
L’autre zone visée est le nord de la Cisjordanie, avec Naplouse et Jénine et notamment le camp de Jénine qui abrite une Résistance armée pluraliste. La vie quotidienne dans le camp est parfaitement décrite dans le film documentaire « Jénine dans le viseur », du réalisateur palestinien Ehab Ghafri. Ce n’est pas un hasard si le « gouvernement » fantoche de Ramallah a reçu des consignes pour attaquer la Résistance dans ce camp. C’est depuis longtemps une épine dans le pied du colonisateur sioniste, qu’il n’arrive pas à retirer. Finalement, la mission confiée aux sbires de Ramallah est simple : contrôler les accès au camp, limiter au maximum les entrées et sorties et kidnapper des Résistants.
Du côté de la solidarité
Le 22 novembre 2024, l’assemblée des enseignants de l’EHESS (l’École des hautes études en sciences sociales) a adopté une motion appelant explicitement à se garder de « tout partenariat avec des établissements ou des fournisseurs israéliens jusqu’à l’obtention d’un cessez-le-feu pérenne ». Si plusieurs établissements dans le monde ont eux aussi déjà pris position sur ce thème (comme en Espagne, au Royaume-Uni, en Belgique ou au Canada), cette décision de l’EHESS, à l’échelle de la France, possède une forte portée symbolique. L’école est l’un des plus importants et prestigieux centres de recherche en sciences sociales du pays, et le vote s’est déroulé au sein de l’assemblée collégiale des enseignants-chercheurs titulaires, une instance historique et centrale de l’EHESS chargée, entre autres, de débattre des grandes orientations stratégiques et scientifiques. Sur les 220 votants potentiels de ce collège, beaucoup n’ont cependant pas assisté au débat. Pour finir, 35 enseignants-chercheurs ont voté pour, treize contre et deux se sont abstenus.
Il faut évidemment relativiser, il s’agit d’universitaires, donc de gens très imprégnés par l’idéologie dominante et qui ont de grandes difficultés à adopter des thèses non conformes à la doxa impérialiste occidentale. Ainsi, il a même fallu faire œuvre de stratégie pour arracher le vote : une première version, incluant le terme de « génocide » et utilisant explicitement le terme de « boycott » a été retoquée. Elle a été remplacée au cours des débats par un texte qui parle de « suspension des coopérations institutionnelles ou avec des fournisseurs » et évoque les « crimes commis contre le peuple palestinien ». La mention à la fois d’un « attachement indéfectible à l’existence de l’État d’Israël dans les frontières de 1967 », ainsi qu’à la création d’un État palestinien pleinement « souverain à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est » a également été pesée au mot près. Pourtant, cela reste une victoire pour celles et ceux qui, universitaires parfois, étudiants souvent, combattent pour la cause de la solidarité avec le peuple palestinien. A preuve, un trio d’universitaires bien-pensants, la psychanalyste Laurence Croix, la sociologue Eva Illouz (connue comme négationniste du génocide de Gaza) et l’économiste Yann Moulier-Boutang (ancien disciple d’Althusser, tenant de la mouvance « autonome » trivialement passé aux Verts en 1999) s’est fendu d’une tribune publiée par l’inénarrable Libération, parlant d’un « boycott incohérent et contre-productif » et accusant leurs confrères et consœurs de céder à un « chantage islamiste » qui ouvrirait la porte « à un antisémitisme décomplexé et violent pour tous ».
Comme le dit l’Association France Palestine Solidarité (AFPS) à propos de la destruction des hôpitaux du Nord de Gaza dans une communiqué : « Cette façon de s’en prendre systématiquement aux soignants et aux patients d’un peuple agressé, affamé, sans eau ni médicaments et sans le moindre endroit sûr où se réfugier, est bien l’un des aspects du génocide en cours à Gaza et une preuve de l’intention génocidaire du gouvernement israélien ! ». Comme des milliers de ses compatriotes depuis le 7 octobre 2023, le docteur Hussam Abu Safiya, directeur de feu l’hôpital Kamal Adwan, a été kidnappé par l’armée d’occupation le 27 décembre dernier. Dans les jours précédant l’attaque de son hôpital, il avait désespérément demandé de l’aide, une intervention internationale « avant qu’il ne soit trop tard ». Ses appels à l’aide n’ont pas été entendus, sans surprise.
