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N° 949 29/10/2025  Le meeting anti-impérialiste du 15 octobre 2025
Le 15 octobre dernier, la FSE (Fédération Syndicale Étudiante) a organisé, dans les locaux de l’université Paris VIII (Saint-Denis), un grand meeting anti-impérialiste. La situation au Congo, les révoltes, notamment de la jeunesse, au Népal, au Maroc et à Madagascar y ont été évoquées. Mais le point nodal du meeting était la question de la libération nationale de la Palestine.
Les positions de la FSE concernant la question palestinienne sont claires. Voici ce qui figure dans leur communiqué du 23 septembre à ce sujet : « Pourtant nous le savons, ni un cessez-le-feu vide de sens ni une solution à deux États ne pourra arrêter l’État génocidaire et suprémaciste qu’est Israël. La paix et la justice en Palestine ne pourront avoir lieu qu’avec la décolonisation de toute la Palestine, de la mer au Jourdain. C’est par ce mot d’ordre que nous continuerons à nous mobiliser pour le peuple palestinien et sa résistance légitime face à l’oppression coloniale et génocidaire. ».
Aux dires du Monde, une camarade de la CUPLGIA (Campagne Unitaire Pour la Libération de Georges Ibrahim Abdallah) est intervenue lors du meeting. Elle se serait adressée aux étudiants assistant au meeting en leur demandant : « Condamnez-vous le 7 octobre ? ». La grande majorité aurait répondu « Non ! ». Ce que Le Monde qualifie de « site d’information », Leon-le media qui se prétend « français et juif » a diffusé une vidéo montrant ces événements.
 
La répression usuelle
Et cela a déclenché l’habituelle bronca de tous les sionistes, prosionistes affirmés ou cachés, le ministre des Universités et l’UEJF (Union des Étudiants Juifs de France) en tête. Ce n’est pas étonnant.
La position du Parti Révolutionnaire Communistes à propos de l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » est claire. Nous l’avons dit à plusieurs reprises, comme l’Offensive du Têt pour le Vietnam du Sud, elle a permis de remettre la question palestinienne sur le devant de la scène et a surtout révélé à l’État colonial sioniste et à ses tenants sa vulnérabilité. Elle a permis que se révèle aux yeux des peuples du monde la réalité du sionisme, la situation coloniale en Palestine et la lutte de libération nationale de sa Résistance. Elle a permis de mettre l’État colonial sioniste au ban des nations. Et, grâce à elle, pour citer Ehud Barak, « pour la première fois est mise en cause l’existence même d’Israël ».
Les représailles n’ont pas tardé. Le ministre de l’enseignement supérieur a officiellement saisi, le 23 octobre, l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR), qui devra, « d’ici trois semaines, expliquer quels ont été les dysfonctionnements, qui en sont les responsables et sur quelles bases le ministre pourrait être amené à prendre des sanctions ». Le 22 octobre, la rectrice de l’académie de Créteil a saisi le parquet de Bobigny, qui a ouvert une enquête pour des « propos susceptibles de recevoir la qualification pénale d’apologie publique d’acte de terrorisme ». L’université Paris-VIII a elle aussi ordonné l’ouverture d’une enquête administrative en vue de sanctions disciplinaires.
Hommage du vice à la vertu, le président de l’UEJF a déclaré, en évoquant les étudiants présents lors du meeting : « On le voit à la force de leurs applaudissements, ils sont fiers d’eux. Ils ont le sentiment d’être du bon côté de l’histoire » ; non sans avoir dit auparavant « cet amphithéâtre était rempli de personnes qui, depuis deux ans, sont biberonnées au matraquage des mouvements militants », comme si lui n’était pas biberonné au matraquage de la propagande sioniste et de l’idéologie dominante.
Encore une fois, ces réactions confirment ce que nous écrivions récemment. La ligne rouge est toujours la même : la compassion, qui maintient les Palestiniens comme victimes, est acceptée ; la dénonciation des crimes de l’État colonial sioniste, surtout s’il est appelé « Israël » est tolérée. Mais la dénonciation réelle de la situation coloniale et la caractérisation des combattants comme Résistants luttant pour leur libération nationale sont interdites.
Le Parti Révolutionnaire Communistes assure la FSE et les étudiants participant au meeting du 15 octobre de sa pleine et entière solidarité.
 
