Gantry 5

 

N° 871 02/05/2024 Les élections législatives se déroulent en Inde du 19 avril au 1er juin. Ces élections concernent 970 millions d'électeurs qui doivent désigner 543 députés. Les précédentes élections ont eu lieu en avril-mai 2019[1] et ont permis à Narenda Modi[2] du parti BJP[3] (Parti Indien du Peuple) de conforter sa position comme premier ministre. En effet, lors des élections de 2019[4], l'Alliance Nationale Démocratique (DNA) dirigée par le BJP a obtenu 353 sièges contre 93 à l'Alliance Nationale Inclusive pour le développement Indien (India) autour du Parti du Congrès, faisant partie de cette alliance le Parti Communiste d'Inde (Marxiste) (CPI(M)) a remporté 3 sièges et le Parti Communiste d'Inde (CPI) 2.
Si, les media s'attachent essentiellement à souligner les attaques islamophobes de N. Modi et sa vision suprématiste de la religion hindou, attaques qu'il vient de renouveler lors d'un discours[5] en avril au Rajasthan, où il a assimilé les musulmans à une cinquième colonne contre la population hindou, cinquième colonne, qui de par sa démographie, menacerait le caractère hindou de l'État, ils négligent de mettre en lumière les profondes transformations sociales et économiques en faveur du  grand capitalisme indien, avec l'objectif de le placer en situation de concurrence dans le marché mondial.
Depuis l'accession au pouvoir de N. Modi en 2014, ces transformations ont essentiellement touchées la  politique agraire[6], la politique industrielle et financière avec des atteintes notoires aux droits des travailleurs. Membre des BRICS+ dont l'Inde constitue un pilier important, la politique étrangère a été façonnée pour donner à l'Inde les moyens de peser en faveur de son intégration dans le système impérialiste et cela à la fois en alliance et en concurrence avec les autres poids lourd des BRICS+ que sont la Chine et la Russie, tout en ménageant ses rapports avec la puissance impérialiste dominante que sont les États-Unis[7]. Dans le domaine financier, alors que les BRICS+ tentent de développer une politique monétaire concurrente du FMI, on imagine mal l'Inde rentrer en conflit avec les États-Unis en souscrivant à une monnaie commune des BRICS+. Elle tient à l'indépendance de sa banque centrale dans la mesure où elle entend assurer sa domination sur son aire d'influence au Népal, Bengladesh et Sri-lanka. De plus, elle assume son rapprochement avec Israël, les États-Unis, l'Australie et le Japon tout en aidant la Russie  à exporter son pétrole, le tout en restant dans les BRICS+ !
Comme les États-Unis, La France considère l'Inde comme un partenaire stratégique pour contrebalancer l'influence chinoise tout aussi membre des BRICS+. Ainsi, l'été dernier, Narendra Modi a-t-il été l'invité d'honneur du 14 Juillet à Paris. La récente visite en de Macon en janvier  est venu consolider le partenariat Inde-France. Selon le journal Les Echos[8], sa colonne vertébrale repose sur une « coopération de défense dense ». La France est en effet l'un des grands fournisseurs d'armements pour l'Inde. Entre 2018 et 2022, l'Inde a capté 30 % des exportations d'armement françaises selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri). La France a également fourni six sous-marins Scorpène, réalisés en transfert de technologie entre Naval Group et le chantier naval de Bombay, Mazagon Dock.
Il faut dire que la dynamique de la croissance indienne attise les convoitises. Selon Le Fonds monétaire international (FMI) la croissance indienne sera de 6,7 % pour cette année fiscale. Le FMI a également revu à la hausse ses prévisions pour 2024-2025 et 2025-2026, à 6,5 % contre 6,3 % précédemment. Cette croissance s'accompagne d'une explosion des inégalités. En 2022-23, les parts des revenus et des patrimoines du 1 % supérieur concentrait  40 % des richesses du pays atteignant leurs plus hauts niveaux historiques et la part de revenu du 1 % supérieur en Inde est l'une des plus élevées au monde, plus élevée que celle de l'Afrique du Sud, du Brésil et des États-Unis.
Si le bilan des gouvernements Modi est très défavorable à la paysannerie et à la classe ouvrière, il est au contraire très favorable à la grande et moyenne bourgeoisie indienne et n'est pas pour déplaire aux puissances impérialistes en général. La question est jusqu'à quand l'Inde pourra jouer les équilibristes entre le bloc euro-atlantique dominé par les États-Unis et le bloc eurasiatique en formation ?  La réponse à cette question est intimement liée au développement de la lutte des classes en Inde.
 Inde enjeu