Le Dr Hussam Abu Safiya refusait d’abandonner ses patients. Il a été envoyé dans la prison de Sde Teiman, véritable centre de torture situé dans le désert du Néguev. Selon certains témoignages de détenus, il y a été sauvagement battu nu par les soldats. L’AFPS ajoute, dans son communiqué : « Plus inquiétant, une semaine après son arrestation, l’armée israélienne vient de déclarer officiellement et cyniquement qu’elle n’a aucune indication de son arrestation ou de sa détention et ne rien savoir de ce qui a pu lui arriver. La crainte qu’il soit torturé à mort comme cela est arrivé à plusieurs autres médecins avant lui et que ses geôliers décident de le faire disparaitre est grande. ».
Un grand mouvement de solidarité est en train de se bâtir pour exiger sa libération. Des soignants, des médecins du monde entier s’affichent avec le slogan : « Liberté pour le docteur Hussam Abu Safiya, sa place est auprès de ses patients, pas dans un centre de torture de l’occupation israélienne ». Certes, il n’est pas le seul dans ce cas. Ainsi, par exemple, le docteur Ahmed Mahna, directeur de l’hôpital Al-Awda a été kidnappé lui aussi il y a plus de 350 jours. Mais la campagne qui se développe est symbolique, il s’agit, à travers la personne de Hussam Abu Safiya, d’exiger la libération de tous les Palestiniens kidnappés par l’État colonial sioniste. Faisons en sorte que cette campagne prenne le plus d’ampleur possible.
En conclusion
Cette solidarité des travailleurs et des peuples du monde est le seul soutien que peuvent espérer les Palestiniens de Gaza victimes du génocide perpétré par les colonialistes sionistes. Le Parti Révolutionnaire Communistes est, depuis le début, au nombre des soutiens du peuple colonisé face à l’État colonisateur, face au génocide, face aux sionistes qui veulent se débarrasser d’eux par tous les moyens. L’important, c’est la poursuite et l’amplification des luttes de solidarité, sous toutes leurs formes.
Le Parti Révolutionnaire Communistes continue et continuera, inlassablement, d’exiger un cessez-le-feu immédiat et permanent, de même que l’accès libre aux humanitaires dans toute la Bande de Gaza, et le retrait total des forces d’occupation et de colonisation de l’enclave. Mais, cela ne saurait suffire.
Une paix juste, c’est le démantèlement des colonies, le retour des réfugiés et un Etat palestinien indépendant. Ce qui empêche une telle paix c’est l’existence d’un Etat colonial. Les travailleurs d’Israël ne peuvent être libres s’ils ne rompent pas avec le sionisme, s’ils continuent de se trouver objectivement dans le camp des colonisateurs. La solidarité avec la Palestine ne peut se contenter de phrases générales sur la paix. Il faut un Etat où tous les habitants jouissent des mêmes droits et puissent vivre ensemble, quelle que soit leur origine, en l’occurrence, un État palestinien démocratique. De même, la lutte de libération nationale du peuple palestinien n’a pas besoin de compassion, mais d’un réel soutien politique et d’actions de solidarité internationaliste. Et pour la France, où les Révolutionnaires, comme ailleurs, doivent combattre d’abord leurs capitalistes, cela commence par la lutte politique contre le soutien de l’impérialisme français à l’État colonial sioniste.
Le Parti Révolutionnaire Communistes entend continuer de rassembler tous ceux qui veulent un cessez le feu immédiat pour que cesse le massacre des Palestiniens et se prononcent pour la paix. Pour nous, cela passe par le soutien aux revendications fondamentales du mouvement de libération nationale palestinien, surtout après l’assassinat d’un de ses dirigeants : fin immédiate de l'agression militaire sioniste, droit au retour des réfugiés et formation d'un État palestinien sur le territoire de la Palestine mandataire.