Le parti pris prosioniste de nos media
Le Monde, qui relate l’affaire dans un article publié le 23 octobre, choisit clairement son camp. Il présente Mariam Abu Daqqa, la militante du FPLP, présente en visioconférence au meeting comme : « cadre du Front populaire de libération de la Palestine, une organisation de gauche radicale qualifiée de terroriste par l’Union européenne à la suite d’actes commis dans les années 1970-1980 » et rappelle que « Fin 2023, le Conseil d’Etat avait validé son expulsion du territoire. ».
Mais surtout, le véhicule préféré de l’idéologie dominante met en scène des « étudiants », qui seraient choqués par les propos tenus lors du meeting. La journaliste en cite une, dont elle nous assure qu’elle participe depuis deux ans aux manifestations de soutien aux Gazaouis. Voici les propos qu’elle lui prête : « Il ne faut surtout pas laisser prospérer cette petite part qui dérape. Je côtoie plein de juifs étudiants qui sont contre le gouvernement israélien. Musulmans contre juifs, ce n’est pas un clivage du tout pour nous ». Peut-être notre « étudiante » n’a-t-elle pas bien compris les paroles reprochées aux participants ni leur portée, mais, rien n’a été dit contre les Juifs et rien non plus n’a été dit qui puisse être considéré comme la caractérisation d’un conflit religieux. Bien au contraire, les défenseurs de la Résistance palestinienne, la FSE comme les autres, expliquent bien qu’il s’agit d’un conflit colonial et non religieux.
Quant au fleuron du journalisme officiel de « gauche », Libération, il conclut un article insistant sur les condamnations avec l’habituelle défense des prosionistes : « Les actes antisémites ont fortement augmenté en France et dans le monde depuis le 7 octobre 2023 et la riposte sanglante de l’armée israélienne à Gaza. », où il présente le génocide comme une riposte, comme si la Naqbah n’avait pas existé, qu’il n’y avait pas eu 77 ans et plus de colonisation et en rappelant que « Début juillet, le Parlement a adopté une loi pour lutter contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur. » sans évidemment dire qu’il s’agit en réalité d’une loi destinée à discriminer les défenseurs de la Résistance palestinienne.
Notre « étudiante », croisée par Le Monde, soi-disant solidaire des Gazaouis, utilise la rhétorique des sionistes assimilant l’État colonial sioniste aux Juifs alors qu’il est le prolongement organique de l’impérialisme occidental. Elle utilise aussi celui de la gauche, sioniste ou pas, qui concentre ses critiques sur le gouvernement de Netanyahu, épargnant ainsi l’État colonial sioniste et évitant la remise en cause de sa légitimité.
 
L’enjeu du débat
Des propos prêtés par notre organe de désinformation à une « étudiante » découle cette interrogation majeure : soutenir la Résistance armée palestinienne serait donc déraper ? Une autre question est en filigrane. On sait que le mouvement de solidarité avec la Palestine est bien plus faible en France qu’en Italie ou au Royaume Uni. Est-ce que le soutien à la Résistance, en serait la cause comme l’affirme un internaute proche de LFI sur X : « Voilà pourquoi la lutte pour le peuple palestinien est beaucoup moins massive en France que dans les autres pays européens, parce que tu auras toujours des révolutionnaires de salons du XIème arrondissement de Paris pour bander sur une orga terroriste et facho ». On passe sur le fait qu’il est bien possible que des étudiants de Paris VIII ne soient pas du XIème arrondissement de Paris, sur la caractérisation erronée et partielle (seulement le Hamas) de la Résistance et sur l’utilisation du vocable terroriste, qui appartient à l’idéologie dominante. Concentrons-nous sur le fond de la question.
Pour le Parti Révolutionnaire Communistes, c’est au contraire parce que la défense de la Résistance Palestinienne ne s’exprime pas assez, que l’État colonial sioniste n’est pas assez dénoncé dans son existence même que le mouvement de solidarité est freiné dans son expansion.
 
Les positions de la « gauche », un obstacle au développement de la lutte
Le rôle de la « gauche » en général et de LFI en particulier dans cette difficulté d’élargissement est majeur. Toute la « gauche » non sioniste a des positions de fond similaires ; reconnaissance d’un État palestinien, solution à deux États et donc maintien de l’entité coloniale sioniste, appels pitoyables aux Nations Unies et au droit international, soutien à l’Autorité nationale palestinienne, laquelle a abandonné la lutte de libération nationale du pays et collabore avec l’entité sioniste, condamnation de l’opération « Déluge d’Al-Aqsa ».
 
La France insoumise
Mais, parce qu’elle a été la première organisation politique représentée au Parlement à condamner le génocide et par sa volonté effrénée de leadership dans ce domaine, avec parfois des manœuvres politiciennes, La France Insoumise est au cœur de cette controverse. D’ailleurs, la citation à laquelle nous avons fait référence au paragraphe précédent est venue en soutien à un communiqué du groupe d’action de La France Insoumise de Paris VIII, éclairant parfaitement la problématique.
Diffusé par Bally Bagayoko, chef de file de LFI pour les futures élections municipales à Saint-Denis, ce communiqué s’en prend à la chaîne d’information continue du grand capitaliste Bolloré, CNews, et condamne fermement les propos d’un de ses journalistes affirmant que des « Jeunes Insoumis » auraient participé au grand meeting anti-impérialiste du 15 octobre, menaçant l’officine de l’idéologie dominante de poursuites pour diffusion de fausses informations et exigeant une rectification publique. Le communiqué indique : « Nous démentons catégoriquement cette information : nous n’avons ni participé, ni été associés de près ou de loin à cet événement. ». Cela a le mérite de la clarté. La suite est encore plus éclairante sur les positions de LFI.
Le groupe d’action LFI de Paris VIII continue donc ainsi : « Ce meeting, au cours duquel ont été tenus des propos inadmissibles glorifiant l’attaque du 7 octobre menée par le Hamas en Israël ne représente en rien nos idées, ni celles de la France Insoumise. Aucun militant Insoumis de Paris 8 n’était présent à cet événement, contrairement à ce qu’a affirmé le journaliste à l’antenne. ». Il est facile de s’apercevoir, en décortiquant ce court passage, que LFI ne défend pas la lutte de libération nationale palestinienne.
Glorifier l’attaque des colonisés contre l’État colonial est jugé inadmissible. Le texte reprend la rhétorique officielle parlant du seul Hamas et non de la Résistance, passant sous silence que 5 organisations palestiniennes ont participé à l’attaque, dont les marxistes et que la coordination des groupes armés à Gaza comporte 12 organisations. Enfin, le court extrait évoque, une attaque en Israël et non pas en Palestine occupée.
Nous l’avons déjà dit, la position de LFI n’est pas un soutien à la Résistance palestinienne, et, par là-même, ne peut faciliter ni la victoire ni la paix. Dans les premiers temps du génocide, comme c’était la seule organisation « officielle » qui le dénonçait, nous avions pu écrire qu’ils restaient au milieu du gué. Aujourd’hui, non seulement le reste de la « gauche » non sioniste tient exactement le même discours, y compris sur le génocide, mais deux ans ont passé révélant aux travailleurs et aux peuples du monde la réalité de la colonisation et de l’État colonial sioniste génocidaire. Ces deux ans auraient dû suffire pour passer de la rhétorique « Netanyahu d’extrême droite », couplée à « Nous condamnons le Hamas » à une position de soutien à la libération nationale de la Palestine, de toute la Palestine, et donc de sa Résistance. Ce communiqué nous le dit clairement : il n’en est rien.
Aujourd’hui, cette position et la volonté de LFI de chapeauter le mouvement de solidarité avec la Palestine sont clairement un obstacle essentiel au développement du mouvement. Quand on défend des billevesées comme le droit international et la pseudo solution à deux États, quand on pense que l’ennemi est Netanyahu d’extrême-droite et non le sionisme dans son intégralité, on ne peut soutenir la lutte de libération nationale des Palestiniens. De là à soutenir le désarmement de la Résistance, qui réglerait définitivement le sort de la Palestine, il n’y a qu’un pas.
 
Le Parti communiste français
Le communiqué du député de la circonscription incluant l’université Paris VIII, Stéphane Peu, par ailleurs président du groupe GDR dans lequel siègent les députés PCF, publié le 24 octobre, est une insulte à la lutte anticoloniale.
Le texte commence par ces mots hors du réel : « Le 15 octobre dernier, une réunion organisée par un syndicat étudiant au sein de l’université Paris 8 à Saint-Denis a donné lieu à la tenue de propos antisémites et d’apologie du terrorisme. Ces faits sont graves et je les condamne avec la plus grande fermeté. ».
Il faut d’abord noter, que, sans dire quoi que ce soit du contenu réel reproché au meeting du 15 octobre, le député Peu franchit une marche dans l’ignominie, puisque, contrairement à LFI, qui n’évoque que des propos inadmissibles, contrairement même aux ministres et à l’UEJF qui n’évoquent que la sempiternelle réponse obligée des dominants, l’apologie du terrorisme, il ajoute le grief, surtout pas défini ni justifié, d’antisémitisme.
Mais, pire, le député ajoute à son hommage à l’idéologie dominante, un hommage lige à l’État bourgeois en apportant son soutien « à la Présidence de Paris 8 dans ses démarches visant à déterminer les responsabilités et entamer les poursuites disciplinaires ». En clair, il encourage à la répression contre les militants anticolonialistes, lui qui ne combat pas, objectivement, le colonialisme. Il fait honte aux Résistants communistes de la seconde guerre mondiale en se réclamant du même parti qu’eux.
Si le Parti communiste français, qui a souvent été ambigu, depuis 1945, en matière de lutte anticoloniale, a longtemps été un soutien avéré de la Palestine, du temps de Georges Marchais, ce souvenir est aujourd’hui totalement estompé. Entre dénonciation tardive du génocide, mais surtout de la lutte armée de la Résistance, et appui sans réserve aux collaborateurs compradores de l’Autorité palestinienne, n’ayant plus rien à voir, depuis bien longtemps, avec l’OLP de Yasser Arafat, le PCF continue de soutenir, comme LFI, l’illusoire et coloniale solution à deux États. Comme LFI, il est aujourd’hui, plus obstacle que soutien au développement de la solidarité internationale avec la Palestine.
 
La « gauche » ne sort pas de la compassion, donc ne défend pas la libération de la Palestine
Quand en Italie, la centrale syndicale USB, à l’origine des deux journées de grève générale, parle de libération de la Palestine, quand des syndicalistes britanniques mettent en avant ce même slogan, la « gauche » française en reste à l’État de Palestine et la pseudo « solution à deux États ». Comme nous le montre l’exemple de ses réactions au grand meeting anti-impérialiste, la « gauche » en France ne soutient pas le combat de la Résistance armée en Palestine, pire, elle le condamne. En validant l’existence perpétuée de l’État colonial sioniste, elle se situe, objectivement, dans le camp de l’impérialisme occidental et de son subalterne sioniste. Et c’est cela qui handicape le mouvement de solidarité avec la lutte de libération nationale du peuple palestinien dans notre pays.
Voici le moment de rappeler la conclusion du texte de la conférence au Cercle Universitaire d’Études Marxistes (CUEM) de Patrick Bobulesco, sur le thème « la question de la Palestine et le marxisme », en juin dernier : « En conclusion, fortement handicapé par la faiblesse historique à gauche de l'anticolonialisme et de l'anti-impérialisme en France, si un large courant de solidarité avec le peuple palestinien a pu tout de même se développer, ce soutien est resté très dépendant d'une rhétorique surtout humanitaire, d'une unique dimension morale, d'une sympathie pour un peuple martyr et d'une compassion qui fait siennes les souffrances du peuple palestinien mais peine à comprendre les racines politiques profondes de l'entreprise sioniste de conquête de la Palestine. La véritable solidarité avec le peuple palestinien exige d'abandonner cette vision passive et victimaire pour le reconnaître comme un peuple acteur de sa propre histoire, en lutte contre le sionisme, l'impérialisme et la réaction, pour sa libération nationale, un long combat dont nous devons reconnaître la centralité et le caractère stratégique pour notre propre émancipation. ».
 
En conclusion
Une position claire de soutien à la Résistance palestinienne et à son combat de libération nationale permet de comprendre que la situation de la Palestine, aujourd’hui, malgré les massacres et le fait qu’ils peuvent reprendre est porteuse d’un espoir que certains sympathisants de la cause palestinienne, faute d’analyse correcte, ne voient pas. Comme le dit Georges Abdallah : « Il ne faut pas se tromper sur l'évaluation de la situation, nous sommes en train de gagner. ».
Le peuple palestinien ne peut compter que sur lui-même, sa Résistance, et l'immense solidarité internationale. L'Etat colonial sioniste est désormais au ban des nations. Il a, pour le moment échoué à terminer le génocide et à vaincre la Résistance armée. La solidarité internationale doit maintenant se poursuivre et s'amplifier. Soyons bien convaincus que si l'impérialisme doit reculer en Palestine, ce sera un atout de plus pour le faire reculer en France et partout ailleurs !
Afin d’aider à la libération nationale de la Palestine, il faut, plus que jamais, des actions et un discours clair, anticolonialiste, anti-impérialiste, antisioniste, dénonçant les acteurs, les complices de la colonisation de substitution mise en œuvre en Palestine. Il est impossible de soutenir la lutte pour une Palestine libre sans soutenir la Résistance armée, dans toutes ses composantes et dans toutes ses actions ; sans réclamer la fin de l’entité coloniale d’apartheid, car son existence empêche une véritable paix.
 
Nous avons plus que jamais besoin de construire un rassemblement de toutes celles et tous ceux qui soutiennent la libération nationale de la Palestine et sa Résistance armée, pour apporter notre contribution militante, en France contre nos capitalistes et leurs tenants, à « la Palestine libre du fleuve à la mer ».